Image des biens : Peut-on photographier le bien d'autrui ?On me demandait récemment s’il était possible de faire une photographie d’un bien qui ne vous appartient pas : appartement, maison, voiture…

La question a fait l’objet d’un intense débat voici quelques années concernant l’image des biens, et la solution s’est finalement stabilisée.

Je ne vous fait pas languir davantage : sur le principe, oui, on peut prendre en photo l’image d’un bien.

Il faut cependant faire bien attention à ce que l’on définit comme bien.

Si vous photographiez une œuvre architecturale, un objet d’art, etc… vous aurez des ennuis. Quand je parle d’un bien, c’est la maison du voisin du Tonton Maurice, par exemple. Autrement dit : pas un bien protégé par un droit de propriété intellectuelle : pas une oeuvre.

Dans un premier temps, la Cour de Cassation avait décidé que « le propriétaire a seul le droit d’exploiter son bien, sous quelque forme que ce soit » de sorte que « l’exploitation du bien sous forme de photographies porte atteinte au droit de jouissance du propriétaire ».

Traduction : il était impossible de photographier la maison ou la voiture du voisin du Tonton Maurice. Ennuyeux, car parfois les biens en questions constituaient tout simplement un arrière fond, un paysage de troisième plan. Imaginez l’émoi des photographes…

Cela était en outre juridiquement curieux. En effet, le droit de propriété intellectuelle sur une œuvre de l’esprit est temporaire et il suppose une création. Or le droit de propriété est éternel et suppose simplement un achat. On comprenait mal, dès lors, que le propriétaire d’une chose dispose, au nom de son droit de propriété, d’un droit exclusif sur son image alors même que le fait que la chose ait été prise en photo ne lui portait aucun préjudice.

Certes, on a connu l’affaire de la photographie prise à des fins publicitaires d’une toute petite maison collée contre un rocher sur une île minuscule, et qui a suscité un afflux énorme de touristes dans ce tout petit coin tranquille.

Mais le cas est rare où la photographie d’un bien gêne véritablement le propriétaire de ce dernier.

Et désormais la Cour de Cassation a changé d’avis et c’est heureux.

Elle a ainsi décidé, par arrêt du 7 mai 2004, que « Le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci ; il peut toutefois s’opposer à l’utilisation de cette image par un tiers lorsqu’elle cause un trouble anormal ».

La formulation est intéressante. En effet, le propriétaire ne pourra pas s’opposer à la photographie de son bien s’il subit un trouble. Non, il faudra que ce soit un trouble anormal.Autrement dit, un trouble spécifique, particulier.

En l’espèce, il est probable que les habitants de la petite maison sur l’île auraient pu avec la nouvelle jurisprudence s’opposer à la photographie de leur bien, puisqu’ils étaient anormalement dérangés par l’afflux de badauds venus jeter un coup d’œil.

En revanche, les propriétaires d’une maison lambda ne pourront pas prétendre à l’exclusivité de l’image de leur bien au seul motif que c’est la leur, que diable, et qu’ils ne veulent pas que le premier venu la prenne en photo. Même si c’est pour en faire une carte postale.

A ceci près, bien sûr, que le fait de photographier le bien d’autrui ne porte pas atteinte à sa vie privée ni à sa dignité.

Donc, photographes de tous les pays, au travail.