Avocat en construction et copropriété

Année : 2013

Mon débiteur est en redressement ou liquidation judiciaire : que faire ?

7F42F675-9827-4E45-ADAC-11B718CAB590.image_600Question délicate, qu’on me pose de temps à autre. En effet, en matière de construction, il n’est pas rare qu’une entreprise, fraîchement créée, se retrouve à déposer le bilan sans crier gare. Les entreprises de construction fragiles sont légion, d’où l’importance de bien se renseigner avant de signer un marché de travaux afin d’éviter des déconvenues, et de préférence de prendre un architecte

En effet, si vous êtes en plein milieu de chantier, que votre entreprise dépose le bilan et quitte les lieux, vous êtes dans une très mauvaise situation, et encore plus si vous l’avez réglée une somme plus élevée que ce que justifierait l’avancement des travaux. 

Donc, lorsqu’une entreprise est votre débitrice dépose le bilan, que faire ? 

Je préfère donner la réponse tout de suite : pas grand chose malheureusement. 

Je m’explique. 

Lorsqu’une entreprise dépose le bilan, c’est qu’elle est en état de cessation des paiements. Cet état est donc le déclencheur de l’ouverture d’une procédure collective. Toute entreprise qui est dans cet état doit déposer une déclaration d’état de cessation des paiements. 

Cet état de cessation des paiements se définit par l’impossibilité de l’entreprise de faire face au passif exigible avec l’actif disponible. En deux mots, elle n’a pas assez d’argent ou de ressources facilement réalisables pour faire face aux créances qui sont venues à termes et qu’elle doit payer maintenant. 

Autrement dit, si l’entreprise subit une mesure de procédure collective, c’est que les coffres sont vides… 

Donc, évidemment, la situation du créancier de l’entreprise est fortement fragilisée. 

En outre, lorsqu’une entreprise est en procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire) les poursuites qui pourraient être engagées contre elle cessent.

Autrement dit, le créancier n’a pas le droit d’assigner en justice l’entreprise pour être payé, et s’il l’a fait avant l’ouverture de la procédure, celle-ci arrête tout. 

La seule solution pour espérer obtenir quelque chose est de déclarer sa créance auprès du représentant des créanciers désigné par le Tribunal. 

Et encore… 

En effet, il faut souligner que s’il reste des sommes dans les caisses, ou que l’administrateur judiciaire de la société arrive à en trouver (par exemple en vendant du matériel, ou un bien immobilier…) celles ci seront attribuées selon un ordre de préférence précis. 

Pour simplifier, seront d’abord payés le Trésor Public, les organismes de type URSSAF, puis ensuite les créanciers ayant assorti leur créance d’une sûreté (hypothèque…) et enfin, s’il reste quelque chose, seront payés les créanciers simples qui n’avaient pris aucune sûreté particulière. 

Autrement dit, sauf si l’entreprise était de belles dimensions et qu’il y avait de l’actif à réaliser (immobilier…) vous avez peu de chances d’obtenir le règlement de la créance.

Photo par Dennis Jarvis

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Le prêt à usage

ABAF6B52-9132-4C82-9841-30D19B26945C.image_600Aujourd’hui j’ai eu envie de vous parler d’un contrat qu’on ne rencontre pas souvent, le prêt à usage, que l’on appelle aussi (mais plus rarement, je le concède), de façon délicieusement rétro, « commodat ». 

La raison de ce billet, consacré à ce contrat plutôt discret, c’est que peut être, tel un Monsieur Jourdain moderne, vous avez conclu un commodat sans le savoir. C’est presque forcément le cas : on vous a bien prêté un nour un appareil à raclette pour une soirée, ou camion pour déménager, etc… 

Il peut donc être utile de savoir comment fonctionne un prêt à usage. 

Selon le Code Civil, le prêt à usage est « un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi ».

Il s’agit d’un contrat gratuit qui peut porter sur tout ce qui « est dans le commerce », c’est-à-dire sur toute chose que l’on peut légalement louer ou vendre. Il peut s’agir d’un meuble (objet, voiture, etc…) voire même d’un immeuble. Par exemple, vous pouvez prêter un logement afin que quelqu’un y habite. 

Il faut savoir en outre que le prêt se transmet aux héritiers, tant du prêteur que de l’emprunteur, sauf à ce que le prêt n’ait été consenti qu’en considération de la personne de l’emprunteur, auquel cas, le prêt finit avec le décès de ce dernier. 

Chaque partie au prêt a des obligations à respecter. 

Ainsi, l’emprunteur doit garder la chose en bon état et ne l’utiliser qu’à l’usage pour lequel elle lui a été prêtée. Si on vous prête un camion pour déménager votre logement, vous ne pouvez pas l’utiliser pour votre usage professionnel, par exemple. 

Les frais exposés pour la conservation de la chose restent à la charge de l’emprunteur, ce qui est logique puisqu’il bénéficie déjà de la chose à titre gratuit. 

En revanche, si l’emprunteur a dû exposer une dépense anormale, indispensable à la conservation du bien, et si urgente qu’il n’a pas pu avertir le prêteur préalablement, celui-ci doit le rembourser de la dépense. Il peut s’agir par exemple du cas d’une maison prêtée, et qui un beau jour, menace soudainement de s’effondrer, à tel point qu’il faut poser des étais le jour même. Le prêteur devra alors rembourser les frais d’étayage. 

Une fois la durée du prêt terminée, l’emprunteur doit rendre la chose au prêteur. 

De son côté, ce dernier ne peut exiger la restitution du bien avant l’expiration de la durée du prêt. 

Observons toutefois que si le prêt a été convenu sans condition de durée, le prêteur ne peut demander restitution qu’une fois que la chose a servi pour l’usage pour lequel elle a été empruntée. 

Ainsi, si vous prêtez votre camion pour que votre meilleur ami déménage, vous ne pouvez demander restitution qu’après le déménagement. (J’ai toutefois tendance à penser que si finalement le déménagement n’a pas lieu, l’emprunteur doit restituer la chose dès que la date initialement prévue est passée, sauf à ce que le déménagement soit simplement repoussé à une date raisonnablement proche). 

Enfin, soulignons que si un prêt a été consenti sans condition de délai, le prêteur peut mettre fin au prêt à tout moment, pour peu qu’il respecte un préavis raisonnable. 

Cette règle, d’origine jurisprudentielle, est toutefois parfaitement logique, et cohérente avec l’interdiction des contrats perpétuels. Ainsi, tout contrat conclu sans condition de durée peut être résilié par n’importe quelle partie, sous réserve d’un préavis d’une durée raisonnable. 

Seul problème à considérer : si vous consentez/bénéficiez d’un prêt sur une chose d’une certaine valeur, il est conseillé d’en conserver la preuve, par exemple par un écrit signé des deux parties (ou à tout le moins du prêteur) afin d’éviter les ennuis, par exemple avec les héritiers du prêteur, pas forcément ravis de voir qu’une partie du patrimoine dont ils héritent est intouchable car prêtée.

Mon entreprise est assurée en décennale. Ai-je vraiment besoin d’une Dommages Ouvrage ? (Spoiler: OUI).

Question intéressante qui m’a été posée à quelques reprises et qui me semble justifier une réponse un peu développée. 

J’ai déjà fait un billet succinct sur la question, auquel je vous renvoie, mais il semble utile de développer d’autres aspects. 

La situation est donc la suivante : vous êtes Maître d’Ouvrage, vous voulez faire des travaux et vous envisagez d’économiser sur la Dommages Ouvrage au motif que votre entrepreneur est correctement assuré. 

Est-ce une bonne idée ? Franchement, pas trop. 

D’abord, parfois, on tombe sur des entrepreneurs indélicats qui jurent sur la tombe de leur mémé qu’ils sont assurés, et puis… en fait, non. Ou alors, ils sont assurés pour une partie de leur activité, et pas une autre, et pas de chance, elle va être mise en oeuvre pour votre construction. Par exemple, l’entreprise est assurée pour des travaux de plomberie, mais pas d’étanchéité mais réaliser tout de même des ouvrages de ce type. 

Bref, il faut d’abord être certain à 100% que votre entrepreneur est correctement assuré (si vous avez un Maître d’Oeuvre, c’est à lui de s’en assurer). 

Mais même si c’est le cas, la Dommages Ouvrage reste utile, notamment sur un plan procédural. 

En effet, elle est censée préfinancer les dommages décennaux (c’est sa mission première, je vous renvoie à cet article pour le cas des dommages avant réception). 

Cela veut dire qu’avec la Dommages Ouvrage, vous avez une chance d’obtenir une indemnisation sans avoir à engager de procès. (Je dis bien une chance, car nous ne sommes pas au pays des Bisounours, et malheureusement, la Dommages Ouvrage va elle aussi tenter de minimiser sa perte et de proposer parfois des solutions non adaptées mais moins onéreuses). 

Si vous n’avez pas de Dommages Ouvrage, et comptez sur l’assurance décennale de votre entrepreneur, vous pouvez immédiatement aller voir un avocat et préparer l’assignation en désignation d’Expert judiciaire. 

Une décennale ne paiera jamais (ou presque jamais) sans y être obligée par une décision de justice. 

Et il ne faut pas se dire que l’action en justice coûtera probablement moins cher que la Dommages Ouvrage. 

Supposons que votre Dommages Ouvrage soit à hauteur de 5.000 Euros environ. Dites vous bien que votre procès vous coûtera probablement davantage, en argent, mais aussi en stress et temps perdu. 

Donc, si vous construisez un ouvrage un tant soit peu important, prenez une Dommages Ouvrage, c’est douloureux sur le coup mais vous apprécierez ensuite. Enfin, la plupart du temps. 

Cas du particulier qui fait des travaux dans son logement

89AB8A32-2B32-4594-9453-4B64B7D57832.image_600Il peut sembler tout naturel de vouloir aménager son petit chez-soi et d’y faire quelques travaux. 

Mais il faut faire particulièrement attention dans ce cas, car il existe des risques importants en cas de revente. 

Prenons un exemple tout simple. Vous avez une petite maison à la campagne, et l’électricité ne vous convient pas, alors vous la refaites vous-même après quelques passages chez Castorama. 

Le problème c’est que vous n’êtes pas électricien, même si vous avez des notions en la matière. Donc, même si l’installation n’est pas à proprement parler très dangereuse, il y a de fortes chances qu’elle ne soit conforme ni aux règles de l’art, ni aux normes actuelles. 

Tant que vous conservez la maison, pas de problème. Lorsque vous la revendez, en revanche, vous vous exposez à ce que votre acheteur se plaigne de ces travaux. 

Il peut le faire sur au moins deux fondements. 

En premier lieu, vous êtes considéré comme constructeur au sens du Code Civil. Cela veut dire que vous êtes redevable de l’ensemble des garanties des constructeurs : garantie décennale de l’article 1792 du Code Civil, garantie des dommages intermédiaires notamment. 

Dans notre cas, votre installation qui n’est pas aux normes sera certainement considérée comme dangereuse, donc entraînant votre responsabilité sur le fondement de la garantie décennale. Au mieux, comme elle n’est pas conforme, et que vous étiez conscient de « bricoler » votre électricité (au lieu de la confier à un professionnel agréé) vous avez commis une faute entrainant votre responsabilité sur le fondement des dommages intermédiaires. 

En second lieu, votre acheteur peut vous attaquer sur le fondement de la garantie des vices cachés de l’article 1641 du Code Civil. 

Dans un tel cas, il y a peu de chances que l’exclusion de garantie que votre notaire n’aura pas manqué d’insérer dans votre acte de vente vous protège, car on considèrera que, ayant vous même construit l’installation, vous la connaissez parfaitement, et que s’il y a un vice, vous le connaissez aussi, puisque vous êtes conscient, toujours, d’avoir bricolé la chose plutôt que de confier le travail à un électricien. 

Dans tous les cas, le risque encouru n’est pas négligeable. 

En matière de décennale, il disparaît si vous vendez plus de dix ans après avoir fini les travaux. D’où l’importance de conserver les justificatifs desdits travaux (en l’espèce, par exemple, les factures des fournitures). 

En matière de vice caché, en revanche, cette sécurité n’existe pas. 

Donc il est vivement conseillé de faire très attention si vous faites des travaux. 

Cela signifie qu’il faut autant que possible, si vous n’êtes pas vous-même un professionnel qualifié, les faire faire par des entreprises dûment assurées. 

Et si vous n’êtes pas sûr de vous, la solution est, lors de la revente, d’avertir clairement votre vendeur (et d’en rapporter la preuve) des travaux réalisés afin qu’il s’agisse, si vices il y a, de vices apparents donc acceptés par l’acheteur. 

Dans tous les cas, si les travaux sont importants, souscrivez une assurance Dommages Ouvrage et prenez un architecte.

Photo par EePaul

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Les dommages intermédiaires

dommages intermédiairesAh, le beau sujet de construction pointu que les dommages intermédiaires. 

Pointu, parce que peu de gens savent ce que sont ces dommages, ni même qu’ils existent. Ce qui est un peu dommage pour le Maître d’Ouvrage victime de malfaçons, parce que parfois c’est la seule façon d’obtenir une indemnisation. 

Pour permettre de comprendre de quoi il s’agit, il faut faire un rapide rappel du régime d’indemnisation des dommages de la construction. Je ne vais pas entrer dans les détails, vu que j’ai déjà rédigé un nombre conséquent de billets sur la question et que j’invite le lecteur curieux à suivre les liens que je vais indiquer. (Attention, cela va être le genre d’article avec une introduction très longue et un développement sur le coeur du sujet très bref. Et maintenant, débutons l’introduction.)

Succinctement, en matière de désordre à la construction, il faut tout d’abord déterminer s’il intervient avant ou après la réception.

Les désordres constatés avant réception, mais après achèvement des travaux, sont des réserves à la réception notées sur le Procès Verbal de réception. Ces réserves doivent faire l’objet de réparations par l’entreprise, qui y est contractuellement engagée. Notons également que ces réserves entrent dans le cadre de la garantie de parfait achèvement.

En outre, cette garantie de parfait achèvement, due par l’entreprise, couvre aussi tous les dommages constatés dans l’année qui court à compter de la réception, peu important l’importance des dommages. 

Il faut noter en revanche que concernant les dommages apparents au moment de la réception et non portés au Procès Verbal de réception, ils sont réputés acceptés par le Maître d’Ouvrage, sauf à ce qu’il ait été assisté d’un Maître d’Oeuvre. En effet, l’architecte qui oublie de mentionner comme réserves des dommages apparents engage sa responsabilité. 

Par ailleurs, une fois la réception intervenue, débutent les garanties biennale et décennale. 

Concernant la garantie décennale, je rappelle qu’elle n’a vocation à être mobilisée que si les désordres revêtent une certaine importance. Autrement dit, il faut que, soit ils portent atteinte à la solidité de l’ouvrage (fissures, enfoncement des fondations…), soit ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination (le chauffage qui ne fonctionne pas). 

Observons enfin que la garantie décennale peut être mobilisée pour des désordres qui remplissent ces conditions et qui auraient été signalés dans l’année de parfait achèvement, et qui par conséquent entrent aussi dans la garantie de parfait achèvement (merveilleux, deux garanties pour le prix d’une). 

(Fin de l’introduction ; je vous avais dit que ce serait long.)

Ceux qui en sont arrivés à ce point de la lecture vont donc arriver d’eux-mêmes à la conclusion qui s’impose : mais que se passe t’il pour les désordres qui se révèlent après la réception, après la période d’un an de garantie de parfait achèvement, mais qui n’ont pas un tel niveau de gravité qu’ils mobilisent la garantie décennale ? 

Sur le principe, jusqu’à il y a environ 30 ans, il ne leur arrivait rien et le Maître d’Ouvrage n’avait que ses yeux pour pleurer, par exemple parce que son bel immeuble était entièrement fissuré sur toutes ses façades, mais que ces fissures n’étaient qu’inesthétiques et ne mettaient pas en jeu la solidité de l’immeuble et ne compromettaient pas sa destination. 

Pour remédier cette difficulté a été mise en place la théorie des dommages intermédiaires, ayant justement pour objet de remédier à cette difficulté. 

La règle est relativement simple : le Maître d’Ouvrage peut obtenir une indemnisation du constructeur à raison de ces dommages s’il prouve une faute contractuelle imputable au constructeur, qui lui cause un préjudice. 

La distinction est d’importance, puisqu’en matière de garantie décennale, il existe une présomption de responsabilité, donc le Maître d’Ouvrage n’a rien à prouver, seulement l’existence du désordre, et qu’en matière de réserves à la réception et de garantie de parfait achèvement, là aussi, il suffit de prouver que les désordres existent et n’ont pas été repris. 

Donc, en matière de dommages intermédiaires, le Maître d’Ouvrage doit apporter la preuve de ce que l’entrepreneur a commis une faute en réalisant le chantier (ce qui généralement va relever d’une expertise judiciaire). 

Autre point d’importance, en matière de décennale, l’entreprise est obligatoirement assurée. Tel n’est pas le cas en matière de dommages intermédiaires. Ce qui signifie qu’en cas de condamnation, le Maître d’Ouvrage ne pourra pas bénéficier de la garantie de l’assureur de son entrepreneur et ne pourra s’en prendre qu’à ce dernier. 

Raison de plus, pour l’entreprise, pour prendre auprès de son assureur une garantie spéciale pour les dommages intermédiaires, ce qui est une sécurité non négligeable. 

Photo par Paul Bica

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Récupération par le bailleur du logement abandonné par le locataire

67166D5F-628E-47EF-B63F-E420D944AFE7.image_600Pour la nouvelle année, je vais vous parler d’une procédure relativement nouvelle qui permet à un bailleur, sous certaines conditions, de récupérer le logement qu’il a donné en location et que le locataire a abandonné, sans toutefois le restituer officiellement par une remise de clés et un état des lieux de sortie. 

Rappelons brièvement le droit applicable. 

En principe, en matière de baux d’habitation, régis par la loi du 6 juillet 1989, lorsqu’un locataire ne remplit pas ses obligations (essentiellement, s’il ne paie pas son loyer ou n’a pas d’assurance) la seule solution consiste à l’assigner devant le Tribunal d’Instance pour demander sa condamnation à régler les loyers dûs et surtout, son expulsion. 

Comme je l’indiquais dans un billet précédent, si le locataire commence à être défaillant, il faut agir vite. En effet, les délais impératifs de la loi sont longs, de sorte qu’entre le moment où vous décidez d’agir, et la date la plus rapprochée possible pour la première audience, il y a au moins quatre mois qui doivent s’écouler.

Rappelons aussi que pendant ce type de procédure, il reste possible de pratiquer une mesure conservatoire sur les comptes bancaires du locataire, afin de geler les sommes dans l’attente d’une décision de justice favorable. Malheureusement, il ne faut pas se leurrer ; souvent, le locataire qui ne paie pas ses loyers est relativement insolvable. 

C’est la raison pour laquelle j’indique toujours à mes clients qui souhaitent agir contre leur locataire que le plus urgent est de récupérer les lieux, pour faire cesser l’hémorragie de loyers et pouvoir relouer, et que l’obtention des loyers impayés n’est, en quelque sorte, qu’un objectif « secondaire », non moins important, mais qui passe en termes de stratégie après l’expulsion. 

Dès lors, si l’on a à l’esprit l’idée que la récupération de l’appartement est l’objectif primordial, la procédure que je vais évoquer aujourd’hui est très intéressante. 

En effet, parfois, le locataire quitte l’appartement, sans forcément en informer le bailleur et sans rendre les clés. Bien entendu il cesse de régler les loyers, ce qui peut sembler logique de son point de vue puisqu’il n’occupe plus « physiquement » l’appartement. 

En réalité toutefois, puisqu’il n’a pas rendu la jouissance de l’appartement au bailleur (il n’a pas rendu les clés) il continue d’occuper juridiquement l’appartement et les loyers sont dus. 

Dans un tel cas de figure, si l’on est raisonnablement sûr que l’appartement est vide, plutôt que d’engager une procédure d’expulsion, je conseille d’engager une procédure en constat d’abandon.

Il s’agit d’une procédure relativement nouvelle, créée par une loi de décembre 2010 qui a inséré un article 14-1 dans la loi de 1989

Le principe est le suivant : avec le concours d’un huissier, on met en demeure le locataire de justifier de son occupation des lieux. 

Si dans un délai d’un mois après cette mise en demeure, le locataire ne s’est pas manifesté, le bailleur peut demander à l’huissier d’entrer dans les lieux et de constater l’abandon de ces derniers. Ce constat résulte généralement de l’absence de meubles, d’effets personnels, de nourriture… 

Là aussi, il faut être raisonnablement sûr, compte tenu du coût de la manoeuvre (frais d’huissier et de serrurier) que le locataire est parti. 

Si, lors de l’entrée dans le lieux, l’huissier constate effectivement l’abandon, il en dresse constat. 

À l’aide de ce constat, il convient ensuite d’adresser au Juge du Tribunal d’Instance une requête afin qu’il constate lui aussi l’abandon, qu’en conséquence il constate la résiliation du bail et ordonne par le bailleur la reprise des lieux. 

Il faut noter que le bailleur, par cette requête, peut demander également la condamnation du locataire à régler les sommes dues. 

Une fois que le Juge rend une ordonnance, qui a toutes les chances d’être favorable si l’abandon est effectif (ce que l’ont sait dès la pénétration dans les lieux de l’huissier), le locataire a un délai d’un mois pour faire opposition à l’ordonnance du Juge. 

Une fois ce délai passé, les lieux peuvent être repris. 

Et ce qui est particulièrement intéressant, c’est que cette reprise peut avoir lieu à tout moment, y compris pendant la trêve hivernale. 

Rappelons qu’en matière d’expulsion, au contraire, toute expulsion est interdite pendant cette période de 5 mois allant du 15 octobre au 15 mars. 

La procédure de constat d’abandon est donc particulièrement opportune en ce qu’elle permet une récupération bien plus rapide du logement. 

Reste à être sûr que le locataire l’a bien déserté. 

Attention toutefois, elle ne concerne que les locations régies par la loi de 1989 ; ainsi elle ne concerne pas les logements meublés, faute de figurer à l’énumération de l’article 25-3 de la loi de 1989, qui précisément indique quels articles de cette loi s’appliquent aux logements meublés.

Image par Bob Jagendorf

Licence Creative Commons

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