Dans le long cursus en forme de parcours du combattant qui attend celui qui veut faire ses études puis carrière dans les arts graphiques, il n’est guère consacré de temps à une petite formation sur les droits dont bénéficient les artistes.

Comme tout auteur, le graphiste qui réalise un travail d’illustration, de création d’une identité visuelle ou d’une charge graphique bénéficie du droit d’auteur pour protéger sa création.

Schématiquement, le droit d’auteur permet de protéger les droits patrimoniaux et les droits moraux de l’auteur.

Les droits patrimoniaux sont constitués par le droit de reproduction et le droit de représentation. Cela signifie que personne ne peut copier la création ou faire une exposition sans l’accord exprès du graphiste. Ces droits peuvent être cédés, moyennant rémunération.

Les droits moraux sont constitués du droit à la divulgation, du droit au retrait et au repentir, du droit au respect et du droit au nom. Autrement dit, seul l’auteur décide s’il veut divulguer sa création au public, personne ne peut l’y obliger. De façon similaire, l’auteur a le droit, après avoir divulgué une œuvre, de décider que celle-ci doit cesser d’être vue. Il peut ainsi refuser a posteriori que son œuvre soit accessible au public, ou modifier celle-ci. Le corollaire est que personne n’a le droit de modifier l’œuvre de l’auteur : c’est le droit au respect. Enfin, tout auteur a le droit que son œuvre soit connue comme étant sienne, c’est-à-dire que sa paternité sur cette dernière soit reconnue.

Les droits moraux ne peuvent jamais être cédés et demeurent attachés à la personne de l’auteur.

La chose se complique lorsque, comme c’est très souvent le cas, un créateur travaille pour un client qui lui commande un logo, une charte graphique, un design pour un site internet…

Dès lors, pour que le rapport contractuel fonctionne, il est nécessaire que l’auteur cède ses droits patrimoniaux – ou certains d’entre eux seulement – à son client. En effet, la cession d’un droit d’auteur ne se présume pas et l’auteur a tout intérêt à indiquer précisément, au sein des droits patrimoniaux, ce qu’il cède.

Il est conseillé pour cela, dans l’idéal, de conclure un contrat pour chaque commande. La meilleure solution consiste, lorsque tous les clients sollicitent une prestation similaire, à se faire rédiger par un professionnel un modèle de contrat simple, qu’il suffit de compléter. Dès lors, les obligations de tous étant clairement définies, le créateur est convenablement protégé.

A défaut il doit impérativement faire signer le devis qu’il propose. Cela ne remplace pas un contrat en bonne et due forme, mais présente l’avantage de prouver l’accord qui existe entre le créateur et son client, et permet ainsi de régler les situations délicates dans lesquelles le client de mauvaise foi refuse de payer la facture finale (en effet, cela permet de faire un référé provision avec de bonnes chances de succès).

Ainsi, il est sage, tant dans un contrat, qu’au bas d’un devis (et éventuellement pas le biais de conditions générales imprimées systématiquement avec chaque devis), de préciser exactement les droits cédés. En effet, il est aussi important pour le client d’avoir le droit d’utiliser la création qu’il a payée que pour le créateur de savoir précisément ce qu’il cède.

Dans une telle optique, il est judicieux de préciser l’usage qui sera fait de la création (droit au respect). Par exemple, dans le cas d’une illustration, il convient de préciser qu’elle ne figurera que dans tel livre, ce qui évite par exemple qu’elle ne serve à une campagne de publicité.

Le problème, pour le client, est que quoi qu’il arrive, il ne pourra jamais acquérir l’intégralité des droits de l’œuvre, les droits moraux restant acquis à l’auteur.

Sur ce point, une précision s’impose. Certes, l’auteur conserve le droit de modifier ou retirer sa création, même si on imagine mal qu’un graphiste souhaite ainsi mettre à néant son propre travail. Mais s’il le fait, il s’expose à ce que son client, qui souvent a construit toute son image de marque sur la création de l’artiste, sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la perte de son identité. Il convient donc d’envisager avec prudence toute décision qui pourrait être ensuite lourde de conséquence.

Enfin, tout créateur doit penser à se munir contre le risque de plagiat. Or, en droit d’auteur, c’est celui qui crée en premier qui détient le droit.

Donc, si vous créez quelque chose à quoi vous tenez particulièrement, ou si votre client vous semple un peu douteux, je recommande vivement un passage à l’INPI (Institut de la propriété Intellectuelle) où pour environ 10 Euros, vous pourrez au moyen d’une « Enveloppe Soleau » donner date certaine à vos créations.