Avocat en construction et copropriété

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Comment se faire payer les prestations supplémentaires ?

Comment se faire payer les prestations supplémentaires ?Cette question se pose pour nombre d’entrepreneurs, commerçants, artistes…

Pour ma part, je suis confrontée à ce type de problème dans deux domaines qui ont pourtant l’air diamétralement opposé : la construction et la création artistique. En effet, paradoxalement, dans les deux cas, la situation est globalement la même. 

Au commencement est le devis. C’est-à-dire que notre entrepreneur ou artiste – autrement dit, le prestataire de service – propose lesdits service, pour une prestation et un montant bien déterminés. 

Il peut s’agir pour Monsieur Dupont de peindre les murs de la salle de séjour de son client, ou pour Mademoiselle Martin de réaliser 15 illustrations pour un livre pour enfants. Le client est d’accord, il a signé le devis, le prix est convenu et tout va pour le mieux. 

Et puis en cours d’exécution le client émet des souhaits nouveaux. Par exemple, il souhaite que soit également repeint le petit réduit de l’entrée. Ou alors, il aimerait bien disposez de dix illustrations de plus représentant des petits animaux pelucheux. 

Et comme on travaille entre gens de bonne compagnie dans un climat de confiance, eh bien Monsieur Dupont ressort ses pinceaux et son white spirit… et Mademoiselle Martin, aussi, tiens, d’ailleurs. 

Le mur est peint, les dix illustrations supplémentaires sont réalisées. Et là, c’est le drame : le client refuse de payer le complément. 

Que faire ? 

Eh bien, tout d’abord, il faut éviter d’en arriver là. Il faut TOUJOURS, lorsqu’un client commande des travaux supplémentaires, faire un devis supplémentaire et si possible le FAIRE SIGNER. Dès lors, il vaudra contrat et prouvera les obligations respectives des parties, et leur contenu. C’est préférable pour tout le monde, y compris le client. 

En effet, l’établissement d’un écrit prouve certes l’obligation du client, mais il établit également l’obligation du prestataire de services à l’égard de son client. 

Cependant, si vous n’avez pas pris de précaution particulière avant de réaliser le travail supplémentaire en question, que le client refuse de payer, et si vous voulez agir, il faut alors démontrer que ces travaux vous ont été commandés et que vous les avez réalisés. 

Autrement dit, il faut rapporter la preuve de l’existence d’obligations réciproques. 

En effet, contrairement à une rumeur tenace, le contrat verbal n’est pas nul. En droit français, le contrat se forme par la rencontre des volontés. L’écrit n’est censément qu’un moyen de preuve. Bien entendu, sans aucun écrit, il est particulièrement difficile de prouver l’accord de volontés. Mais cette absence d’écrit formel n’a pas pour effet d’empêcher la validité du contrat. 

Donc, il faut prouver que ces travaux vous ont été commandés. Si tout s’est fait par téléphone ou de vive voix, cela sera sûrement difficile. Mais comme nous vivons une époque moderne, désormais, beaucoup de choses se passent par e-mail. 

Aussi, conservez précieusement les e-mails que vous recevez de vos clients et qui permettront de prouver l’existence d’une relation d’affaire, et dans l’idéal mentionneront la commande de travaux supplémentaires. 

En outre, il est utile de démontrer que les travaux ont été réalisés au profit du client. Si dix illustrations supplémentaires de mademoiselle Martin apparaissent dans la publication, ou par exemple sur le site internet de son client, il ne sera guère difficile de prouver que le travail a été réalisé. 

En matière de construction, cela pourra varier. S’il s’agit d’un travail supplémentaire manifeste (« j’ai repeint deux pièces au lieu d’une), un simple constat d’huissier suffira à établir la preuve. S’il s’agit d’un travail un peu plus subtil (« j’ai posé plus de fils électrique que prévu car on m’a demandé une installation plus complexe ») il pourra être nécessaire d’avoir recours à un expert. Le but à atteindre est de démontrer, en comparant le devis initial avec les travaux finaux, que des prestations supplémentaires existent. 

Tout cela demeure néanmoins assez compliqué. 

Aussi, dès qu’un client vous demande une prestation supplémentaire, à moins que vous ne souhaitiez faire un geste commercial et l’offrir, pensez toujours à couvrir vos arrières et à rédiger un écrit qui vous servira éventuellement de preuve. Vous verrez, votre avocat en soupirera d’aise.

Artistes, pensez à faire un WHOIS

Imaginez.

Monsieur Martin est illustrateur. Et un jour, Ô horreur, il constate sur un site qu’il ne connaît ni d’Eve ni d’Adam que ses images sont exploitées par Monsieur Dupont qui les utilise pour illustrer son site. Pire, ce site est à vocation commerciale, de sorte qu’il n’y a vraiment aucune raison que Monsieur Dupont utilise les images gratuitement puisqu’il fait de l’argent avec son site.

Monsieur Martin a bien envoyé un mail à Monsieur Dupont, mais ce dernier a soigneusement évité de se manifester. Que faire ?

Eh bien, commencez par identifier les coordonnées postales de monsieur Dupont, pour lui envoyer par la poste un petit courrier bien senti.

Et pour cela, rien de plus simple : faites un Whois.

Qu’est ce donc que cette chose ? C’est un service qui permet de savoir le nom et l’adresse du détenteur d’une adresse Internet. Pour cela, vous tapez dans un quelconque moteur de recherche « WHOIS » et vous prenez la première réponse. Dans le champ idoine, tapez le nom de domaine de Monsieur Dupont, par exemple « monsieur-dupont.net » et regardez le résultat.

Une fois que vous avez les coordonnées, vous pouvez envoyer un petit courrier bien senti ou confier ce petit travail à votre avocat.

L’idée est de libre parcours

Cet adage, qu’on rabâche aux étudiants en cours de propriété intellectuelle à la faculté, n’est pourtant pas très bien assimilé par les créateurs.

Récemment un commentateur curieux me demandait si on pouvait protéger un concept, et si oui, comment.

Hélas (ou heureusement), la réponse est non. En effet, c’est la création qui est protégée par le droit d’auteur. Or l’idée existe avant la création, elle en est le présupposé mais reste distincte. D’autre part, une même idée peut donner lieu à des créations très différentes.

Ainsi, ce qui est protégé, c’est, selon les termes de la loi, « la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur ». C’est ainsi la formalisation qui est protégée.

Par exemple, mon commentateur me demandait si on pouvait protéger le concept consistant à réaliser un Tshirt avec une tête imprimée dessus. Or il serait ennuyeux que ce concept puisse être protégé.

Le droit de la propriété intellectuelle a en effet pour but de protéger l’auteur d’une œuvre afin que celui-ci puisse l’exploiter, éviter d’être plagié en toute impunité, et ainsi continue à créer. La protection de l’oeuvre est ainsi de nature à favoriser la création.

Or, permettre à quelqu’un de s’approprier une idée aurait l’effet inverse, puisque soudain tout un pan de création deviendrait inaccessible.

En effet, il peut y avoir des quantités de créations consistant à présenter une tête sur un Tshirt, toutes différentes, avec une forme et un style propres : il serait totalement anormal que cette idée soit appropriée par une seule personne. Imaginez que quelqu’un s’approprie le concept et le formalise en imprimant la tête d’Homer Simpson sur le Tshirt. Celui qui voudrait pour sa part imprimer la Joconde serait alors bien embêté…

Maintenant, il est tout à fait possible de créer un type de Tshirt avec une représentation de tête, dans un style particulier. Là, le concept ayant été formalisé, donc la conception étant réalisée, formalisée, la protection est possible.

Par conséquent, ce que tout artiste et créateur doit retenir, c’est que c’est la forme qu’il imprime à sa création qui est protégée, pas l’idée qui sous tend la création.

Et si vous avez une idée géniale que vous voulez mettre en pratique… Un conseil simple : gardez la pour vous tant que vous ne l’avez pas formalisée, ça évitera les ennuis.

Artistes et graphistes, protégez vos créations

Dans le long cursus en forme de parcours du combattant qui attend celui qui veut faire ses études puis carrière dans les arts graphiques, il n’est guère consacré de temps à une petite formation sur les droits dont bénéficient les artistes.

Comme tout auteur, le graphiste qui réalise un travail d’illustration, de création d’une identité visuelle ou d’une charge graphique bénéficie du droit d’auteur pour protéger sa création.

Schématiquement, le droit d’auteur permet de protéger les droits patrimoniaux et les droits moraux de l’auteur.

Les droits patrimoniaux sont constitués par le droit de reproduction et le droit de représentation. Cela signifie que personne ne peut copier la création ou faire une exposition sans l’accord exprès du graphiste. Ces droits peuvent être cédés, moyennant rémunération.

Les droits moraux sont constitués du droit à la divulgation, du droit au retrait et au repentir, du droit au respect et du droit au nom. Autrement dit, seul l’auteur décide s’il veut divulguer sa création au public, personne ne peut l’y obliger. De façon similaire, l’auteur a le droit, après avoir divulgué une œuvre, de décider que celle-ci doit cesser d’être vue. Il peut ainsi refuser a posteriori que son œuvre soit accessible au public, ou modifier celle-ci. Le corollaire est que personne n’a le droit de modifier l’œuvre de l’auteur : c’est le droit au respect. Enfin, tout auteur a le droit que son œuvre soit connue comme étant sienne, c’est-à-dire que sa paternité sur cette dernière soit reconnue.

Les droits moraux ne peuvent jamais être cédés et demeurent attachés à la personne de l’auteur.

La chose se complique lorsque, comme c’est très souvent le cas, un créateur travaille pour un client qui lui commande un logo, une charte graphique, un design pour un site internet…

Dès lors, pour que le rapport contractuel fonctionne, il est nécessaire que l’auteur cède ses droits patrimoniaux – ou certains d’entre eux seulement – à son client. En effet, la cession d’un droit d’auteur ne se présume pas et l’auteur a tout intérêt à indiquer précisément, au sein des droits patrimoniaux, ce qu’il cède.

Il est conseillé pour cela, dans l’idéal, de conclure un contrat pour chaque commande. La meilleure solution consiste, lorsque tous les clients sollicitent une prestation similaire, à se faire rédiger par un professionnel un modèle de contrat simple, qu’il suffit de compléter. Dès lors, les obligations de tous étant clairement définies, le créateur est convenablement protégé.

A défaut il doit impérativement faire signer le devis qu’il propose. Cela ne remplace pas un contrat en bonne et due forme, mais présente l’avantage de prouver l’accord qui existe entre le créateur et son client, et permet ainsi de régler les situations délicates dans lesquelles le client de mauvaise foi refuse de payer la facture finale (en effet, cela permet de faire un référé provision avec de bonnes chances de succès).

Ainsi, il est sage, tant dans un contrat, qu’au bas d’un devis (et éventuellement pas le biais de conditions générales imprimées systématiquement avec chaque devis), de préciser exactement les droits cédés. En effet, il est aussi important pour le client d’avoir le droit d’utiliser la création qu’il a payée que pour le créateur de savoir précisément ce qu’il cède.

Dans une telle optique, il est judicieux de préciser l’usage qui sera fait de la création (droit au respect). Par exemple, dans le cas d’une illustration, il convient de préciser qu’elle ne figurera que dans tel livre, ce qui évite par exemple qu’elle ne serve à une campagne de publicité.

Le problème, pour le client, est que quoi qu’il arrive, il ne pourra jamais acquérir l’intégralité des droits de l’œuvre, les droits moraux restant acquis à l’auteur.

Sur ce point, une précision s’impose. Certes, l’auteur conserve le droit de modifier ou retirer sa création, même si on imagine mal qu’un graphiste souhaite ainsi mettre à néant son propre travail. Mais s’il le fait, il s’expose à ce que son client, qui souvent a construit toute son image de marque sur la création de l’artiste, sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la perte de son identité. Il convient donc d’envisager avec prudence toute décision qui pourrait être ensuite lourde de conséquence.

Enfin, tout créateur doit penser à se munir contre le risque de plagiat. Or, en droit d’auteur, c’est celui qui crée en premier qui détient le droit.

Donc, si vous créez quelque chose à quoi vous tenez particulièrement, ou si votre client vous semple un peu douteux, je recommande vivement un passage à l’INPI (Institut de la propriété Intellectuelle) où pour environ 10 Euros, vous pourrez au moyen d’une « Enveloppe Soleau » donner date certaine à vos créations.

© 2024 Marie Laure Fouché

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