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Nouveaux supports pour la redevance pour copie privée

Afin de compenser la faculté qu’a toute personne d’effectuer une copie privée d’une oeuvre, il existe un système consistant à surtaxer les supports sur lesquels cette copie peut être effectuée.

Par exemple, les DVD vierges voient leur prix augmenté d’une redevance spécifique.

Or, à partir de maintenant, trois nouveaux supports verront leur prix concerné par cette redevance : les cartes mémoires, les disques durs externes et les clés usb.

C’est une solution logique. Autrefois, l’heureux propriétaire qui voulait écouter son vynile à la maison et à la campagne devait acheter deux disques. Aujourd’hui, notre quidam n’a qu’à faire une copie – ou deux, ou trois, ou quatre, ou… bref, vous m’avez comprise.

Par conséquent, il est normal que l’auteur soit indemnisé du fait qu’on achète moins d’exemplaires de son oeuvre. Il est ainsi relativement logique que les supports sur lesquels on peut aisément copier des fichiers soient soumis à la redevance.

C’est cependant une solution qu’on peut regretter vu que les produits en question vont voir leur prix augmenter.

En outre, on pourrait objecter de façon tout à fait valable que ces périphériques peuvent être utilisés à but strictement professionnel, ou à tout le moins ne comporter aucune copie d’oeuvre protégée. C’est probablement pour cette raison que les disques dur internes aux ordinateurs ne sont pas (encore ?) taxés : leur vocation première est de faire fonctionner l’ordinateur et d’abriter les données de l’utilisateur – pas de servir de base de stockage d’oeuvres.

L’origine illicite de l’oeuvre copiée fait obstacle à l’exception de copie privée

L'origine illicite de l'oeuvre copiée fait obstacle à l'exception de copie privéeEn matière de copie privée, un argument souvent avancé par les téléchargeurs acharnés est qu’ils ont tout à fait le droit de copier des œuvres pour leur usage personnel.

En effet, en la matière, il faut distinguer le fait de télécharger des fichiers, c’est-à-dire d’en obtenir copie, et celui de diffuser ces fichiers à d’autres internautes.

La plupart des logiciels de peer to peer fonctionnent sur un principe d’échange, de sorte qu’il est impossible de télécharger sans diffuser ce qu’on obtient.

Toutefois, certains ont pu avancer l’argument que si l’on télécharge sans diffuser, l’opération est licite car elle rentre dans l’exception de copie privée.

En effet, l’article L 122-5 du Code de Propriété Intellectuelle précise que lorsque l’œuvre a été divulguée au public, son auteur ne peut interdire les copies strictement réservées à l’usage privé du copiste.

Cet article ne distingue pas selon que l’exemplaire copié a une origine licite (par exemple, CD acheté dans le commerce) ou illicite (par exemple, fichier qui provient déjà d’un téléchargement).

En conséquence, l’internaute qui télécharge des fichiers, même issus d’une copie non autorisée, et ce sans les partager avec d’autres prétendait qu’il ne faisait rien de mal, et se contentait de profiter de l’exception de copie privée.

La question s’était déjà posée à plusieurs reprises devant les tribunaux.

La Cour d’Appel de VERSAILLES a donné son avis sur la question le 16 mars 2007 (jurisdata 2007-331563). L’affaire était banale : un internaute avait téléchargé des milliers de fichiers musicaux par un logiciel de peer to peer.

Une fois devant les juges, notre internaute avait précisément développé l’argumentation expliquée plus haut, et selon laquelle peu importait que la source de sa propre copie soit licite ou pas.

La Cour d’Appel répond, de façon laconique, que :

« Il est établi que les œuvres reproduites et diffusées l’ont été à partir de sources non autorisées par leurs auteurs respectifs et sans qu’aucun droit ne soit versé à ces derniers. Dès lors, l’exception de copie privée tirée de l’article L 122-5 [du Code de Propriété Intellectuelle] ne peut être valablement invoquée par le prévenu ».

Ce qui revient à dire qu’on ne peut réaliser une copie privée que si l’œuvre copiée a une origine licite.

Autrement dit, si vous achetez un CD, un film, etc…, vous avez la faculté d’en faire une copie. Attention cependant, cette possibilité n’est pas un droit acquis, comme l’a rappelé la Cour de Cassation dans l’affaire Mulholland Drive.

Mais une fois que vous avez fait cette copie… Vous n’avez pas le droit de la diffuser au public en l’offrant au téléchargement : il s’agit en effet d’une représentation que seul l’auteur peut autoriser.

Mais à supposer que vous le fassiez quand même, la personne qui télécharge le fichier est elle aussi dans l’illégalité, car l’origine de ce fichier téléchargé est illicite.

Il serait intéressant de savoir si le prêt de l’œuvre, de l’œuvre originale, s’entent, pas d’une copie, par exemple par un ami ou par une bibliothèque, est considéré comme une origine licite. J’aurais tendance à penser que oui, mais je ne crois pas qu’il y ait de la jurisprudence en la matière.

Maintenant, il reste à voir si la Cour de Cassation donnera son avis sur la question, ce qui aurait pour effet de la trancher de façon plus précise.

Edit: A présent, la question ne se pose plus. En effet, l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, qui prévoit l’exception de copie privée, exige que celle-ci soit réalisée « à partir d’une source licite ». Autrement dit, fini de pouvoir invoquer l’exception de copie privée quand on télécharge une oeuvre piratée.

© 2024 Marie Laure Fouché

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