Avocat en construction et copropriété

Mois : août 2007

L’origine illicite de l’oeuvre copiée fait obstacle à l’exception de copie privée

L'origine illicite de l'oeuvre copiée fait obstacle à l'exception de copie privéeEn matière de copie privée, un argument souvent avancé par les téléchargeurs acharnés est qu’ils ont tout à fait le droit de copier des œuvres pour leur usage personnel.

En effet, en la matière, il faut distinguer le fait de télécharger des fichiers, c’est-à-dire d’en obtenir copie, et celui de diffuser ces fichiers à d’autres internautes.

La plupart des logiciels de peer to peer fonctionnent sur un principe d’échange, de sorte qu’il est impossible de télécharger sans diffuser ce qu’on obtient.

Toutefois, certains ont pu avancer l’argument que si l’on télécharge sans diffuser, l’opération est licite car elle rentre dans l’exception de copie privée.

En effet, l’article L 122-5 du Code de Propriété Intellectuelle précise que lorsque l’œuvre a été divulguée au public, son auteur ne peut interdire les copies strictement réservées à l’usage privé du copiste.

Cet article ne distingue pas selon que l’exemplaire copié a une origine licite (par exemple, CD acheté dans le commerce) ou illicite (par exemple, fichier qui provient déjà d’un téléchargement).

En conséquence, l’internaute qui télécharge des fichiers, même issus d’une copie non autorisée, et ce sans les partager avec d’autres prétendait qu’il ne faisait rien de mal, et se contentait de profiter de l’exception de copie privée.

La question s’était déjà posée à plusieurs reprises devant les tribunaux.

La Cour d’Appel de VERSAILLES a donné son avis sur la question le 16 mars 2007 (jurisdata 2007-331563). L’affaire était banale : un internaute avait téléchargé des milliers de fichiers musicaux par un logiciel de peer to peer.

Une fois devant les juges, notre internaute avait précisément développé l’argumentation expliquée plus haut, et selon laquelle peu importait que la source de sa propre copie soit licite ou pas.

La Cour d’Appel répond, de façon laconique, que :

« Il est établi que les œuvres reproduites et diffusées l’ont été à partir de sources non autorisées par leurs auteurs respectifs et sans qu’aucun droit ne soit versé à ces derniers. Dès lors, l’exception de copie privée tirée de l’article L 122-5 [du Code de Propriété Intellectuelle] ne peut être valablement invoquée par le prévenu ».

Ce qui revient à dire qu’on ne peut réaliser une copie privée que si l’œuvre copiée a une origine licite.

Autrement dit, si vous achetez un CD, un film, etc…, vous avez la faculté d’en faire une copie. Attention cependant, cette possibilité n’est pas un droit acquis, comme l’a rappelé la Cour de Cassation dans l’affaire Mulholland Drive.

Mais une fois que vous avez fait cette copie… Vous n’avez pas le droit de la diffuser au public en l’offrant au téléchargement : il s’agit en effet d’une représentation que seul l’auteur peut autoriser.

Mais à supposer que vous le fassiez quand même, la personne qui télécharge le fichier est elle aussi dans l’illégalité, car l’origine de ce fichier téléchargé est illicite.

Il serait intéressant de savoir si le prêt de l’œuvre, de l’œuvre originale, s’entent, pas d’une copie, par exemple par un ami ou par une bibliothèque, est considéré comme une origine licite. J’aurais tendance à penser que oui, mais je ne crois pas qu’il y ait de la jurisprudence en la matière.

Maintenant, il reste à voir si la Cour de Cassation donnera son avis sur la question, ce qui aurait pour effet de la trancher de façon plus précise.

Edit: A présent, la question ne se pose plus. En effet, l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, qui prévoit l’exception de copie privée, exige que celle-ci soit réalisée « à partir d’une source licite ». Autrement dit, fini de pouvoir invoquer l’exception de copie privée quand on télécharge une oeuvre piratée.

Noms de villes, marques et noms de domaines

Noms de villes, marques et noms de domainesEn matière de propriété industrielle, il est interdit de déposer une marque qui porterait atteinte au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale. Cette règle est édictée par l’article L711-4 du Code de Propriété Intellectuelle.

En effet, le législateur a considéré que les villes autres collectivités territoriales, à l’instar des personnes privées, ont un nom, une réputation, qu’il convient de protéger. Dans ce cas de figure, la collectivité qui veut empêcher l’enregistrement de la marque doit prouver qu’elle subit un préjudice. Une ville réputée pour ses produits de luxe pourrait ainsi faire obstacle à l’enregistrement d’une marque reprenant son nom pour des produits contraires à son image de marque.

Mais il n’est toujours pas nécessaire que la collectivité prouve l’existence de ce préjudice. En effet, le Code de Propriété Intellectuelle prévoit par ailleurs (article L711-3) que nulle marque ne peut être enregistrée qui serait de nature à tromper le public, notamment sur la provenance géographique d’un produit ou service. Dès lors, point n’est besoin que la collectivité ait subi un préjudice, il suffit qu’elle prouve que la marque risque d’entraîner une confusion dans l’esprit du public.

C’est ainsi que dans une décision récente (Tribunal de Grande Instance de Paris, 6 juillet 2007, 3ème chambre 2ème section), le Tribunal a déclaré nulle la marque « paris-sansfil.org », en raison du risque de confusion qui pouvait se produire dans l’esprit du public entre la marque et la ville de Paris, au motif que cette dernière intervient activement dans le domaine des nouvelles technologies, alors que la marque litigieuse émane d’une association sans rapport aucun avec la ville de Paris.

C’est pour les mêmes raisons (bien que sur le fondement juridique différent de la responsabilité délictuelle) que le Tribunal a ordonné à l’association en cause de modifier ses noms de domaine comportant les termes « Paris-sansfil », de même que sa dénomination sociale.

Ainsi, il convient d’être vigilant dans le choix d’une marque ou d’un nom de domaine qui reprendrait un nom géographique. En effet, il y a fort à parier que la collectivité territoriale concernée n’apprécie pas qu’un tiers s’approprie – même en toute bonne foi – son nom et la réputation qui peut y être attachée.

Dans le doute, il est préférable de consulter un spécialiste qui donnera toutes précisions utiles et évaluera le niveau de risque d’une telle démarche.

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément

Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément

Nicolas Boileau

Selon moi, cette citation de Nicolas Boileau illustre l’idéal vers lequel l’avocat devrait tendre. 

En effet une très grande part du travail d’avocat consiste à transformer la pile de documents et les quelques informations que lui donne son client en un récit cohérent qui emportera la conviction de celui qui le lit, à savoir le magistrat qui va trancher le litige. 

Il faut ainsi dans un premier temps s’attacher à comprendre la situation qui est exposée par le client pour ensuite la traduire en termes juridiques et en tirer les conséquences. Il s’agit d’un raisonnement consistant à énoncer la situation donnée, trouver la règle de droit que l’on veut appliquer, pour en conclure l’effet que produit cette règle sur la situation de fait. 

Parfois, c’est limpide. Par exemple, Monsieur X s’est engagé à payer 1 000 Euros à Monsieur Y : c’est la situation de fait. L’article 1134 du code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites : c’est la règle de droit. Conséquence : X est dans l’obligation de payer cette somme à Y. 

Plus souvent, c’est complexe et il faut alors réfléchir longuement à la façon d’agencer les arguments de façon à ce qu’ils s’enchaînent de façon parfaitement claire et naturelle. On s’aperçoit parfois qu’on a une idée assez nette de l’argument qu’on souhaite formuler sans avoir encore trouvé les mots appropriés (Comme quoi, peut être que la pensée précède le langage et non l’inverse… Mais sans langage, point de pensée évoluée). 

Il s’agit alors de faire un travail de conceptualisation, pour traduire l’idée en mots les plus appropriés possibles – et de préférence, les moins nombreux possibles. Une partie du travail consiste à tenter d’utiliser alors le mot juste plutôt qu’une périphrase longue et souvent moins précise. 

Et dans l’idéal on obtient un texte court, clair et évident. En priant pour que ce soit aussi l’avis du Juge. 

Alors le jour où votre avocat soumet à votre approbation un texte qui vous paraît ridiculement court, ne lui en veuillez pas. D’abord, il a parfois fallu des heures de travail pour arriver à faire une synthèse de toutes les informations que vous lui avez données : il est souvent plus difficile de faire court que de laisser courir la plume. Et ensuite, pensez au Juge, qui sera ravi de n’avoir à lire que cinq page et pas quinze…

Comment faire payer vos frais d’avocat à l’adversaire

Comment faire payer vos frais d'avocat à l'adversaireLe fait que les services d’un avocat soient perçus comme onéreux a tendance à dissuader nombre de justiciables d’avoir recours à de tels services.

Pourtant, ce que beaucoup ignorent, c’est qu’il est possible, dans le cadre d’un procès, de faire payer vos frais d’avocat à l’adversaire, au moins en partie.

En effet, le Nouveau Code de Procédure Civile précise en son article 700 que :

« dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».

Cela signifie que lorsqu’un Juge considère qu’une partie au procès a tort et la condamne, il peut, si l’autre partie en a fait la demande, la condamner également à payer tout ou partie des frais d’avocat de celui qui gagne l’affaire.

L’idée qui sous-tend ce dispositif est qu’il est injuste que la personne qui était dans son bon droit se voie obligée de dépenser des sommes du fait de la mauvaise foi de son adversaire.

Pour cette raison, le Juge recherche une solution équitable afin que la « victime » du procès soit remboursée au moins d’une partie de ces sommes.

Il est indifférent à cet égard que la partie qui gagne le procès ait été en demande ou en défense. En effet, on peut être dans son bon droit autant en attaquant quelqu’un qui ne remplit pas ses obligations, qu’en se défendant contre une demande injustifiée.

En revanche, si le Juge considère en quelque sorte que les torts sont partagés, il ne condamnera généralement aucune des parties à payer les frais d’avocat de l’autre, chacun conservant ces frais à sa charge.

Dès lors, il est utile de solliciter l’avis d’un avocat quant aux chances de gagner une affaire donnée afin d’être conseillé au mieux sur la stratégie à adopter et sur les conséquences financières envisageables.

Pour améliorer vos chances de faire supporter vos frais à la partie adverse, vous pouvez consulter ce billet.

Artistes et graphistes, protégez vos créations

Dans le long cursus en forme de parcours du combattant qui attend celui qui veut faire ses études puis carrière dans les arts graphiques, il n’est guère consacré de temps à une petite formation sur les droits dont bénéficient les artistes.

Comme tout auteur, le graphiste qui réalise un travail d’illustration, de création d’une identité visuelle ou d’une charge graphique bénéficie du droit d’auteur pour protéger sa création.

Schématiquement, le droit d’auteur permet de protéger les droits patrimoniaux et les droits moraux de l’auteur.

Les droits patrimoniaux sont constitués par le droit de reproduction et le droit de représentation. Cela signifie que personne ne peut copier la création ou faire une exposition sans l’accord exprès du graphiste. Ces droits peuvent être cédés, moyennant rémunération.

Les droits moraux sont constitués du droit à la divulgation, du droit au retrait et au repentir, du droit au respect et du droit au nom. Autrement dit, seul l’auteur décide s’il veut divulguer sa création au public, personne ne peut l’y obliger. De façon similaire, l’auteur a le droit, après avoir divulgué une œuvre, de décider que celle-ci doit cesser d’être vue. Il peut ainsi refuser a posteriori que son œuvre soit accessible au public, ou modifier celle-ci. Le corollaire est que personne n’a le droit de modifier l’œuvre de l’auteur : c’est le droit au respect. Enfin, tout auteur a le droit que son œuvre soit connue comme étant sienne, c’est-à-dire que sa paternité sur cette dernière soit reconnue.

Les droits moraux ne peuvent jamais être cédés et demeurent attachés à la personne de l’auteur.

La chose se complique lorsque, comme c’est très souvent le cas, un créateur travaille pour un client qui lui commande un logo, une charte graphique, un design pour un site internet…

Dès lors, pour que le rapport contractuel fonctionne, il est nécessaire que l’auteur cède ses droits patrimoniaux – ou certains d’entre eux seulement – à son client. En effet, la cession d’un droit d’auteur ne se présume pas et l’auteur a tout intérêt à indiquer précisément, au sein des droits patrimoniaux, ce qu’il cède.

Il est conseillé pour cela, dans l’idéal, de conclure un contrat pour chaque commande. La meilleure solution consiste, lorsque tous les clients sollicitent une prestation similaire, à se faire rédiger par un professionnel un modèle de contrat simple, qu’il suffit de compléter. Dès lors, les obligations de tous étant clairement définies, le créateur est convenablement protégé.

A défaut il doit impérativement faire signer le devis qu’il propose. Cela ne remplace pas un contrat en bonne et due forme, mais présente l’avantage de prouver l’accord qui existe entre le créateur et son client, et permet ainsi de régler les situations délicates dans lesquelles le client de mauvaise foi refuse de payer la facture finale (en effet, cela permet de faire un référé provision avec de bonnes chances de succès).

Ainsi, il est sage, tant dans un contrat, qu’au bas d’un devis (et éventuellement pas le biais de conditions générales imprimées systématiquement avec chaque devis), de préciser exactement les droits cédés. En effet, il est aussi important pour le client d’avoir le droit d’utiliser la création qu’il a payée que pour le créateur de savoir précisément ce qu’il cède.

Dans une telle optique, il est judicieux de préciser l’usage qui sera fait de la création (droit au respect). Par exemple, dans le cas d’une illustration, il convient de préciser qu’elle ne figurera que dans tel livre, ce qui évite par exemple qu’elle ne serve à une campagne de publicité.

Le problème, pour le client, est que quoi qu’il arrive, il ne pourra jamais acquérir l’intégralité des droits de l’œuvre, les droits moraux restant acquis à l’auteur.

Sur ce point, une précision s’impose. Certes, l’auteur conserve le droit de modifier ou retirer sa création, même si on imagine mal qu’un graphiste souhaite ainsi mettre à néant son propre travail. Mais s’il le fait, il s’expose à ce que son client, qui souvent a construit toute son image de marque sur la création de l’artiste, sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la perte de son identité. Il convient donc d’envisager avec prudence toute décision qui pourrait être ensuite lourde de conséquence.

Enfin, tout créateur doit penser à se munir contre le risque de plagiat. Or, en droit d’auteur, c’est celui qui crée en premier qui détient le droit.

Donc, si vous créez quelque chose à quoi vous tenez particulièrement, ou si votre client vous semple un peu douteux, je recommande vivement un passage à l’INPI (Institut de la propriété Intellectuelle) où pour environ 10 Euros, vous pourrez au moyen d’une « Enveloppe Soleau » donner date certaine à vos créations.

La garantie décennale au secours du maître d’ouvrage (II)

IMG_1115Comme annoncé, voici la seconde partie de la synthèse consacrée à la garantie décennale, et plus précisément, aux conditions qu’il faut remplir pour qu’elle puisse être mise en oeuvre. 

Ces conditions sont édictées par l’article 1792 du Code Civil qui dispose : 

« Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ».

Tout d’abord, la garantie décennale ne concerne que les « ouvrages ». Avant la réforme qui a abouti à l’article 1792 précité, on parlait d’édifices, ce qui était plus restrictif. L’ouvrage est une définition large qui englobe l’ensemble de la construction, avec ses éléments constitutifs et d’équipement. 

Il s’agit naturellement de tous les bâtiments, mais également des voies et réseaux divers, opérations immobilières telles que golfs, parcs et jardins, piscines… Constitue un ouvrage toute opération immobilière nouvelle, mettant en oeuvre les techniques du bâtiment. En revanche, cet ouvrage doit être ancré au sol : par exemple, pas de garantie décennale pour un mobil home. 

Autrement dit, si vous faites repeindre votre appartement, n’espérez guère bénéficier d’une garantie décennale. Si vos faites surélever votre pavillon ou faites réaliser une rénovation lourde se traduisant par l’apport d’éléments nouveaux, cette garantie peut être mise en oeuvre. 

Ensuite, quels dommages sont concernés par la garantie décennale? La question est d’importance car tous les désordres ne sont pas concernés. En effet, il faut que le désordre ait été caché à la réception de l’ouvrage. Plus précisément, il faut qu’il n’ait pas été apparent. 

Le critère du caractère apparent du dommage est cependant très strict : on considère qu’est un dommage apparent celui que tout maître d’ouvrage profane aurait pu constater, tant dans sa manifestation que dans ses causes et ses conséquences. Autrement dit, ne sera considéré comme dommage apparent que celui qui saute aux yeux. 

Par exemple, la piscine devait avoir dix mètres de longueur et elle n’en a que huit. En revanche, si le matériau recouvrant les parois de ladite piscine n’est pas convenablement étanche, le Maître d’ouvrage est dans l’incapacité de le voir et le dommage sera considéré comme caché, donc susceptible de concerner une garantie décennale. Plus compliqué, supposons l’existence d’une fissure clairement visible. Si les conséquences dommageables n’apparaissent qu’ensuite, le maître d’ouvrage pourra recourir à la garantie décennale. 

Attention : le point de départ de la garantie débute à la réception de l’ouvrage. Ainsi, il n’est guère avisé pour un Maître d’ouvrage de refuser la réception au motif qu’il considère que subsistent quelques défauts d’achèvement. Il sera mieux protégé lorsque la garantie aura commencé. Il est donc préférable de réceptionner l’ouvrage et d’inscrire les réserves sur le procès verbal (l’assistance de l’architecte est vivement conseillée à ce stade). Certes, les désordres réservés échappent à la garantie décennale, puisqu’ils ne sont plus cachés mais apparents, mais le Maître d’ouvrage a d’autres moyens, qui feront l’objet d’un billet ultérieur [Edit : voir le billet sur la garantie de parfait achèvement et celui sur la garantie de livraison de la maison individuelle] d’obtenir la levée des réserves, qui en toute hypothèse sont nécessairement minimes, sinon il n’y aurait pas réception.

Cela ne veut cependant pas dire qu’il faut réceptionner à tout prix. Si l’ouvrage n’est manifestement pas terminé, il est préférable de refuser la réception.

Enfin, le désordre caché affectant l’ouvrage doit compromettre sa solidité ou le rendre impropre à sa destination. Ces deux conditions sont alternatives, de sorte qu’il suffit qu’une seule soit remplie pour que la garantie décennale puisse être mise en jeu. Naturellement, elle peut l’être si les deux conditions sont cumulativement remplies. 

L’atteinte à la solidité de l’ouvrage. Les tribunaux refusent de prendre en compte les désordres mineurs comme des fissures minuscules. Le critère d’atteinte à la solidité ne se réfère pas, fort heureusement, à une telle atteinte à la solidité de l’ouvrage que ce dernier court un risque d’effondrement. Il concerne plutôt la stabilité et le caractère durable de l’ouvrage. 

Le critère est ainsi rempli si des fissurations en façade rendent l’ouvrage moins étanche et plus vulnérable aux assauts du temps. En revanche, une fissure purement esthétique n’est pas prise en compte. 

L’impropriété de l’ouvrage à sa destination. Voici un critère un peu plus complexe. Là encore, la solution retenue n’est pas maximaliste, et il ne faut pas que l’ouvrage soit totalement inhabitable pour que le critère soit retenu. 

En outre, l’importance du vice en soi est hors de propos. L’impropriété à destination a pu résulter d’un écrou mal serré. Autrement dit, un seul vice caché, même minime, peut entraîner l’impropriété. 

Cette impropriété de l’ouvrage à sa destination peut se manifester de façons extrêmement variées. Une chambre dont l’étanchéité est mal faite et dans laquelle il fait très froid est impropre à sa destination. Il en va de même pour l’absence d’étanchéité de la toiture, ou des fissures présentes dans le carrelage de tout un appartement. 

En revanche, certains vices ne portent pas atteinte à la destination de l’ouvrage. C’est une fois de plus le cas des fissures mineures, au caractère purement esthétique et aisément réparables. 

Ainsi, si le Maître d’ouvrage a la chance, dans son malheur, que l’ensemble de ces conditions soient remplies, il a de fortes chances d’obtenir en justice l’indemnisation de son préjudice. Celle-ci correspondra naturellement aux sommes nécessaires aux travaux réparatoires, mais également, le cas échéant, aux préjudices de jouissance ou autres qui auront été occasionnés par le dommage. Par exemple, il est fréquent qu’entre dans le préjudice, si les travaux nécessaires excluent l’habitation des lieux, le montant des frais de logement et de bouche des occupants momentanément délogés. 

Enfin, il faut savoir que de tels litiges sont d’une grande technicité, de sorte que le Tribunal ne se détermine pratiquement jamais d’après les simples dires des parties. La mise en jeu de la garantie décennale donne quasi systématiquement lieu à une expertise judiciaire afin que le Tribunal puisse être éclairé, par un technicien compétent et impartial, sur la consistance des désordres et les conséquences de ces derniers. Eu égard à la longueur de cet article, le déroulement d’une expertise donnera lieu à un billet ultérieur.

La garantie décennale au secours du maître d’ouvrage (I)

Le problème des travaux de construction défectueux ne date pas d’hier. Déjà dans Astérix et Cléopâtre, Numérobis est l’exemple même du constructeur raté, dont les réalisations bancales menacent de s’effondrer au moindre souffle. 

Heureusement, le maître d’ouvrage a qui commandé des travaux et qui constate que ces derniers ont été mal réalisés est aujourd’hui mieux protégé qu’il y a deux millénaires. 

En effet, il dispose de plusieurs moyens pour obtenir réparation du préjudice qu’il subit, dont le plus important est la mise en jeu de la garantie décennale. 

Quel est le principe de la garantie décennale ? Cette garantie a pour effet que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit des dommages affectant ce dernier, et ce pendant une durée de 10 ans à compter de sa réception. 

L’intérêt de ce mécanisme est que le Maître d’ouvrage est ainsi raisonnablement certain que le dommage qu’il subit sera indemnisé. En effet, le Maître d’ouvrage peut ne s’adresser qu’à un seul constructeur, même s’il n’a commis aucune faute, pour être totalement indemnisé. 

Prenons un exemple. Un particulier veut faire construire un pavillon. Interviennent alors un architecte, une entreprise générale A, sa sous traitante chargée du gros oeuvre l’entreprise B, ainsi qu’un bureau de contrôle. 

L’ennui, c’est que l’entreprise B chargée du gros oeuvre n’a pas convenablement monté un des murs de la maison qui joue et se lézarde, à tel point que la porte fenêtre adjacente ne s’ouvre plus. La faute commise par l’entreprise ne concerne que ce mur, a été ponctuelle. L’architecte et le bureau de contrôle n’ont eu aucune chance de constater le problème et n’ont rien à se reprocher, et pas davantage l’entreprise A, qui ne réalisait pas elle-même ces travaux. 

Se rendant compte du problème, le Maître d’ouvrage s’adresse à l’entreprise B, et découvre (ce qui est très fréquent) qu’elle est en liquidation judiciaire : il n’obtiendra certainement rien d’elle pour réparer ses fondations. Ainsi, sans le mécanisme de la garantie décennale, il serait bien dépourvu, et devrait prouver à grand peine qu’un autre des constructeurs du pavillon a commis une faute qui a entraîné le dommage des fondations : mission impossible. 

Avec la garantie décennale, les choses sont plus simples. Le Maître d’ouvrage pourra s’attaquer à l’architecte, à l’entreprise A, au bureau de contrôle, et aux assureurs de toutes ces personnes. 

Si le dommage est prouvé, et s’il remplit les conditions, toutes des personnes mises en cause seront condamnées ensemble à indemniser le Maître d’ouvrage à hauteur des sommes attribuées par le Tribunal. Ainsi, le Maître d’ouvrage pourra demander à un seul des constructeurs de lui régler l’intégralité du montant. 

Ensuite, ces constructeurs s’arrangeront entre eux pour déterminer qui est véritablement responsable des désordres. Selon toute probabilité, c’est l’assureur de l’entreprise fautive B qui supportera finalement la charge de l’indemnisation du Maître d’ouvrage. 

Modifions un peu notre exemple. Supposons que le Maître d’ouvrage, au lieu d’avoir convoqué architecte et entreprises, ait acheté la maison à un promoteur, qui avait lui-même contracté avec l’ensemble de ces intervenants. Il suffira tout simplement au Maître d’ouvrage de s’attaquer au promoteur, qui se verra forcé d’indemniser son acquéreur, et devra ensuite aller demander des comptes aux intervenants sur le chantier, et notamment, par exemple, à l’assureur de l’entreprise B. 

Ainsi, la garantie décennale offre véritablement au Maître d’ouvrage la possibilité d’être indemnisé et ainsi de faire réparer les dommages qui apparaîtraient sur son bien dans les dix ans de son achèvement. 

Toutefois, cette garantie, pour pouvoir être mise en oeuvre, suppose naturellement qu’un certain nombre de conditions soient remplies. Elles seront évoquées au cours d’une note ultérieure.

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Bref retour sur l’affaire Mulholland Drive

Vous souvenez vous de cette affaire qui avait fait grand bruit en son temps ? Un consommateur avait acheté le DVD du film de David Lynch et souhaité en faire une copie à usage strictement privé. Las, les systèmes de blocages intégrés dans le DVD le lui interdisaient.

La cour d’appel avait décidé en avril 2005 que l’exception de copie privée permettait au détenteur dudit DVD de faire des copies de l’oeuvre à son usage personnel, et que réaliser ces copies ne portait pas atteinte aux droits d’auteur sur l’oeuvre.

En effet, la possibilité de réaliser ces copies privées ne portait pas « atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ». Autrement dit, le droit de faire cette ou ces copies ne causait pas de préjudice au titulaire des droits d’auteur.

Elle en avait conclu que l’éditeur du DVD n’avait pas le droit de farcir celui-ci de mesures techniques empêchant la copie, ou la limitant, puisque la loi ne le prévoyait pas.

Par arrêt du 28 février 2006, la Cour de Cassation avait décidé le contraire, et estimé que « l’atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre » « s’apprécie au regard des risques inhérents au nouvel environnement numérique quant à la sauvegarde des droits d’auteur et de l’importance économique que l’exploitation de l’oeuvre, sous forme de DVD, représente pour l’amortissement des coûts de production cinématographique ».

En d’autres termes, comme aujourd’hui on peut copier ce qu’on veut comme on veut, l’exception de copie privée, dans un environnement numérique, portait atteinte aux droits d’auteur. Les auteurs de cet arrêt pensaient manifestement au peer to peer.

Et la cour de Cassation d’en conclure que le distributeur d’un DVD peut très bien prévoir des dispositifs techniques limitant la copie.

Comme il s’agissait d’un arrêt de cassation, l’affaire a été jugée de nouveau par une Cour d’Appel, qui, de façon assez prévisible, a décidé le 4 avril 2007 que si le consommateur doit être en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien qu’il acquiert, en revanche, l’absence de mention l’informant qu’il ne peut réaliser de copie privée ne constitue justement pas une caractéristique essentielle du produit.

Ainsi, alors même que des sociétés comme Apple favorisent la disparition des DRM (Digital Rights Management), notamment en proposant à la vente des morceaux de musique qui en sont dépourvus, on constate que le droit français se dirige dans une direction radicalement opposée. Désormais, il reste à voir si cela est vraiment de nature à protéger le droit des auteurs.

Bienvenue au Palais

Palais de Justice de ParisAccueil du Palais de Justice de Paris, salle des pas perdus.

– Alors, Maître pour aller à votre audience, la 15ème chambre B, c’est l’escalier K, premier étage.

– Merci bien !

***

– Dites, monsieur, je ne vois pas la 15ème chambre comme vous m’aviez dit, je n’ai trouvé que la 11ème…

– Ah oui mais c’est parce que les audiences de la 15ème se passent dans la salle de la 11ème !

– Aaaaaah je vois, j’y retourne. Merci.

***

– Ah Maître, ici, dans les locaux de la 11ème, c’est bien la salle habituelle dans laquelle on plaide les affaires de la 15ème, mais là, non, vous voyez, on est en audience pour autre chose.

– Oui, j’entends qu’on parle de Serge July et de Libé, je vous bien que c’est pas de la construction…

– Maître, vous devriez aller voir au greffe de la 15ème, on pourrait vous y renseigner.

– C’est où ?

– Ah c’est facile, c’est au tout dernier étage de l’escalier Renaissance, le petit en colimaçon là bas.

***

– (bruit de respiration sifflante) Bonjour madame, je cherche une audience de la 15ème chambre à 14 heures.

– Ah maître, nous n’avons jamais d’audiences à 14 heures, c’est toujours le matin. C’est embêtant que vous soyez montée jusqu’ici pour rien.

– Ça je ne vous le fais pas dire. Bon…vous pouvez vérifier le numéro de mon affaire et la retrouver ?

– Oui oui…la voilà. Ah mais elle est terminée depuis deux ans !

– Ah. Hum. Attendez, j’ai un autre numéro d’affaire…

– Ah, oui, mais celle là elle est à la 19ème chambre ! Je vais appeler l’accueil pour leur demander.

– Ce ne serait pas plus simple que vous appeliez directement le greffe de la 19ème chambre ?

– Ah oui tiens je n’y avais pas pensé. Allô ? Oui, j’ai une avocate ici qui cherche votre chambre… ah, d’accord il y a bien l’audience à 14 heures. Merci, au revoir. Alors maître, pour ça, vous redescendez trois étages, puis à la statue de saint louis, vous allez jusqu’au tapis rouge bla bla bla bla et c’est à côté du greffe des référés.

– Aaah, le greffe des référés à côté de la grande salle des pas perdus* ?

– Je ne connais pas de salle des pas perdus, Maître.

– Euh, pas grave je trouverai. Merci.

***

– Rebonjour monsieur, c’est encore moi. Il paraît que la 19ème chambre c’est à côté du greffe des référés?

– Oui, mais pas celui là, Maître. Il faut aller à l’autre bout du palais, escalier Z, 4ème étage. Ah, au fait, l’ascenseur est en panne.

– 4ème étage !!! Gnnn. Bon, merci.

***

– (encore des bruits de respiration sifflante) Bonjour Madame, je ne trouve pas la salle de la 19ème chambre, pourtant c’est le 4ème étage de l’escalier Z…

– Ah, oui Maître, c’est normal, c’est à cause des travaux. Tenez, prenez cet imprimé qui explique comment y aller. Oui, faut descendre au 2ème étage, puis suivre le couloir, prendre l’escalier C1, et remonter au 4ème.

– Gggnnnnnnn.

***

– (Bruits de respiration asthmatique) Monsieur le Président, j’ai l’honneur de me présenter devant vous ce jour en défense des intérêts de…

Grrumph.

* La salle des pas perdus c’est the grande salle impossible à manquer au rez-de-chaussée.

Photo Credit: Erik Daniel Drost via Compfight cc

Marque et nom patronymique : Le cas Inès de la Fressange

En matière de marque, le nom patronymique bénéficie d’un statut particulier.

Tout d’abord, il n’est pas possible de déposer une marque qui porterait atteinte à un droit antérieur constitué d’un nom patronymique. Par exemple, il est fortement déconseillé de déposer une marque de chocolats et confiseries « Nicolas Sarkozy ».

Ensuite, même titulaire d’une marque enregistrée de façon parfaitement régulière, vous ne pouvez empêcher une personne d’employer de bonne foi comme nom commercial, enseigne, dénomination sociale, et ce depuis une période antérieure à votre dépôt de marque, son nom patronymique, identique à cette dernière.

Ainsi, le nom de la personne est protégé de façon à éviter que le tiers qui n’a rien demandé à personne ne se trouve dans l’impossibilité d’utiliser commercialement son patronyme.

Il en va différemment de celui qui, sciemment dépose son propre nom à titre de marque. A partir de ce moment, cette marque patronymique peut être cédée à un tiers comme n’importe quelle autre marque, de sorte que celui qui porte le nom ne peut plus l’utiliser sans porter atteinte aux droits de l’acquéreur.

Cette dernière règle, clairement établie depuis 1985 à l’occasion de l’affaire « Bordas », a semblé être remise en question à l’occasion de l’affaire concernant Inès de la Fressange.

En effet, suite à un conflit avec sa société le célèbre mannequin devenu styliste s’est vu empêché d’utiliser son nom pour désigner ses créations.

Que s’est-il passé ? Inès de la Fressange avait dans un premier temps vendu à une société, dont elle était devenue Directeur Artistique, diverses marques portant son nom. Sauf qu’en 1999, la société en question l’a licenciée, tout en prétendant garder la propriété des marques, ce dont elle avait parfaitement le droit, conformément à la jurisprudence Bordas.

Inès de la Fressange ne l’a toutefois pas entendu de cette oreille et a porté l’affaire devant les tribunaux.

Son avocat a alors eu l’astuce de faire appel à l’article L 714-6 du Code de Propriété Intellectuelle, quasiment jamais utilisé, et selon lequel « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait (…) propre à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ».

Concrètement, cela signifie que le titulaire d’une marque perd cette dernière s’il l’a laissée devenir trompeuse pour le consommateur. Cela peut concerner par exemple une marque indiquant clairement une provenance géographique, alors qu’entre temps, le produit est devenu made in Taïwan. Le consommateur, croyant que le produit vient d’un endroit particulier, est induit en erreur.

L’argumentation d’Inès de la Fressange revenait ainsi à dire que comme elle n’était plus à l’origine de la création des produits vendus sous son nom, le public, qui croyait le contraire, était trompé, et que la marque devait être déchue.

Cette argumentation a emporté la conviction de la Cour d’Appel, qui a effectivement prononcé la déchéance de la marque (Paris, 15 décembre 2004, Ch. 4, Sec. A, jurisdata 2004-258939).

En revanche, la Cour de Cassation, saisie de l’affaire par la société titulaire de la marque, a décidé pour sa part qu’Inès de la Fressange était irrecevable à demander la déchéance de cette dernière (cette irrecevabilité signifiant que ses arguments relatifs à la tromperie n’ont même pas été examinés).

La Cour a en effet décidé (Chambre Commerciale, 31 janvier 2006, affaire n°05-10116) qu’Inès de la Fressange ne pouvait intenter contre la société à laquelle elle avait vendue sa marque une action tendant à son éviction, autrement dit ayant pour but de lui faire perdre les droits sur la marque. En effet, le vendeur d’une chose doit garantir à son acquéreur qu’il ne tentera pas de le déposséder.

La Cour de Cassation a ainsi émis une décision d’ordre général, sans même indiquer si oui ou non, la marque était devenue trompeuse. Dès lors, Inès de la Fressange ne peut toujours pas utiliser son nom pour commercialiser des produits.

Cela signifie que celui qui veut exploiter des produits sous son propre nom a tout intérêt à se montrer prudent.

S’il débute une exploitation sous son nom, il devrait effectuer une recherche d’antériorité afin de vérifier que ce nom n’est pas déposé à titre de marque pour des produits et services identique à ceux qu’il se propose d’offrir.

Cela est vrai si le nom a vocation à être utilisé à titre informel (dénomination de société, enseigne…), mais encore plus si le nom a vocation à être déposé à titre de marque. Il existe en effet un risque non négligeable qu’une personne bénéficiant de droits antérieurs s’oppose à l’enregistrement de cette nouvelle marque si les deux sont similaires.

Enfin, lorsque cette même personne dépose son nom en qualité de marque, elle doit mûrement peser toute cession postérieure de la marque. En effet, une fois vendue, son nom devient inutilisable commercialement.

Copropriétaire en procès contre le Syndicat des copropriétaires : et les frais de justice ?

Il arrive assez fréquemment qu’un copropriétaire engage une action contre sa copropriété, ou soit défendeur à une telle action. Cela peut survenir par exemple si le Syndicat des Copropriétaires empiète sur une partie privative du copropriétaire.

Dans un tel cas de figure, le copropriétaire et le Syndicat des Copropriétaires prennent chacun un avocat et assument des frais de procédure.

Or, naturellement, les frais d’Avocat et de procédure de la copropriété sont supportés par l’ensemble de celle-ci, et notamment par le copropriétaire mécontent. On se retrouve ainsi face à un paradoxe : le copropriétaire finance une partie de la défense de son adversaire !

Mais comme la loi est tout de même bien faite, elle prévoit que si le copropriétaire gagne son procès, il n’aura pas à participer à cette dépense, qui sera répartie entre les autres copropriétaires.

Cela résulte ainsi de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 selon lequel:

« Le copropriétaire qui, à l’issue d’une instance judiciaire l’opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l’absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires ».

Autrement dit, concernant les frais de justice du copropriétaire qui gagne son procès contre le Syndicat des Copropriétaires :

  • le copropriétaire a le droit de demander que les frais de son avocat soient supportés par le Syndicat des Copropriétaires,
  • Mais aussi, il peut demander à être exonéré de la part (correspondant à ses tantièmes) qu’il doit payer pour participer à la défense du Syndicat des Copropriétaires, autrement la part des honoraires du Syndicat des Copropriétaires qu’il paie au titre de ses charges.

Ainsi, il convient que tout copropriétaire, ou conseil de ce dernier, soit vigilant et pense à faire cette demande, qui, en cas de succès de la prétention principale, a toutes les chances d’être accordée.

Copropriété : l’écueil de l’habilitation du syndic à ester en justice

Habilitation du syndic à ester en justiceEn matière de copropriété, la question de l’habilitation du syndic à ester en justice, qui ne devrait être qu’une formalité, est un écueil parfois redoutable. 

En effet, le syndic de copropriété a seul qualité pour représenter en justice le syndicat des copropriétaires. Autrement dit, c’est le premier qui agit, en qualité de représentant du second. Or le décret du 17 mars 1955 dispose que le syndic ne peut agir sans y avoir été autorisé par une décision de l’Assemblé Générale des copropriétaires.

Pourquoi est-ce important ? Parce qu’en l’absence d’une telle habilitation, toute partie, durant le procès, peut demander au juge de déclarer irrecevables les demandes formées au nom du syndicat des copropriétaires c’est-à-dire de les écarter sans même les examiner. Il s’agit là d’un moyen de pure procédure, auquel il faut songer lorsqu’on s’oppose aux prétentions d’un syndicat des copropriétaires. 

Les conséquences d’un défaut d’habilitation du syndic sont graves : la demande étant irrecevable, c’est toute la procédure intentée depuis l’origine qui est annulée. Certes, il est loisible au syndic d’intenter immédiatement une nouvelle procédure. Mais, outre que cela occasionne des frais supplémentaires, notamment les honoraires d’avocat, qui auraient pu être évités, encore faut il qu’aucune prescription ne soit intervenue entre temps. En outre, on ne peut plus raisonnablement espérer obtenir le versement de sommes augmentées d’un intérêt calculé à compter de la première demande en justice, qui s’est soldée par une irrecevabilité, mais au mieux à compter de l’introduction de la seconde demande.

A quel moment doit intervenir cette habilitation ? Dans l’idéal, de façon préalable avant le procès. Ainsi, le syndicat des copropriétaires ne court aucun risque. Cela permet en outre d’éviter que l’affaire ne soit ralentie par une demande qui serait formée en cours de procédure. Toutefois, s’il y a eu un oubli, l’Assemblée Générale peut à tout moment couvrir ce vice en prenant une décision d’habilitation, et ce jusqu’au jour de l’audience. 

Dans quels cas doit intervenir l’habilitation ? Elle ne concerne que les instances au fond, et non pas, notamment, les référés. Par exemple, si le syndicat des copropriétaires veut obtenir une somme à titre de provision ou obtenir une mesure particulière justifiée par un dommage imminent l’habilitation n’est pas nécessaire. De même, il n’est pas besoin d’habiliter le syndic dans quelques autres cas, et par exemple, lorsque le syndicat des copropriétaires au lieu de formuler des demandes, est défendeur à l’instance. 

Que doit contenir l’habilitation ? Un certain nombre d’éléments doit figurer dans le procès verbal d’Assemblée Générale pour que l’habilitation soit considérée comme régulière. 

Prenons un exemple extrêmement fréquent, issu du droit de la construction. Le cas de figure est le suivant. Des travaux sont réalisés dans l’immeuble. Divers participants interviennent : un architecte, une ou plusieurs entreprises, un bureau de contrôle… En principe, chacun de ces intervenants doit être assuré pour les travaux qu’il réalise. Suite aux travaux, des désordres sont constatés. Le syndicat des copropriétaires, souhaitant protéger ses droits et oeuvrant pour la conservation de l’immeuble, demande au juge compétent de prononcer une mesure d’expertise (le déroulement d’une expertise fera l’objet d’une note ultérieure). 

Généralement, cela se fait devant le juge des référés. Donc, à ce stade, il n’est pas besoin d’habiliter le syndic. Une fois l’expertise achevée, et les responsables des désordres pointés du doigt par l’Expert, le syndicat des copropriétaires souhaite logiquement intenter une action au fond pour être indemnisé. 

C’est là qu’il convient d’habiliter le syndic à agir en justice, et de façon précise. En effet, l’habilitation doit indiquer exactement de quels désordres le syndicat des copropriétaires souhaite obtenir réparation, et à l’encontre de quelles personnes nommément citées. Si le procès verbal d’Assemblée Générale mentionne seulement les entreprises, l’architecte pourra dire avec raison que le syndic est irrecevable à agir à son encontre. 

Plus compliqué, supposons que le procès verbal mentionne l’architecte, les entreprises, et tous les assureurs de ces derniers sauf un. Cet assureur pourra indiquer que son absence du procès verbal indique que l’Assemblée Générale n’a pas voulu habiliter le syndic à agir à son encontre et aura des chances de se voir donner raison. 

Conclusion : avant d’intenter une action pour le compte d’une copropriété, il convient d’être vigilant et de s’assurer que l’habilitation a été correctement faite, sous peine de voir toute la procédure s’effondrer au dernier moment comme un château de cartes. 

MISE A JOUR (16/11/2011)

Ces dernière années la jurisprudence a un peu évolué sur la question du contenu de l’habilitation. 

Sur le principe, il faut que la résolution d’Assemblée Générale énonce précisément les désordres objet du procès à venir. En revanche il est inutile de préciser à l’encontre de qui, précisément, on veut agir ; il suffit de préciser que cela concerne toutes les personnes concernées par les désordres.

Attention, il faut bien noter que le Syndic n’a pas besoin d’habilitation lorsqu’il s’agir uniquement de se défendre, et non d’attaquer, ni pour recouvrer les charges de copropriété.

Qu’est ce qu’un référé ? (II)

Qu’est ce qu’un référé ? (II)Abordons désormais le troisième cas de figure du référé que j’évoquais dans ma note précédente. 

Il s’agit du cas dans lequel une personne ou une société souhaite obtenir le paiement d’une somme d’argent ou l’exécution d’une obligation de faire.

C’est, et de loin, la forme de référé que je pratique le plus souvent. En effet, elle est particulièrement adaptée au cas, très fréquent, de factures ou prestations impayées.

Pour obtenir un tel paiement, il suffit de démontrer au juge que l’obligation dont on demande l’exécution (donc, le paiement de la dette) n’est pas sérieusement contestable, cette notion de contestation sérieuse ayant été définie dans le billet précédent. En bref, il faut prouver qu’Untel vous doit de l’argent et ce de façon évidente.

Cela peut aussi bien se faire au tribunal d’instance, de grande instance ou de commerce (pour les créances nées entre commerçants ou sociétés commerciales). Dans le cas où la somme est inférieure à 4000 Euros, c’est le Juge de Proximité qui est compétent.

Quel est l’intérêt d’une telle procédure ? Eh bien, c’est qu’il s’agit d’un référé, qui en tant que tel présente un avantage particulier, celui d’avoir un effet immédiat.

Je m’explique. Afin d’obtenir le recouvrement d’une créance, il existe une procédure spécifique dite d’injonction de payer. Cette dernière présente toutefois un (petit) avantage et un (grave) inconvénient.

L’avantage, c’est qu’elle se fait sans la présence de l’adversaire. Le juge, qui n’entend en conséquence qu’une seule version des faits, peut être plus facile à convaincre.

Mais, précisément puisque la procédure d’injonction de payer ne nécessite pas la présence de l’adversaire, elle prévoit, pour respecter le principe du contradictoire, que celui-ci puisse faire valoir son point de vue a posteriori. Le défendeur, et c’est l’inconvénient, peut s’opposer immédiatement au paiement demandé en portant l’affaire devant le Tribunal compétent, étant précisé que l’huissier qui signifie l’injonction de payer a l’obligation de lui dire qu’il dispose de la possibilité de faire opposition.

Par conséquent, il est très rare qu’une injonction de payer se résolve immédiatement par le paiement des sommes réclamées. Le débiteur, très logiquement s’il veut faire traîner l’affaire, n’a qu’à former opposition pour obtenir de facto un délai.

En revanche, si l’on opte pour la voie du référé, certes, l’adversaire est présent lors de l’audience, et il peut faire valoir son point de vue.

Si votre dossier est bien ficelé, le juge vous donnera raison et rendra une ordonnance condamnant le défendeur à vous régler les sommes demandées.

Et là, il lui sera très difficile d’échapper au paiement. C’est là que réside le grand avantage du référé provision. En effet, même s’il fait appel, il doit payer, l’ordonnance de référé étant exécutoire par provision, c’est-à-dire immédiatement.

Le défendeur peut aussi intenter une action au fond (dont le résultat sera définitif, contrairement au caractère provisoire de la décision de référé). Toutefois, si le juge de référé a estimé qu’il était totalement évident qu’il vous devait les sommes demandées, il est peu probable que le juge du fond décide différemment.

Ainsi, l’avantage du référé est que la décision obtenue, malgré son caractère « provisoire », a des effets immédiats et efficaces.

Dès lors, en matière de référé provision, (comme souvent) le plus important est de présenter au juge un dossier solide de nature à emporter sa conviction.

Concrètement, cela veut dire qu’il faut pouvoir justifier d’un contrat, d’une reconnaissance de dette, d’un devis accepté… L’important est de prouver que l’adversaire s’est engagé à verser les sommes dues. Ainsi, si on demande le règlement de factures, il faut établir qu’on a bien réalisé les prestations donnant lieu à paiement, et fournir les factures en question.

Si le créancier peut rapporter la preuve de l’existence de l’obligation de payer, il a de bonnes chances d’obtenir une issue favorable.

Enfin, il y a un aspect qu’il ne faut pas négliger. Une fois obtenue une décision favorable, il faut pouvoir l’exécuter, c’est-à-dire récupérer les sommes dues par le débiteur.

En prévision de cet aspect essentiel du dossier (car la plus belle décision du monde ne sert à rien si on ne peut l’exécuter), il convient d’apporter tous éléments de nature à faciliter l’exécution de la décision : les coordonnées bancaires du débiteur, son adresse, sa date de naissance si c’est une personne physique, son numéro de RCS si c’est une société…

Si l’ensemble de ces éléments est rapporté, il est généralement possible d’obtenir le règlement des sommes dues dans un délai raisonnable.

Edit : avant d’engager une procédure de référé, envoyer une mise en demeure d’avocat permet parfois de débloquer la situation. Si cela vous intéresse, je vous invite à lire cet article. 

Qu’est ce qu’un référé ? (I)

Qu'est ce qu'un référé ? Lorsqu’on pense « avocat », on a généralement tendance à penser en premier lieu au droit pénal et non au référé.

La première question que vous posent les gens, c’est de savoir si vous défendez beaucoup de criminels. Il s’agit là de la face la plus visible, la plus évidente, du métier d’avocat. 

L’ « envers du décor » est constitué par la procédure. Certes, c’est moins médiatisé, moins glamour. Pourtant, savoir gérer la procédure dans un dossier, c’est essentiel, déjà parce que c’est en quelque sorte la cuisine du procès : si on loupe une étape, le résultat final risque d’être raté. 

Mais c’est également essentiel car c’est parfois ce qui permet de gagner un dossier. Il ne s’agit pas ici nécessairement du petit vice de procédure qui va faire tomber tout un dossier patiemment monté depuis des années contre un parrain de la drogue. 

Il s’agit ici du respect de la procédure qui a été instituée pour tel ou tel cas de figure, lequel peut avoir une influence décisive sur l’issue d’un dossier. L’exemple du référé est tout particulièrement intéressant. 

1. Qu’est ce qu’un référé ? 

Il s’agit d’une procédure rapide qui a des effets immédiats. Rapide, car il ne peut ne se passer qu’une quinzaine de jours, voire parfois moins, entre l’introduction de la demande et l’audience. Ceci étant, dans la plupart des cas, entre le moment où vous délivrez votre assignation et celui où vous obtenez votre décision il se passera généralement de l’ordre de deux mois. 

En outre, l’effet est immédiat dans la mesure où la décision rendue par le président du Tribunal est « exécutoire par provision », ce qui signifie que faire appel de cette décision n’interrompt pas l’exécution de la décision. Cela est très pratique lorsque par exemple, le juge a condamné votre adversaire à vous payer une somme d’argent : ce dernier ne pourra pas faire traîner l’affaire en faisant appel. 

Ces mesures de référé peuvent être obtenues devant la plupart des tribunaux : tribunaux civils, commerciaux, prud’homaux, administratifs. 

2. Que peut-on obtenir en référé ? 

Les éléments qui seront abordés dans cette note concerneront le référé civil et commercial. En effet, les choses sont quelque peu différentes en matière administrative et prud’homale. 

Le juge des référés peut prescrire diverses mesures, condamner votre adversaire à vous régler une somme d’argent, ou à faire une chose à laquelle il s’était engagé. 

Il faut toutefois comprendre que les décisions du juge des référés ont un caractère provisoire. C’est-à-dire que qu’une fois sa décision prise, il est toujours possible de demander au juge normal, le « juge du fond », de trancher le litige de façon définitive. Il pourra suivre l’avis du juge des référés, ou juger différemment. 

En outre, les « mesures » que peut ordonner le juge des référés auront un caractère provisoire, et le juge ne prononcera pas de condamnation qui aurait pour effet de trancher le litige définitivement, quand bien même il condamnerait une partie à payer une somme d’argent. 

Selon ce que vous souhaitez obtenir, toutefois, les conditions à remplir sont différentes. 

3. Les conditions à remplir 

Pour obtenir le prononcé d’une mesure, il existe trois cas de figure. Compte tenu de la longueur des développements qui vont suivre, les deux premiers sont étudiés ci-dessous, et le troisième fera l’objet d’une note séparée

D’abord, et c’est le premier cas de figure, il faut établir que la situation présente un caractèred’urgence. On considère généralement qu’il y a urgence si le retard apporté à la résolution d’un problème met en péril les intérêts d’un des plaideurs. 

S’il y a urgence, il conviendra de démontrer au juge que l’adversaire ne peut opposer aucunecontestation sérieuse à la mesure que l’on demande. Une contestation sérieuse est un argument suffisamment important de nature à établir que le bien fondé de la prétention du demandeur n’est pas évident. Si le défendeur arrive à faire naître un doute dans l’esprit du juge sur l’évidence du bien fondé de la demande, c’est gagné. 

Par exemple, si vous êtes propriétaire d’un local et que le contrat de bail est terminé, mais que votre ex-locataire reste dans les lieux sans payer de loyer, il y a urgence à obtenir en référé une mesure d’expulsion de ce dernier. Dans ce cas, puisqu’il ne paye plus de loyers, il sera bien en peine de démontrer que vous n’avez pas raison de façon évidente de vouloir obtenir son expulsion et cette dernière sera très probablement prononcée. 

S’il y a urgence, mais que néanmoins l’adversaire peut opposer une telle contestation sérieuse,l’existence d’un différend peut suffire à obtenir le prononcé de la mesure. Cela signifie qu’en pratique, l’existence même de cette contestation, de ce conflit, peut justifier que le juge prenne la mesure sollicitée. 

En la matière, il est fréquent qu’un différend entre associés d’une même société donne lieu à une mesure de désignation d’un mandataire judiciaire, chargé de prendre certaines décisions bloquées du fait précisément de la dissension entre associés. 

Toutefois, et c’est le second cas de figure, des mesures peuvent également être obtenues sans qu’il y ait urgence, et alors même que l’adversaire peut contester votre demande de façon sérieuse. 

Il faut préciser que dans ce cas, seul deux types de mesures sont possibles : la mesure conservatoire, ou la mesure de remise en état. Ces mesures ont pour effet soit de conserver une situation donnée avant qu’elle ne se détériore, soit de procéder à une remise en état si la situation est déjà détériorée au moment où elle est soumise à l’appréciation du juge. Par exemple, si des travaux réalisés par le voisin ont pour effet d’empiéter sur votre propriété, vous pouvez demander leur arrêt immédiat (mesure conservatoire) et/ou la remise en état des lieux. 

Pour obtenir une telle mesure, il existe deux possibilités. 

La première consiste à ce que le juge constate qu’un dommage imminent est sur le point de se produire. Pour reprendre l’exemple des travaux entamés par votre voisin, on peut imaginer que ceux-ci sont tels qu’ils risquent de percer ou fragiliser le mur et les fondations de votre maison, tout proches du terrain voisin. Un dommage imminent est ainsi sur le point de se produire, à savoir la destruction d’une partie de la maison. Le juge des référés peut donc prescrire l’arrêt immédiat des travaux. 

La seconde consiste à démontrer au juge qu’il convient de faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans notre exemple des travaux entamés par le voisin, supposons que le terrassement qu’il a fait réaliser a déjà eu pour effet de saper vos fondations et de faire fissurer votre mur. Il y a manifestement atteinte à votre droit de propriété, ce qui constitue un trouble illicite. Vous pouvez ainsi solliciter du juge une mesure de remise en état pour faire cesser ce trouble. 

Ainsi, la procédure de référé, convenablement appliquée au cas qui se présente, peut donner des résultats efficaces, même dans des dossiers ne se présentant pas très bien. 

Imaginons la situation suivante. Supposons que votre voisin (encore lui !) soit mécontent parce que votre mur, sur lequel donnent ses fenêtres, n’a pas été ravalé depuis longtemps. Supposons que ce voisin, pour plus de rapidité, intente une action en référé (et non pas une action au fond) afin de solliciter du juge qu’il vous condamne à procéder au ravalement de ce mur, et ce au motif que l’état déplorable de ce mur est un trouble de voisinage qui, par exemple, l’empêche de louer les appartements dont il est propriétaire au prix normal du marché. 

A supposer que votre voisin établisse l’existence de ce trouble du voisinage – ce qui est tout à fait envisageable compte tenu du régime spécifique de ce droit, il lui faudra néanmoins, avant d’obtenir satisfaction, démontrer, selon le cas, qu’il y a urgence, et absence de contestation sérieuse, ou existence d’un différend, ou bien que l’on se trouve face à un dommage imminent ou à un trouble manifestement illicite. Et encore, il lui faudra alors établir que ce qu’il demande constitue une mesure conservatoire ou de remise en état. 

Autant dire que le propriétaire du mur en question a alors tout intérêt à insister sur le fait que les conditions du référé ne sont pas remplies. 

Et voilà comment la mise en œuvre de conditions procédurales peut faire gagner une affaire pas nécessairement bien engagée à l’origine.

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Nul n’est censé ignorer la loi ?

P1000222On entend souvent cette formule selon laquelle « nul n’est censé ignorer la loi ». Cela ne signifie cependant pas que un chacun doit connaître par coeur chaque pan du droit français. Cela signifie simplement que personne ne peut tirer argument de son ignorance de la loi pour échapper aux sanctions qu’elle prévoit. Concrètement, il est prudent, avant d’agir dans un domaine qu’on ne maîtrise par parfaitement, de vérifier quel est le régime juridique applicable. 

Sauf que… Aujourd’hui, chaque question soulevée dans les média, chaque difficulté particulière a tendance à se traduire par l’apparition d’une nouvelle loi. L’ennui, c’est que l’on se retrouve face à une telle quantité de textes qu’il est souvent fort difficile de savoir précisément lequel est applicable à une situation donnée. 

En outre, il est relativement rare qu’aucun texte ne légifère sur une question donnée. Certes, il existe des situations totalement nouvelles, auxquelles personne jusqu’à présent n’avait songé et qui rentrent difficilement dans les catégories du droit connues. La plupart du temps, cependant, la question qui se pose a déjà été abordée par le passé de sorte qu’il existe déjà un régime juridique applicable. 

Or, le vote d’une nouvelle loi ne s’accompagne pas nécessairement de l’abrogation ou de la modification de ce régime juridique existant. 

Le résultat de ces incertitudes est soit qu’il est peu aisé de savoir précisément quel texte régit une situation donnée, et que lorsque c’est le cas, il est parfois difficile de savoir précisément les effets de ce texte. 

A cela s’ajoute le fait que parfois, il est difficile de prévoir la façon dont les tribunaux appliqueront la loi. 

Le sort réservé au CNE est un bon exemple. En effet, le 6 juillet 2007, la Cour d’Appel de Paris a décidé que le Contrat Nouvelle Embauche n’était pas conforme à une convention de l’Organisation Internationale du Travail, dans la mesure où il avait pour effet de priver le salarié de l’ensemble de ses droits en matière de licenciement. 

Par conséquent, il est à présent particulièrement dangereux, et finalement inutile, pour un employeur de conclure un tel contrat de travail. 

Dangereux car, si l’employeur, comme l’y autorise le statut du CNE, licencie dans le délai de deux ans à compter de la conclusion du contrat sans justifier ce licenciement par un motif particulier, il court un risque réel que, précisément, le Conseil des Prud’hommes considère ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamne l’employeur payer à son ancien salarié diverses indemnités. 

Inutile, en conséquence, puisque l’employeur averti de ces dangers soit embauchera en CDD, soit n’embauchera pas du tout. 

Dès lors, et sauf revirement improbable, le CNE est désormais un type de contrat de travail privé d’utilité, ce qui met dans une situation délicate tous les employeurs qui en ont conclu un. En effet, privé du statut particulier du licenciement qui faisait son originalité, le CNE est tout simplement un CDI. 

Ainsi, nul n’est peut être censé ignorer la loi, mais il n’est cependant pas aisé de se tenir au courant de ce type de modifications imprévues, d’autant que pour une affaire médiatisée comme le CNE, combien de régimes juridiques sont modifiés dans l’indifférence la plus totale… 

Et c’est la raison pour laquelle, souvent, l’avocat voit arriver sur son bureau un dossier ne relevant pas nécessairement d’une branche très complexe du droit, mais à l’issue compromise parce que le client, en toute bonne foi, par incompréhension de la loi a fait le contraire de ce qu’il aurait été opportun. 

En bref, renseignez vous avant d’agir, cela évite souvent les ennuis.

© 2024 Marie Laure Fouché

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