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Étiquette : responsabilité

Responsabilité du Maître d’Ouvrage qui fait réaliser des travaux

Lorsque, en qualité de Maître d’Ouvrage, vous avez fait construire votre maison, ou réalisé de gros travaux, il peut être utile de savoir quelles sont vos responsabilités, notamment dans l’optique d’une vente prochaine.

La question va se poser, peu important que vous ayez fait construire par une entreprise, ou que vous ayez vous même « bricolé » vos travaux.

En effet, le Maître d’Ouvrage qui construit pour lui même, sans être un professionnel, ou celui qui fait construire, est réputé constructeur et redevable de toutes les garanties applicables en la matière.

Cela résulte de l’article 1792-1 du Code Civil, selon lequel:

« Est réputé constructeur de l’ouvrage : (…)

2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire ».

Autrement dit, si vous avez fait construire votre maison ou fait faire des travaux importants, juridiquement, vous serez traité comme un constructeur professionnel.

Notamment, les règles de responsabilités fixées par le Code Civil, et notamment la garantie décennale, traitée ici et , s’appliqueront à votre cas, selon les termes de l’article 1792 du Code Civil:

« Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ».

C’est une lourde responsabilité pour le Maître d’Ouvrage, qui doit la prendre en considération au moment où il vend la maison ainsi construite ou lourdement rénovée.

Ainsi, si vous la vendez avant qu’un délai de dix ans soit écoulé depuis la réception des travaux, en cas de problème, votre acheteur pourra vous attaquer, vous, sur le fondement de la garantie décennale.

Normalement, vous devriez pouvoir être garanti, par l’assurance Dommages Ouvrage que vous avez souscrite, et par les assurances décennales de vos entreprises.

Dans cette hypothèse, au moment de vendre, il suffit d’indiquer toutes les informations utiles de façon à ce que votre vendeur, en cas de problème, s’adresse aux personnes concernées. Mais quoi qu’il en soit, dans ce cas, vous restez, au moins théoriquement, en première ligne.

Mais vous avez une véritable difficulté si vous avez fait construire sans souscrire d’assurance Dommages Ouvrage et si vous n’êtes pas sûr que l’entreprise qui a fait les travaux est bien assurée.

Dans une telle hypothèse, si vous vendez dans le délai décennal et qu’un problème est détecté dans ce délai, votre acheteur se retrouve sans aucune garantie autre que la vôtre, personnelle.

Même si des entreprises ont fait les travaux, vous pourriez vous retrouver à financer les réparations en cas de problème.

Il suffit pour cela que votre acheteur ne puisse pas s’adresser à une autre personne solvable. Or si vous n’avez pas de DO et que votre entreprise n’était pas assurée, aucun assureur ne sera là pour garantir les travaux. Et il est illusoire de compter sur la responsabilité personnelle de votre entreprise, avec le très fort niveau de faillite des entreprises de construction ; c’est ainsi particulièrement risqué.

Pour se prémunir contre une telle éventualité, il est donc très vivement conseillé, lorsqu’on fait des travaux:

  • de sélectionner des entreprises dûment assurées
  • De souscrire une assurance Dommages Ouvrage
  • Si les travaux sont importants, de prendre un Architecte

Et si vous n’avez rien fait de tout cela, peut être d’attendre l’issue du délai décennal pour vendre, même si votre maison n’a aucun problème à votre connaissance.

La force majeure

La force majeureJ’ai déjà abordé dans des articles précédents les caractéristiques de la responsabilité contractuelle, notamment opposée à la responsabilité délictuelle. Il est donc intéressant à présent d’aborder la question de la force majeure.

Je rappelle qu’en matière d’obligation contractuelle, il existe deux obligations, de moyens et de résultat. La première impose de tout mettre en oeuvre pour aboutir au résultat souhaité, mais n’impose pas d’y parvenir. L’obligation de résultat impose de réussir.

Ce deuxième type d’obligation est dont très contraignant pour le co-contractant, et il est naturel qu’il puisse s’exonérer de cette obligation dans le cas de la force majeure.

La force majeure, c’est la survenance d’un événement tel qu’il interdit rigoureusement au co-contractant de réaliser sa part du contrat.

Il faut savoir que pour qu’un événement ait le caractère de force majeure, il doit réunir trois conditions cumulatives.

L’extériorité

La première condition de la force majeure est que l’événement qui la caractérise soit extérieur au co-contractant. Par exemple, il est bien certain que la chute d’une météorite sur le hangar où étaient entreposés les biens objet du contrat a un caractère de parfaite extériorité.

Mais cette appréciation de l’extériorité n’est pas toujours facile. Par exemple, la maladie subie par une personne est inhérente à la personne. Ou encore, une société qui subit une procédure collective de redressement ou liquidation judiciaire ne subit pas un événement extérieur, la faillite étant elle aussi inhérente à la personne morale.

L’imprévisibilité

Il faut que l’événement soit imprévisible. Dans le cas de la chute de météorite, pas de problème.

En revanche, par exemple, pour une société, une grève au sein de ses salariés n’est pas nécessairement imprévisible, surtout si un préavis a été donné.

De même certains événements météorologiques ne sont pas nécessairement imprévisibles, comme une gelée tardive des récoltes. D’une façon générale, s’il existe des moyens techniques permettant de prévoir l’événement, la condition de l’imprévisibilité n’est pas remplie.

L’irrésistibilité

Enfin, dernier critère de la force majeure, il faut que l’événement en cause soit irrésistible, c’est-à-dire que le co-contractant concerné ne puisse strictement rien faire pour y remédier.

Généralement, les phénomènes météorologiques sont considérés comme remplissant la condition d’irrésistibilité : ouragan, foudre, tsunami…

En définitive, le cumul des conditions à remplir et la sévérité de l’appréciation de ces conditions fait qu’il reste très difficile d’invoquer la force majeure pour s’exonérer de sa responsabilité.

 

Responsabilités contractuelle et délictuelle

Responsabilités contractuelle et délictuelle

Il semble qu’un  billet pour permettre de distinguer entre les deux grands régimes de responsabilités contractuelle et délictuelle, en matière de droit civil n’est pas inutile.

Le principe de base est simple : lorsqu’une personne, qu’on va appeler Primus, cause du tort à une autre personne, Secundus, Primus dit indemniser Secundus à raison du dommage qu’il lui a causé.

C’est un grand principe du droit, qui a toute une série d’avantages ; notamment, il permet de régler judiciairement les différends (au lieu d’avoir à sortir la batte de baseball) et il favorise la sécurité juridique.

Ensuite, tout dépend du point de savoir si Primus et Secundus sont liés par un contrat. En effet, la distinction entre les deux grands régimes de responsabilité dépend tout simplement de l’existence, ou non, d’un contrat entre les parties concernées.

En premier lieu, prenons la première hypothèse, la plus simple : il n’y a pas de contrat. Ce sera la responsabilité délictuelle qui s’appliquera. 

Illustrons la par un exemple très simple (et réel) : Primus est en train de réparer son toit. Pour cela il utilise divers outils. A un moment, il pose son marteau, dont il n’a plus besoin momentanément, à côté de lui. Sauf que la zone où il le pose est en pente : le marteau glisse, tombe dans la rue et assomme Secundus en train de passer sur le trottoir.

Secundus est en droit de demander une indemnisation à Primus à raison du préjudice subi (une très grosse bosse s’il a de la chance).

Il s’agit de l’illustration du principe général de responsabilité délictuelle édicté à l’article 1382 du Code Civil, à savoir que : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Engager la responsabilité de Primus sur ce fondement demande que trois conditions soient remplies : qu’il ait commis une faute, qu’un préjudice soit subi, et qu’il existe un lien de causalité entre les deux.

Dans mon exemple, les trois conditions sont réunies : Primus a commis une faute (ou à tout le moins une négligence) en posant son marteau sur une surface inclinée sans le sécuriser, Secundus a subi un préjudice (la bosse) et c’est bien la chute du marteau qui est à l’origine de ce préjudice.

Dès lors, incontestablement, Primus (ou son assureur…) soit indemniser Secundus.

 En second lieu, voyons le cas où il existe un contrat entre Primus et Secundus. Ce sera la responsabilité contractuelle qui s’appliquera. 

Dans ce cas, la responsabilité de chacun se définit par rapport aux obligations contractuelles de l’un envers l’autre. Prenons un autre exemple très simple : Primus est propriétaire d’un appartement, et Secundus est peintre. Les deux parties conviennent que Secundus va refaire les peintures à neuf.

L’obligation de Secundus est donc de refaire les peintures dans le respect des règles de l’art (autrement dit, faire des travaux de qualité) et selon ce qui a été convenu dans le contrat (peindre tout en bleu, comme convenu, et non en noir).

L’obligation de Primus est tout simplement de payer Secundus.

Dans ce cadre, la responsabilité de l’un ou de l’autre peut être engagée s’il ne remplit pas ses obligations : pour Secundus, ce serait le cas où il fait des travaux de mauvaise qualité, ou ne peint pas la bonne couleur ; pour Primus, ce serait le fait de ne pas payer son prestataire.

En définitive, ici, la faute contractuelle est constituée par le fait de ne pas remplir l’obligation que l’on a acceptée. Pour engager la responsabilité de l’autre partie, il faut donc prouver deux éléments : tout d’abord que l’adversaire s’était engagé à telle obligation, et ensuite qu’il ne l’a pas remplie.

Dans ce cas, l’inexécution d’obligation que l’on reproche à la partie adverse se résoudra en dommages et intérêts, selon les termes de l’article 1147 du Code Civil, selon lequel « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

Dès lors, sauf à ce que celui qui n’a pas rempli son obligation démontre que c’est à raison d’une force majeure, il sera condamné à indemniser son co-contractant.

© 2024 Marie Laure Fouché

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