En matière de construction, l’expertise judiciaire est généralement une étape incontournable. En effet, il est souvent particulièrement difficile pour un profane ou pour un juriste d’évaluer la consistance d’un désordre, son importance, les réparations nécessaires ou de déterminer les responsabilités. 

Il est donc utile de disposer d’un document technique reprenant toutes ces questions et qui pourra éclairer le Tribunal. 

Pourquoi diligenter une expertise judiciaire ? 

La question peut se poser dans la mesure où, souvent, le Maître d’ouvrage dispose d’une assurance Dommages Ouvrage, les entrepreneurs qui sont intervenus sont assurés, de sorte qu’une expertise amiable peut avoir lieu. 

Eh bien, tout simplement parce que devant un Tribunal, une telle expertise amiable… ne vaut rien, ou presque. Tout au plus, elle donne quelques indications au juge. Mais seul un rapport établi par un Expert judiciaire désigné par le Tribunal peut avoir un poids véritable. 

En outre, une expertise amiable est souvent partiale. L’assureur de l’entrepreneur tentera de minimiser les fautes commises par son assuré, l’assureur Dommages Ouvrage essaiera de s’en tirer au meilleur compte. 

Parfois, l’assureur fera tout pour faire traîner le dossier, dans l’espoir que l’affaire soit prescrite. 

Ainsi à moins que le Maître d’ouvrage considère que la réparation proposée par les assureurs est adéquate, ce qui est rare, il a tout intérêt à solliciter une mesure d’expertise judiciaire impartiale.

Comment procéder ? 

La demande d’expertise judiciaire peut se faire avant tout procès, ou en cours de procès si la demande a déjà été formulée. Dans les deux cas, il est très fortement conseillé de consulter un avocat, qui saura parfaitement comment s’y prendre. 

Votre avocat formulera ainsi une demande devant le juge, qui consistera à expliquer quels désordres vous subissez suite à la construction, et à demander la désignation d’un Expert qui aura une mission précise. 

Cette mission consistera généralement à examiner les désordres, déterminer leur cause et les modes de réparation, et donner un avis sur les responsabilités. 

En général, à moins que la demande ne paraisse tout à fait fantaisiste au juge, ce dernier ordonnera l’expertise. 

Avant que les opérations d’expertise ne puissent débuter, le juge ordonnera qu’une consignation soit versée. Il s’agit d’une somme d’argent, momentanément conservée par le service financier du Tribunal, et qui constitue une avance sur les honoraires de l’Expert. 

En pratique, elle est généralement de 1000 à 1500 Euros. La plupart du temps, c’est au Maître d’ouvrage d’avancer ce montant. A la fin de l’expertise, le Tribunal reverser la somme à l’Expert. 

Il faut néanmoins savoir qu’au final, ce sont les personnes responsables des désordres qui règleront l’Expert, de sorte que le Maître d’ouvrage sera dédommagé. 

Déroulement de l’expertise judiciaire

Une fois désigné, l’Expert écrira à toutes les parties concernées pour les convoquer à des réunions, celles-ci se déroulant généralement sur les lieux. 

Lors des réunions, les entrepreneurs concernés se présenteront, assistés de leur avocat et souvent d’un Expert amiable mandaté par leur assureur. Très souvent donc, une réunion d’expertise rassemble un grand nombre de personnes, qui doivent toutes pouvoir accéder aux lieux. 

Il est hors de question pour le Maître d’ouvrage de refuser l’entrée à quelqu’un au motif qu’il ne veut pas tout ce monde dans son appartement. 

Le rôle de l’avocat du Maître d’ouvrage est d’expliquer à l’Expert quels sont les désordres et de lui donner tout document pertinent de nature à lui permettre de comprendre la situation : plans, devis, procès verbaux de réception, factures… L’Expert pourra également examiner avec profit les éventuels rapports rédigés avant son intervention par les experts Dommages Ouvrage ou d’assurance. 

Le rôle des avocats des entrepreneurs et de leurs experts particuliers est au contraire de discuter l’existence des désordres, leur importance, ou leur imputabilité à leur client. Ainsi une expertise peut se dérouler courtoisement, ou de façon plus houleuse. 

Outre son avocat, le Maître d’ouvrage est libre de se faire assister d’un architecte ou d’un expert amiable, à même d’adresser à l’Expert judiciaire des observations techniques pertinentes. En effet, l’avocat a au cours de l’expertise un rôle essentiellement juridique, et ne peut apporter d’assistance technique. 

La fin de l’expertise judiciaire

Une fois que l’Expert estime avoir examiné tout ce qui était nécessaire, il cesse de provoquer des réunions. 

Il adresse généralement aux parties une note de synthèse, dans laquelle il explique la position qu’il compte prendre dans son rapport définitif. 

Les parties ont alors un délai (généralement d’un mois) pour formuler des observations sur cette position, soit pour aller dans le sens de l’Expert, soit pour tenter de le faire changer d’avis. 

Une fois ces observations formulées, l’Expert dépose un rapport qui met en évidence les causes des désordres, les responsabilités et le montant des travaux de reprise nécessaires. 

Dès lors, il appartient à l’avocat du Maître d’ouvrage d’exploiter ce rapport dans une demande formulée au Tribunal afin d’obtenir l’indemnisation des dommages subis. 

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