La confraternité entre avocatsJ’ai eu l’occasion de voir, ici et là, des commentaires désabusés formulés par des justiciables mécontents de leur avocat, et qui étaient des variations sur « mon avocat s’est entendu avec l’autre, à mon détriment, c’est dégoûtant ». Du coup, je pense qu’une petite mise au point sur les relations entre avocats et sur la confraternité s’impose. 

La confraternité entre avocats est à la fois une obligation déontologique qui nous est imposée, mais aussi un outil précieux dans notre profession. 

Obligation déontologique, parce que l’avocat doit respecter, dans son exercice, outre les règles de dignité, conscience, indépendance, probité et humanité qui constituent son serment, les principes d’honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie (oui, tout ça à la fois). Cela est notamment précisé à l’article 1.3 du Règlement Intérieur national de la profession d’avocat. 

Cela signifie qu’en toute circonstance, l’avocat doit traiter l’autre avocat avec politesse, courtoisie, comme un égal qu’il est, et, en quelque sorte, comme il aimerait lui-même être traité. L’idée, c’est que l’autre avocat est membre du même ordre, et qu’il mérite des égards. 

Cette confraternité fera, tant que cela ne nuit pas aux intérêts du client (qui passent avant la confraternité, j’y reviendrai), qu’un avocat ne s’opposera pas à une demande de renvoi formulée par un confrère qui n’a pas pu préparer sa défense, préviendra son confrère adverse de l’assignation qu’il délivre pour lui donner le temps de se préparer, l’avertira de tout appel interjeté contre une décision. 

La confraternité est ainsi de nature à permettre un débat loyal. 

Toutefois, la confraternité, qui a pour objet de permettre l’établissement de relations de confiance entre avocats, ne doit jamais primer à l’intérêt du client. 

Par exemple, si l’avocat initie une procédure de référé, c’est généralement qu’il y a urgence. Aussi, il serait contraire à l’intérêt du client d’accepter un renvoi, malgré la demande du confrère. 

De façon similaire, certaines procédures sur requête (qui feront l’objet d’un billet ultérieur), dont la caractéristique principale est la surprise, se font sans présence de l’adversaire, et il est évidemment totalement hors de question d’avertir le confrère préalablement ! 

Voici pour le volet « obligation déontologique ». Et le volet « avantage précieux », me direz vous ? 

En réalité, je l’ai déjà abordé lorsque j’ai précisé que la confraternité permettait un débat loyal dans un climat de confiance. 

Ainsi, dans un cadre contentieux, où par définition, vue qu’on en est au procès, les parties ne se parlent plus guère, l’intervention de deux professionnels qui parlent le même langage, ont chacun le souci de l’intérêt de leur client, et qui peuvent raisonnablement compter sur la loyauté de l’autre, peuvent entamer des discussions qui ne pourraient avoir lieu entre leurs clients respectifs. 

De la sorte, une solution amiable qui n’avait pu intervenir entre les parties seules, peut être concrétisée entre leurs avocats. 

Sur ce point, il convient de préciser que le client a le dernier mot. Autrement dit, s’il refuse l’accord proposé, jamais son avocat n’ira à l’encontre de ses instructions. Il pourra tout au plus lui expliquer pourquoi il pense que ce refus est inopportun, lui conseiller d’accepter, mais pas davantage. 

Les principes régissant les rapports entre avocats permettent donc de faciliter la solution amiable – donc plus rapide et moins onéreuse – des litiges. 

Aussi, dans tout litige, discutez avec votre avocat de la possibilité d’en finir à l’amiable, il est particulièrement bien placé pour cela. 

Et rappelez vous bien que votre avocat… est avant tout VOTRE avocat. Il est là pour vous défendre envers et contre tout, et ne laissera jamais ses bonnes relations pour un de ses confrères interférer avec son devoir de vous assister au mieux. 

Si véritablement, vous avez le sentiment que votre avocat ne roule pas à 100% pour vous… il est peut être temps d’en changer.