En matière de marque, le nom patronymique bénéficie d’un statut particulier.

Tout d’abord, il n’est pas possible de déposer une marque qui porterait atteinte à un droit antérieur constitué d’un nom patronymique. Par exemple, il est fortement déconseillé de déposer une marque de chocolats et confiseries « Nicolas Sarkozy ».

Ensuite, même titulaire d’une marque enregistrée de façon parfaitement régulière, vous ne pouvez empêcher une personne d’employer de bonne foi comme nom commercial, enseigne, dénomination sociale, et ce depuis une période antérieure à votre dépôt de marque, son nom patronymique, identique à cette dernière.

Ainsi, le nom de la personne est protégé de façon à éviter que le tiers qui n’a rien demandé à personne ne se trouve dans l’impossibilité d’utiliser commercialement son patronyme.

Il en va différemment de celui qui, sciemment dépose son propre nom à titre de marque. A partir de ce moment, cette marque patronymique peut être cédée à un tiers comme n’importe quelle autre marque, de sorte que celui qui porte le nom ne peut plus l’utiliser sans porter atteinte aux droits de l’acquéreur.

Cette dernière règle, clairement établie depuis 1985 à l’occasion de l’affaire « Bordas », a semblé être remise en question à l’occasion de l’affaire concernant Inès de la Fressange.

En effet, suite à un conflit avec sa société le célèbre mannequin devenu styliste s’est vu empêché d’utiliser son nom pour désigner ses créations.

Que s’est-il passé ? Inès de la Fressange avait dans un premier temps vendu à une société, dont elle était devenue Directeur Artistique, diverses marques portant son nom. Sauf qu’en 1999, la société en question l’a licenciée, tout en prétendant garder la propriété des marques, ce dont elle avait parfaitement le droit, conformément à la jurisprudence Bordas.

Inès de la Fressange ne l’a toutefois pas entendu de cette oreille et a porté l’affaire devant les tribunaux.

Son avocat a alors eu l’astuce de faire appel à l’article L 714-6 du Code de Propriété Intellectuelle, quasiment jamais utilisé, et selon lequel « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait (…) propre à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ».

Concrètement, cela signifie que le titulaire d’une marque perd cette dernière s’il l’a laissée devenir trompeuse pour le consommateur. Cela peut concerner par exemple une marque indiquant clairement une provenance géographique, alors qu’entre temps, le produit est devenu made in Taïwan. Le consommateur, croyant que le produit vient d’un endroit particulier, est induit en erreur.

L’argumentation d’Inès de la Fressange revenait ainsi à dire que comme elle n’était plus à l’origine de la création des produits vendus sous son nom, le public, qui croyait le contraire, était trompé, et que la marque devait être déchue.

Cette argumentation a emporté la conviction de la Cour d’Appel, qui a effectivement prononcé la déchéance de la marque (Paris, 15 décembre 2004, Ch. 4, Sec. A, jurisdata 2004-258939).

En revanche, la Cour de Cassation, saisie de l’affaire par la société titulaire de la marque, a décidé pour sa part qu’Inès de la Fressange était irrecevable à demander la déchéance de cette dernière (cette irrecevabilité signifiant que ses arguments relatifs à la tromperie n’ont même pas été examinés).

La Cour a en effet décidé (Chambre Commerciale, 31 janvier 2006, affaire n°05-10116) qu’Inès de la Fressange ne pouvait intenter contre la société à laquelle elle avait vendue sa marque une action tendant à son éviction, autrement dit ayant pour but de lui faire perdre les droits sur la marque. En effet, le vendeur d’une chose doit garantir à son acquéreur qu’il ne tentera pas de le déposséder.

La Cour de Cassation a ainsi émis une décision d’ordre général, sans même indiquer si oui ou non, la marque était devenue trompeuse. Dès lors, Inès de la Fressange ne peut toujours pas utiliser son nom pour commercialiser des produits.

Cela signifie que celui qui veut exploiter des produits sous son propre nom a tout intérêt à se montrer prudent.

S’il débute une exploitation sous son nom, il devrait effectuer une recherche d’antériorité afin de vérifier que ce nom n’est pas déposé à titre de marque pour des produits et services identique à ceux qu’il se propose d’offrir.

Cela est vrai si le nom a vocation à être utilisé à titre informel (dénomination de société, enseigne…), mais encore plus si le nom a vocation à être déposé à titre de marque. Il existe en effet un risque non négligeable qu’une personne bénéficiant de droits antérieurs s’oppose à l’enregistrement de cette nouvelle marque si les deux sont similaires.

Enfin, lorsque cette même personne dépose son nom en qualité de marque, elle doit mûrement peser toute cession postérieure de la marque. En effet, une fois vendue, son nom devient inutilisable commercialement.