Avocat en construction et copropriété

Catégorie : Grands principes (Page 2 of 2)

Le raisonnement juridique : Première instance, Appel et Cassation (IV)

photo 3Nous touchons à la fin. Après avoir abordé la question du raisonnement juridique tout d’abord iciensuite ici, et enfin là, voici le quatrième billet consacré au sujet. 

Il revient à la distinction opérée dans le premier billet entre les faits et le droit, autrement dit à l’opération de qualification juridique

En effet, le mécanisme de la qualification juridique est illustré par la hiérarchie entre juridictions

Je m’explique. 

Lorsque vous avez un problème que vous voulez voir tranché devant un juge, vous vous présentez devant le Tribunal de Grande Instance, le Tribunal d’Instance, le Tribunal de Commerce ou le Conseil des Prud’hommes (pour demeurer dans les juridictions fréquemment saisies de l’ordre judiciaire). 

Le juge saisi examine les faits qui sont établis, et y applique la règle de droit. 

Si vous n’êtes pas satisfait de la solution (parce que vous avez perdu, ou que vous n’avez pas assez gagné..) vous interjetez appel devant la Cour d’Appel. 

Là, le même débat a lieu, une seconde fois. C’est en effet le droit de tout justiciable de voir son affaire jugée deux fois. On appelle cela le double degré de juridiction

Devant la Cour d’Appel, il faut présenter les mêmes demandes que devant la juridiction de première instance ; sauf exceptions, les demandes nouvelles sont proscrites. En revanche, on peut, à leur soutien, présenter de nouveaux arguments, de nouvelles preuves, de nouveaux faits. 

La similarité entre le juge de première instance et le juge d’appel, c’est que les deux ont le droit de dire si oui ou non, les faits que l’on présente sont prouvés, existent. 

Dans mon exemple de troubles du voisinage, ils ont tous les deux le droit de dire que oui, il est établi que le garage voisin fait du bruit et sent mauvais. 

La situation devient tout autre devant la Cour de Cassation. 

Si on forme un pourvoi devant la Cour de Cassation, c’est logiquement parce que la décision rendue par la Cour d’Appel n’est pas satisfaisante. Mais la façon de juger des magistrats de la Cour de Cassation est toute autre de celle des juges du fond, première instance et appel. 

Eux ne vont pas se préoccuper de savoir s’il existe des bruits ou des odeurs. Ils vont examiner l’arrêt d’appel. Si celui-ci mentionne l’existence de ces bruits et odeurs, ils vont le prendre pour acquis. 

Autrement dit, le juge de la Cour de Cassation n’examine pas la réalité, la présence des faits, mais vérifie ce qu’en a dit le précédent juge. 

Son seul et unique travail est celui de qualification juridique. 

C’est bien la raison pour laquelle la Cour de Cassation est considérée comme une juridiction « suprême », qui construit le droit. 

En effet, son travail est de donner des conséquences juridiques aux faits établis, en accord avec les lois et règlements. Elle vérifie ainsi que compte tenu d’éléments factuels donnés, la bonne conséquence de droit a été déduite par le juge d’appel. 

Par exemple, en matière de trouble de voisinage, elle considèrera ainsi que tel type de trouble, dont l’importance factuelle a été caractérisée par la Cour d’Appel, est un trouble anormal de voisinage… ou non. 

De la sorte la règle est établie. On sait que la Cour de Cassation considère que tel niveau de nuisance sonore est anormal, et que tel autre niveau est normal. Dans un cas, une indemnisation est possible, dans l’autre, non. 

La Cour de Cassation permet ainsi, en quelque sorte, de « ranger » les faits dans des cases juridiques, de façon à permettre de savoir quelle est la conséquence, ou l’absence de conséquence, de tel ou tel fait. 

Aussi, avant de former un pourvoi en cassation à l’encontre de telle ou telle décision d’appel, il convient de procéder à une analyse fine de la décision, pour déterminer si, au-delà des faits, il existe un moyen de dire que la Cour d’Appel n’a pas opéré une qualification juridique adéquate, de sorte que la Cour de Cassation peut, elle, faire cette qualification adéquate. 

Et que se passe t’il une fois que la Cour de Cassation a statué ? Schématiquement, il y a deux possibilités. 

Soit elle considère que la Cour d’Appel a correctement appliqué le droit aux faits qui lui étaient présentés, et elle rejette le pourvoi. Fin de l’histoire. 

Soit au contraire elle considère que la Cour d’Appel n’a pas correctement appliqué le droit, et dit ainsi dans le corps de sa décision la bonne façon de faire. 

Dans un tel cas de figure, la Cour de Cassation ne juge pas l’affaire. 

Elle invite une autre Cour d’Appel à le faire, en suivant ses directives. On dit qu’elle renvoie l’affaire devant la Cour d’Appel, cette dernière étant ainsi appelée la Cour d’Appel de renvoi. 

Dans un tel cas, l’affaire est de nouveau jugée devant une autre Cour d’Appel que celle qui a justifié le pourvoi, et cette autre cour a tout intérêt à respecter l’interprétation de la règle de droit donnée par la Cour de Cassation (même si certaines s’entêtent à juger autrement. Cela peut soit agacer la Cour de Cassation, soit l’inciter à modifier sa jurisprudence…) 

Et voilà comment la règle juridique de la qualification est traduite, dans la réalité, par l’existence de divers niveaux de juridiction, le tout dernier contrôlant la bonne application du droit. 

 

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Procès à deux balles

Aujourd’hui s’est déroulée au Conseil de Prud’hommes l’affaire la plus effarante qui soit. 

Audience de référés, salle bondée, l’après midi promet d’être long. 

Une affaire est appelée, un salarié contre son employeur, comme souvent. Le salarié a travaillé deux jours et puis l’employeur, non satisfait de son travail, l’a renvoyé avant la fin de la période d’essai, comme il en a le droit. Le salaire dû a été réglé. 

Alors, que fait-on ici ? Eh bien, c’est un problème de prime de panier. La prime de panier est une indemnité qui est versée au salarié qui prend son repas sur son lieu de travail. 

La prime a été réglée. Sauf que pendant la brève relation de travail, son montant a changé… Et l’employeur n’a pas réglé l’intégralité de la prime correspondant aux deux jours travaillés. 

L’employé, conscient de ses droits, a assigné en référé devant le Conseil. Il n’a manifestement pas eu l’idée soit de passer un coup de fil à la comptabilité de son employeur pour récupérer son dû. Non, il a directement entamé une action judiciaire. 

Pour 2,58 euros. Oui, vous avez bien lu. 

Ah, et une paille, il a demandé aussi 1.500 euros de dommages et intérêts. Eh oui, quoi, il avait subi quand même un énorme préjudice, pensez vous, on peut en faire des choses avec 2,58 euros ! 

Son patron, chef de PME, bouillait de rage en attendant son tour, qui est arrivé à 17 heures. Il était là depuis 13 heures. 

Le magistrat était très mécontent qu’une telle affaire puisse faire l’objet d’un procès, et on le comprend. Et d’autant plus mécontent que le salarié, insatisfait que le juge fasse les gros yeux en entendant sa demande principale et de dommages et intérêts, a refusé de prendre le chèque que son ex-employeur avait apporté avec lui. 

L’employeur est ainsi reparti avec le chèque de 2,58 euros. 

Tout ça pour ça. Un procès à deux balles, je vous dis.

Raisonnement juridique : réflexions sur l’équité et la nécessaire sécurité juridique (III)

Suite et bientôt fin des billets sur le raisonnement juridique, déjà évoqué  et puis 

On me demandait en commentaire à cet endroit si la rigueur du raisonnement juridique ne devait pas, parfois, s’accompagner de correctifs, de type équité, considérations humaines ou humanitaires…

Ah, l’équité. 

En principe, du moins en droit civil, elle n’a jamais sa place sauf pour déterminer s’il est juste qu’une partie paie les frais d’avocat de l’autre. J’avais fait un billet sur cette question des frais d’avocat, juste là

Le problème, c’est que l’équité, c’est l’arbitraire. Un juge peut considérer qu’ordonner telle chose est juste, et un autre juge avoir un avis tout différent. 

Or, l’essence du droit, c’est la sécurité juridique. Autrement dit, une personne qui fait quelque chose doit être assurée de la conséquence juridique de son acte. 

Si le juge, en décidant en équité, fait perdre cette sécurité juridique, c’est fort grave car le justiciable ne sait plus à quoi s’attendre. Et être condamné sans savoir à l’avance qu’on risque de l’être est très, très désagréable. 

A peu près aussi désagréable que, symétriquement, de faire des actes sans savoir par la suite quelles seront leurs conséquences. 

Cette notion de sécurité juridique justifie le principe de la non rétroactivité de la loi. Ainsi, une nouvelle loi ne s’applique qu’à l’avenir afin que les personnes ayant agi sous l’empire de l’ancienne loi, et étant présumés la connaître, continuent à être régis par l’ancienne loi. 

L’exception est la rétroactivité de la loi pénale plus douce, afin qu’une personne condamnée puisse bénéficier d’une amélioration de son sort. On imagine en effet mal que celui condamné à de la prison pour un délit qui est devenu une contravention, et qui n’est ainsi plus passible que d’une amende, aille (ou reste) en prison alors que d’autres personnes commettant le même acte s’en sortent en mettant la main au portefeuille. 

Bref, l’équité ça a l’air bien mais elle n’a guère droit de cité dans le prétoire, sauf pour l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, déjà évoqué. 

Et pourtant, parfois on voit le juge donner son avis, comme ça, mine de rien, et glisser un peu d’équité dans un océan de droit. 

J’ai ainsi pu consulter récemment un jugement qui l’illustrait fort bien. 

Une des parties au procès, que l’on va appeler Primus, avait indubitablement commis une faute de négligence. En pratique, cela avait coûté une jolie somme à son cocontractant, Secundus, qui avait dû rembourser ladite somme à un tiers, tiens, justement, appelons le Tertius. 

Sauf que juridiquement, Primus ne pouvait être condamné à indemniser Secundus

En effet, en raison des éléments du litige, le juge a décidé, avec raison, mais peut être à contrecoeur, que juridiquement il n’y avait pas de lien direct entre la faute de Primus et la perte de Secundus. (Ce qui nous ramène aux développements du précédent billet sur le préjudice). 

En réalité, de façon pratique, (vous me suivez, c’est bon ?) si Primus n’avait pas fait de faute, il y aurait eu une bonne chance que Secundus ne doive rien restituer. En effet, en l’absence de négligence de Primus, Secundus aurait eu en main les éléments pour négocier avec Tertius et probablement conserver la somme litigieuse.

Toujours est-il que, malgré la perfection juridique de la décision, le juge a manifestement considéré qu’il n’était pas très juste que Primus s’en sorte aussi bien. 

Alors, il l’a condamné à verser à Secundus une somme pas tout à fait négligeable au titre de ses frais d’avocat. 

Et il l’a aussi condamné à rembourser Secundus des sommes qu’il avait dû payer à Tertius pour l’indemniser de ses propres frais d’avocat. 

Bref, Primus a supporté la charge totale des condamnations relatives aux frais irrépétibles. 

Ainsi, le juge a utilisé la seule arme à sa disposition pour montrer sa désapprobation envers Primus et le condamner autant que possible. 

Donc, oui, parfois, le juge tempère la rigueur du raisonnement juridique. Mais il n’en a pas beaucoup l’occasion ni les moyens. 

Et voici un lien vers le dernier billet de cette série, concernant la hiérarchie entre juridictions.

PS : Ah, au fait, que ceux que « Primus » et « Secundus » n’ont pas fait sourire en coin aillent donc suivre un cours de PLA.

Le raisonnement juridique illustré par l’exemple du trouble de voisinage : le préjudice (II)

Comme promis, voici la suite du billet consacré au raisonnement juridique illustré par le trouble du voisinage. 

La réflexion sur le préjudice, elle aussi, est particulière. En effet, le système juridique français n’accepte de réparer que le préjudice subi. Un Tribunal français ne prononcera jamais des dommages et intérêts pharaoniques afin de décourager pour l’avenir celui qui se fait condamner. Ainsi, la réparation est strictement proportionnée au préjudice subi. 

Aussi, il faut établir exactement le préjudice subi. 

En matière de trouble de voisinage, il peut s’agir d’une perte de jouissance d’une pièce de l’appartement, rendue inhabitable (ou juste peu agréable…) en raison de sa fenêtre donnant sur l’origine de la nuisance (évacuation de garage, par exemple). 

Dans ce cas, le préjudice est évalué en pourcentage de la valeur locative perdu en raison de la nuisance. Il peut également être constitué par la perte de valeur de l’appartement, si le trouble ne peut cesser. 

Il peut en outre y avoir des préjudices particuliers subis par les occupants. 

Par exemple, l’occupant d’un appartement qui subit des émanations venant d’un garage proche peut solliciter l’indemnisation de son préjudice de santé

En revanche, la victime du trouble de voisinage ne peut raisonnablement espérer obtenir l’indemnisation pour des « préjudices » qui ne sont pas directement liés au trouble. 

Autrement formulé, si la victime a pris des dispositions relevant de sa convenance plus que du fait du trouble subit, elle ne peut espérer obtenir indemnisation du préjudice qu’elle allègue. 

Par exemple, supposons que la victime prétende que le trouble était tellement insupportable qu’elle a choisi de déménager. Elle a ainsi mis en location le bien qu’elle habitait auparavant. Elle demande dès lors qu’on lui rembourse son déménagement. 

Si la personne en question, qui habitait Paris, s’était transportée à quelques rues ou dans un autre arrondissement, l’indemnisation aurait pu avoir lieu. Sauf que cette personne avait en réalité acheté une maison pour sa retraite en province. Dès lors son déménagement résultait de sa convenance et non du trouble, et ne pouvait donner lieu à indemnisation. 

En outre, cette dame demandait qu’on lui rembourse les frais de peinture de son ancien appartement, et d’achat des meubles qu’elle y avait placés afin de louer les lieux meublés. Là encore, son déplacement étant de simple convenance, elle ne pouvait se voir remboursée ses frais de peinture et d’achat suédois. 

D’autant qu’on n’est pas strictement obligé de repeindre et meubler un appartement avant de le meubler…

Enfin, cerise sur le gâteau, cette personne prétendait que du fait qu’elle percevait des loyers, elle devait payer des impôts dessus, qu’il fallait lui rembourser. Cette demande n’a pas fait long feu…

En bref, pour demander une indemnisation, il faut toujours établir le lien nécessaire existant entre la faute ou la responsabilité établie et les conséquences subies. Les « préjudices » relevant de la convenance de la victime, voire de la responsabilité d’une autre personne, n’ont pas à être indemnisés. 

Il est vrai que parfois le client ne comprend pas bien le raisonnement et peste quelque peu devant son avocat qui ne veut pas faire docilement ce qu’on lui demande. 

Alors, parfois l’avocat cède, fait la demande… et avertit son client qu’elle n’a aucune chance. 

Sur ce point, il faut savoir que le juge ne voit pas nécessairement d’un bon oeil les demandes disproportionnées ; elles décrédibilisent le dossier plus qu’elles ne le servent. 

En effet, les juges aiment les demandes précises, et argumentées. 

Le raisonnement consistant à demander une somme pharamineuse en pensant qu’il en restera toujours quelque chose n’est pas souvent gagnant. 

Le juge qui estime une demande non fondée, même si elle est très élevée, la refusera en bloc et n’accordera pas une petite fraction de la somme sollicitée. 

En revanche, le juge qui voit une demande précise, qui n’est pas forcément un chiffre rond, justifiée par des documents, et soigneusement expliquée, est plus enclin à l’accorder. Pour ma part j’intègre très souvent des tableaux de calcul dans mes écritures, afin que les sommes demandées soient aisément compréhensibles. 

Aussi, le travail de l’avocat est aussi de conseiller son client sur la meilleure façon de présenter ses demandes, de les justifier, de les articuler. Mieux vaut demander des sommes raisonnables de façon bien étayées, et les obtenir, que demander des sommes énormes que le juge refuse parce qu’il ne comprend pas pourquoi diable il devrait les accorder…

Pour compléter cet exposé, quelque peu aride il est vrai, je ferai un ultime billet [Edit :consultable en cliquant sur ce lien] concernant le raisonnement juridique et la qualification, qui traitera de la transcription de ce raisonnement au stade des juridictions, et plus précisément de la différence fondamentale qui existe en les juridictions habituelles et la Cour de Cassation. 

Et avant cela, histoire de répondre à une question qui m’a été posée, je ferai une note un peu plus courte et plus anecdotique sur l’équité

Je tâcherai de mettre en ligne ces billets rapidement. Ne retenez pas votre souffle quand même.

Le raisonnement juridique illustré par l’exemple du trouble du voisinage : la qualification (I)

Je suis bien consciente que le titre de ce billet peut paraître long, rébarbatif et universitaire. Mais le billet qui va suivre a pour ambition de tenter d’expliquer un concept assez complexe, et de permettre sa compréhension par un exemple qui peut être compris de tous. D’où le titre. 

En effet, je souhaite rédiger quelques billets ayant pour objet de décrypter certains comportements, éléments, appartenant au monde du droit et qui sont peu, voire mal perçus de la majorité des gens. 

Combien de fois (et encore une ce matin) ai-je été consternée en assistant à une audience se déroulant entre un professionnel et un profane, et en constatant que ce dernier répondait à côté aux arguments de l’avocat, faute de raisonner de la même façon que lui, et ne relatait pas des éléments qui existaient, n’en tirait pas argument, parce qu’il n’en avait pas perçu l’importance…

Et combien de fois ai-je entendu un client, une connaissance, …, clamer que la justice c’est n’importe quoi ou que les jugements sont aberrants, incompréhensibles… 

Optimiste que je suis, je mets ces réactions sur le compte de l’ignorance, de l’incompréhension, et pense que le meilleur remède consiste à donner des explications les plus claires possibles. 

Or, si l’on veut commencer par la base, il faut commencer par expliquer le raisonnement juridique. 

En effet, ce raisonnement juridique est le fondement du travail du juriste en général, et de l’avocat en particulier. 

Un avocat qui ne connaît pas un texte de loi ou un article du code peut toujours faire une recherche, et de par sa formation il sait où chercher pour trouver rapidement. 

Un avocat qui ne peut pas formuler un raisonnement juridique est singulièrement démuni. 

Avoir un aperçu de ce raisonnement peut aider à appréhender une décision de justice qui peut par ailleurs avoir l’air incompréhensible, ou comprendre un peu mieux pourquoi il est préférable qu’une discussion devant un Tribunal ait lieu entre professionnels. 

Aussi, dans un souci de compréhension, d’information, il me paraît nécessaire d’aborder cette question complexe afin, si possible, de permettre à toute personne intéressée par le droit de disposer de clés d’interprétation. 

Après cette introduction un peu longuette, passons dans le vif du sujet. 

Le fondement du raisonnement juridique est constitué par l’opération de qualification.

Il s’agit pour l’avocat de prendre en considération les faits tels qu’ils existent, et de leur appliquer une règle de droit, ce qui aboutit à un résultat. C’est assez proche d’un raisonnement mathématique consistant à faire une opération sur des nombres pour obtenir un résultat. 

J’en arrive au développement de mon exemple : le trouble de voisinage. Il s’agit d’une règle de jurisprudence, c’est-à-dire que la règle n’est écrite dans aucun texte de loi mais a été élaborée peu à peu par les tribunaux. 

La règle est simple : nul ne doit subir un trouble anormal dû à son voisin. 

Déjà, il convient d’identifier le mot clé : c’est « anormal ». Autrement dit, il existe des troubles normaux de voisinage, que l’on est bien forcé de supporter en raison du choix de l’homme de vivre près de ses semblables. 

La conséquence de cette règle est que, en cas de trouble anormal de voisinage, la victime du trouble est en droit de demander l’indemnisation du préjudice qu’elle a subi. 

Une fois que la règle est définie, il faut alors procéder au raisonnement juridique, et se demander d’abord si les faits présentés par la victime sont constitutifs de troubles anormaux, ensuite quel type de préjudice en découle et quelle indemnisation est susceptible de compenser ce préjudice, pour enfin déterminer les mesures que doit prendre le voisin pour que le trouble cesse. 

Ainsi, il faut d’abord établir le caractère anormal du trouble. Il peut s’agir de bruits, d’odeurs, d’émanations, d’une vue bouchée… le caractère anormal sera généralement établi à l’aide de mesures (mesures acoustiques, de qualité de l’air) ou de constats qui, en établissant l’existence du trouble et en le comparant à la norme, permettent de déterminer si le trouble excède la norme généralement acceptable. 

En outre, le caractère anormal varie selon les situations. Il est compréhensible dans un vieil immeuble sans véritable isolation phonique qu’on entende un peu les voisins ; cela ne veut pas dire pour autant qu’ils crient à longueur de journée. Il est également à peu près normal, si l’on s’installe dans une zone industrielle, de ne pouvoir se plaindre du bruit des usines qui y fonctionnent, et ce d’autant plus si les usines en question existaient au moment de l’installation. 

En revanche, il n’est pas normal en pleine zone urbaine de subir des émanations de gaz parce que le garage voisin ne règle pas ses évacuations…

Il s’agit ainsi de procéder à une réflexion sur le caractère anormal, que la victime du trouble ne perçoit pas nécessairement, et surtout dans un cadre de voisinage où les situations sont souvent exacerbées. 

Une fois établi le caractère anormal du dommage, il faut déterminer le type de préjudice subi et l’indemnisation qui en découle. 

Eu égard à la longueur du présent billet, ceci fera l’objet d’une note ultérieure.

Splendeurs et misères du droit international privé

Le droit international public, c’est un peu aride. Mais juridiquement, c’est fort intéressant. L’ennui, c’est que parfois, c’est comme un boomerang. Ça vous revient dans la figure. 

Prenons une affaire simple mais douloureuse, que j’ai vu plaider récemment alors que j’attendais mon tour lors d’une audience. 

Voici les faits. Deux couples se trouvent dans une voiture. Le conducteur roule en dessous de la limite de vitesse, sur une route droite, correctement goudronnée. Pour une raison inconnue, il perd le contrôle du véhicule, lequel sort de la route et percute un rocher. 

Les deux messieurs ne s’en sortent sans trop de mal. Les dames, en revanche, moins bien. Notamment, l’une d’elle est suffisamment gravement accidentée pour subir plusieurs opérations, des mois de rééducation, et souffrir d’une amnésie totale de l’accident. 

En principe, que doit t’il se passer ? Eh bien, l’assureur du conducteur prend en charge le préjudice corporel subi par la victime. Celui-ci est conséquent. Elle est aujourd’hui invalide à près de 70%, et l’accident étant survenu alors qu’elle avait 60 ans, sa retraite en a été totalement gâchée. 

Cette dame pourrait ainsi prétendre à des sommes non négligeables, eu égard aux souffrances endurées, à son infirmité, à toutes les activités qu’elle pratiquait et qu’elle a dû abandonner…

Sauf que. 

L’accident ne s’est pas produit en France, mais dans un pays africain. 

Et qu’est ce que ça change, me direz vous ? En fait, tout. Parce qu’en matière d’accidents de la route, la convention applicable en la matière (convention de la Haye du 4 mai 1971) précise que la loi applicable au litige est la loi du lieu de l’accident. 

Et il ne faut pas rêver, les règles en matière d’indemnisation des victimes d’accident de la route sont généralement moins généreuses en Afrique qu’en France. 

Ainsi, la dame qui s’est retrouvée toute disloquée du fait de son accident risque de ne rien percevoir du tout…pourquoi ? 

En raison du mécanisme du droit international privé. 

Et pourquoi « splendeurs et misères » ? Parce que ce mécanisme est tout à fait intéressant. 

En effet, lorsqu’il aboutit à ce qu’un droit étranger soit appliqué, il faut que celui qui se prévaut de ce droit étranger en apporte la preuve du contenu. Dans notre cas, indiquer dans quels cas le préjudice corporel est indemnisé, par qui, dans quelles limites… La charge de cette preuve revient aux parties, et à défaut, au juge lui-même qui doit faire des recherches. 

Si toutefois il est impossible de connaître la consistance de la règle étrangère, la loi française a alors vocation à s’appliquer de façon subsidiaire. 

C’est une construction juridique tout à fait élégante, à savoir logique (application du droit du lieu de l’accident) et qui évite de se retrouver dépourvu (application du droit français si l’on ne parvient pas à déterminer la consistance de ce droit étranger). 

Dans notre affaire, il est évident que l’assureur du conducteur qui risquait d’avoir à payer des sommes conséquentes avait tout intérêt à soutenir que c’était le droit du pays africain qui s’appliquait. Ce qu’il a naturellement fait, sans pour autant rapporter la preuve du contenu du droit concerné. 

A sa décharge, ce n’était pas tellement facile. En outre l’accident avait eu lieu au début des années 90, de sorte qu’il est fort probable que les règles applicables ont changé depuis. 

Dans cette affaire, des juges ont déjà décidé une première fois, avant de statuer sur le fond du dossier, d’inviter les parties à trouver la consistance du droit en question, en parfaite conformité avec les règles du droit international privé. 

Naturellement, pour l’avocat de la victime de l’accident, il n’était pas question de prouver la consistance du droit africain, forcément moins favorable que le droit français. Il a ainsi plaidé que ce droit n’étant pas déterminé, il convenait d’appliquer le droit français, à vocation subsidiaire. 

L’avocat de l’assureur n’a pas fait tellement mieux, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé, lui. 

L’affaire s’est de nouveau plaidée. J’ai pu, par la suite, connaître le fin mot de l’histoire. Je supposais que le Tribunal aurait soit appliqué le droit français, soit appliqué le droit africain que l’assureur invoquait. 

Le Tribunal… a de nouveau invité les parties à se renseigner sur la consistance du droit étranger et posé des questions précises à adresser à l’ambassade concernée. L’affaire est repartie. 

La bonne nouvelle, c’est que manifestement le Tribunal a pris son travail très à coeur et a fait le maximum pour appliquer la règle de droit, à savoir découvrir le contenu de la loi étrangère, si besoin est par lui-même. 

La mauvaise ? Il y a désormais de bonnes chances que le contenu du droit en question soit établi. De plus grandes encore que l’indemnisation accordée aux victimes d’accident de la route soit dérisoire (4000 ou 5000 Euros d’après ce que j’ai compris des plaidoiries). Ou que l’action soit prescrite, ce qui veut dire que la victime ne percevra absolument rien. 

Voilà ce à quoi je voulais en venir. Le droit international privé, c’est beau. Mais ici, c’est cruel. Et je doute que la victime de l’accident, aujourd’hui assez âgée, prenne avec sérénité le fait qu’elle est en procès depuis plus de quinze ans pour rien…

Moralité ? Evitez les accidents de voiture à l’étranger…

Tiens, au fait, pour finir sur une note plus légère, un bon point à qui reconnaît l’allusion du titre sans aller faire un tour chez google.

L’idée est de libre parcours

Cet adage, qu’on rabâche aux étudiants en cours de propriété intellectuelle à la faculté, n’est pourtant pas très bien assimilé par les créateurs.

Récemment un commentateur curieux me demandait si on pouvait protéger un concept, et si oui, comment.

Hélas (ou heureusement), la réponse est non. En effet, c’est la création qui est protégée par le droit d’auteur. Or l’idée existe avant la création, elle en est le présupposé mais reste distincte. D’autre part, une même idée peut donner lieu à des créations très différentes.

Ainsi, ce qui est protégé, c’est, selon les termes de la loi, « la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur ». C’est ainsi la formalisation qui est protégée.

Par exemple, mon commentateur me demandait si on pouvait protéger le concept consistant à réaliser un Tshirt avec une tête imprimée dessus. Or il serait ennuyeux que ce concept puisse être protégé.

Le droit de la propriété intellectuelle a en effet pour but de protéger l’auteur d’une œuvre afin que celui-ci puisse l’exploiter, éviter d’être plagié en toute impunité, et ainsi continue à créer. La protection de l’oeuvre est ainsi de nature à favoriser la création.

Or, permettre à quelqu’un de s’approprier une idée aurait l’effet inverse, puisque soudain tout un pan de création deviendrait inaccessible.

En effet, il peut y avoir des quantités de créations consistant à présenter une tête sur un Tshirt, toutes différentes, avec une forme et un style propres : il serait totalement anormal que cette idée soit appropriée par une seule personne. Imaginez que quelqu’un s’approprie le concept et le formalise en imprimant la tête d’Homer Simpson sur le Tshirt. Celui qui voudrait pour sa part imprimer la Joconde serait alors bien embêté…

Maintenant, il est tout à fait possible de créer un type de Tshirt avec une représentation de tête, dans un style particulier. Là, le concept ayant été formalisé, donc la conception étant réalisée, formalisée, la protection est possible.

Par conséquent, ce que tout artiste et créateur doit retenir, c’est que c’est la forme qu’il imprime à sa création qui est protégée, pas l’idée qui sous tend la création.

Et si vous avez une idée géniale que vous voulez mettre en pratique… Un conseil simple : gardez la pour vous tant que vous ne l’avez pas formalisée, ça évitera les ennuis.

De l’importance d’être loyal

Parfois, on voit arriver un dossier, pas mauvais. Bon, même. Et puis on se rend compte que la pire difficulté qu’on rencontrera, c’est le client.

Petit retour en arrière. Atterrit sur mon bureau voici quelques mois une affaire d’empiètement. Monsieur Dupont est très mécontent car en raison des travaux réalisés sur l’immeuble voisin, il a perdu quelques décimètres carrés du terrain qui entoure sa maison, en proche banlieue parisienne.

Pas de quoi fouetter un chat me direz vous ? D’abord, le droit de propriété, c’est sacré. La preuve : à l’origine, la devise de la France, à la Révolution, c’était « Liberté Egalité Propriété ». La fraternité n’est apparue que plus tard.

Et puis, pas de chance, la perte des décimètres carrés en question empêchent désormais Monsieur Dupont de garer convenablement sa voiture.

La copropriété voisine – qui ne contestait pas sa faute – et Monsieur Dupont ont passé un certain temps à essayer de régler leur différend à l’amiable.

Plusieurs projets, plus ou moins onéreux, ont été envisagés pour remettre les choses en l’état. Un premier projet à minima prévoyait quelques travaux simplissimes. La copropriété voisine l’a voté, mais ne l’a jamais mis en œuvre. Quelques temps plus tard, un autre projet, de meilleure qualité, a été refusé par cette même copropriété, car trop cher à son goût.

Et puis Monsieur Dupont a perdu patience et a intenté une action en justice.

Cela s’est plutôt bien passé, puisque l’immeuble voisin a été condamné à faire les travaux sous astreinte, le Tribunal ayant retenu le premier projet, le plus simple.

Faisant mauvaise fortune bon cœur, la copropriété a finalement décidé de mettre en œuvre le second projet, plus cher, mais qui lui permettait de faire des travaux complémentaires lui bénéficiant aussi à elle et pas seulement à Monsieur Dupont.

Elle prévoit de faire cela en urgence, afin d’éviter le paiement de l’astreinte, et naturellement de prendre en charge la totalité des frais, Monsieur Dupont n’ayant ainsi rien à payer.

Eh bien non. Monsieur Dupont se plaint aujourd’hui de ce que ses voisins vont faire des travaux différents de ceux retenus par le Tribunal, qui je le rappelle avait dans sa modération retenu la solution a minima. Monsieur Dupont est très mécontent parce que ces travaux vont en outre profiter à d’autres que lui, et qu’en raison de leur rapidité d’exécution, il ne percevra probablement aucune somme au titre de l’astreinte.

Il est ainsi fermement décidé à contester la décision prise par les voisins. Qui lui est plus favorable que ce qu’avait décidé le Tribunal. Qui ne lui coûterait pas un seul centime. Et ce afin que seuls les travaux a minima soient réalisés.

Et voilà un bon dossier qui va mal tourner. Parce que devant les tribunaux, la bonne foi et la loyauté sont primordiales ; elles participent du raisonnement juridique lui-même.

Si je vais dire au Juge que mon client conteste la décision de ses voisins, et que je lui explique qu’il veut que ces derniers ne fassent que les travaux à minima, même si les travaux plus complexes ne lui coûtent rien, au mieux il va me rire au nez et rejeter purement et simplement toutes mes demandes.

Au pire, il va constater la mauvaise foi de Monsieur Dupont et le condamner à des dommages et intérêts pour procédure abusive, et à une conséquente indemnité au titre des frais d’avocat exposés par l’adversaire.

Monsieur Dupont ne veut rien entendre. Il veut absolument en découdre une fois de plus, au risque d’être condamné.

C’est pas gagné, tout ça.

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément

Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément

Nicolas Boileau

Selon moi, cette citation de Nicolas Boileau illustre l’idéal vers lequel l’avocat devrait tendre. 

En effet une très grande part du travail d’avocat consiste à transformer la pile de documents et les quelques informations que lui donne son client en un récit cohérent qui emportera la conviction de celui qui le lit, à savoir le magistrat qui va trancher le litige. 

Il faut ainsi dans un premier temps s’attacher à comprendre la situation qui est exposée par le client pour ensuite la traduire en termes juridiques et en tirer les conséquences. Il s’agit d’un raisonnement consistant à énoncer la situation donnée, trouver la règle de droit que l’on veut appliquer, pour en conclure l’effet que produit cette règle sur la situation de fait. 

Parfois, c’est limpide. Par exemple, Monsieur X s’est engagé à payer 1 000 Euros à Monsieur Y : c’est la situation de fait. L’article 1134 du code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites : c’est la règle de droit. Conséquence : X est dans l’obligation de payer cette somme à Y. 

Plus souvent, c’est complexe et il faut alors réfléchir longuement à la façon d’agencer les arguments de façon à ce qu’ils s’enchaînent de façon parfaitement claire et naturelle. On s’aperçoit parfois qu’on a une idée assez nette de l’argument qu’on souhaite formuler sans avoir encore trouvé les mots appropriés (Comme quoi, peut être que la pensée précède le langage et non l’inverse… Mais sans langage, point de pensée évoluée). 

Il s’agit alors de faire un travail de conceptualisation, pour traduire l’idée en mots les plus appropriés possibles – et de préférence, les moins nombreux possibles. Une partie du travail consiste à tenter d’utiliser alors le mot juste plutôt qu’une périphrase longue et souvent moins précise. 

Et dans l’idéal on obtient un texte court, clair et évident. En priant pour que ce soit aussi l’avis du Juge. 

Alors le jour où votre avocat soumet à votre approbation un texte qui vous paraît ridiculement court, ne lui en veuillez pas. D’abord, il a parfois fallu des heures de travail pour arriver à faire une synthèse de toutes les informations que vous lui avez données : il est souvent plus difficile de faire court que de laisser courir la plume. Et ensuite, pensez au Juge, qui sera ravi de n’avoir à lire que cinq page et pas quinze…

Nul n’est censé ignorer la loi ?

P1000222On entend souvent cette formule selon laquelle « nul n’est censé ignorer la loi ». Cela ne signifie cependant pas que un chacun doit connaître par coeur chaque pan du droit français. Cela signifie simplement que personne ne peut tirer argument de son ignorance de la loi pour échapper aux sanctions qu’elle prévoit. Concrètement, il est prudent, avant d’agir dans un domaine qu’on ne maîtrise par parfaitement, de vérifier quel est le régime juridique applicable. 

Sauf que… Aujourd’hui, chaque question soulevée dans les média, chaque difficulté particulière a tendance à se traduire par l’apparition d’une nouvelle loi. L’ennui, c’est que l’on se retrouve face à une telle quantité de textes qu’il est souvent fort difficile de savoir précisément lequel est applicable à une situation donnée. 

En outre, il est relativement rare qu’aucun texte ne légifère sur une question donnée. Certes, il existe des situations totalement nouvelles, auxquelles personne jusqu’à présent n’avait songé et qui rentrent difficilement dans les catégories du droit connues. La plupart du temps, cependant, la question qui se pose a déjà été abordée par le passé de sorte qu’il existe déjà un régime juridique applicable. 

Or, le vote d’une nouvelle loi ne s’accompagne pas nécessairement de l’abrogation ou de la modification de ce régime juridique existant. 

Le résultat de ces incertitudes est soit qu’il est peu aisé de savoir précisément quel texte régit une situation donnée, et que lorsque c’est le cas, il est parfois difficile de savoir précisément les effets de ce texte. 

A cela s’ajoute le fait que parfois, il est difficile de prévoir la façon dont les tribunaux appliqueront la loi. 

Le sort réservé au CNE est un bon exemple. En effet, le 6 juillet 2007, la Cour d’Appel de Paris a décidé que le Contrat Nouvelle Embauche n’était pas conforme à une convention de l’Organisation Internationale du Travail, dans la mesure où il avait pour effet de priver le salarié de l’ensemble de ses droits en matière de licenciement. 

Par conséquent, il est à présent particulièrement dangereux, et finalement inutile, pour un employeur de conclure un tel contrat de travail. 

Dangereux car, si l’employeur, comme l’y autorise le statut du CNE, licencie dans le délai de deux ans à compter de la conclusion du contrat sans justifier ce licenciement par un motif particulier, il court un risque réel que, précisément, le Conseil des Prud’hommes considère ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamne l’employeur payer à son ancien salarié diverses indemnités. 

Inutile, en conséquence, puisque l’employeur averti de ces dangers soit embauchera en CDD, soit n’embauchera pas du tout. 

Dès lors, et sauf revirement improbable, le CNE est désormais un type de contrat de travail privé d’utilité, ce qui met dans une situation délicate tous les employeurs qui en ont conclu un. En effet, privé du statut particulier du licenciement qui faisait son originalité, le CNE est tout simplement un CDI. 

Ainsi, nul n’est peut être censé ignorer la loi, mais il n’est cependant pas aisé de se tenir au courant de ce type de modifications imprévues, d’autant que pour une affaire médiatisée comme le CNE, combien de régimes juridiques sont modifiés dans l’indifférence la plus totale… 

Et c’est la raison pour laquelle, souvent, l’avocat voit arriver sur son bureau un dossier ne relevant pas nécessairement d’une branche très complexe du droit, mais à l’issue compromise parce que le client, en toute bonne foi, par incompréhension de la loi a fait le contraire de ce qu’il aurait été opportun. 

En bref, renseignez vous avant d’agir, cela évite souvent les ennuis.

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