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Étiquette : risque de confusion

Noms de villes, marques et noms de domaine II

J’avais exposé dans un billet précédent les règles applicables en matière de marques reprenant les noms de ville.

Notamment, il fallait retenir que le dépôt à titre de marque du nom d’une ville par un autre titulaire que la commune ne doit pas porter à confusion dans l’esprit du public d’attention moyenne.

Or, la Cour d’Appel de Versailles a récemment rappelé ce principe à l’occasion d’un litige concernant le nom de la ville d’Issy Les Moulineaux.

Les faits sont les suivants. Un particulier, habitant de la ville depuis 1973, a déposé à l’INPI des marques contenant la dénomination « ISSY », à savoir Issy.net, Issytv.com, Issytv.org et Issy.info.

Il a également fondé une association « Issy On Line » ayant pour objet de promouvoir le développement de nouvelles technologies et de permettre à tous d’y accéder.

La ville a alors assigné le particulier en question afin qu’il cesse d’utiliser la dénomination « ISSY ».

La cour d’appel a dès lors considéré qu’une commune :

« Ne peut interdire son utilisation par des tiers et doit la tolérer dès lors que celui qui utilise dans la marque ou le nom de domaine tout ou partie du nom de la commune justifie d’un intérêt légitime à se prévaloir de ce nom, notamment pour y mentionner le lieu où il exerce effectivement son activité et qu’il n’existe aucun risque de confusion avec la marque déposée ou le site officiel de la commune ».

Notamment, la Cour a relevé que le particulier qui exploitait le site s’identifiait clairement et ne revendiquait en aucune façon un quelconque partenariat avec la ville, et qu’en outre les services proposés étaient manifestement non professionnels et non officiels, de sorte que la confusion n’était pas possible.

Chose cocasse, la ville, qui prétendait que le risque de confusion existait entre les deux sites internet, s’est justement fait rétorquer par la Cour qu’au contraire, ce risque n’existait pas, notamment au vu de la différence manifeste des moyens dont disposaient d’une part le site officiel et la ville, et d’autre part un petit site associatif promu par une personne privée.

Noms de villes, marques et noms de domaines

Noms de villes, marques et noms de domainesEn matière de propriété industrielle, il est interdit de déposer une marque qui porterait atteinte au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale. Cette règle est édictée par l’article L711-4 du Code de Propriété Intellectuelle.

En effet, le législateur a considéré que les villes autres collectivités territoriales, à l’instar des personnes privées, ont un nom, une réputation, qu’il convient de protéger. Dans ce cas de figure, la collectivité qui veut empêcher l’enregistrement de la marque doit prouver qu’elle subit un préjudice. Une ville réputée pour ses produits de luxe pourrait ainsi faire obstacle à l’enregistrement d’une marque reprenant son nom pour des produits contraires à son image de marque.

Mais il n’est toujours pas nécessaire que la collectivité prouve l’existence de ce préjudice. En effet, le Code de Propriété Intellectuelle prévoit par ailleurs (article L711-3) que nulle marque ne peut être enregistrée qui serait de nature à tromper le public, notamment sur la provenance géographique d’un produit ou service. Dès lors, point n’est besoin que la collectivité ait subi un préjudice, il suffit qu’elle prouve que la marque risque d’entraîner une confusion dans l’esprit du public.

C’est ainsi que dans une décision récente (Tribunal de Grande Instance de Paris, 6 juillet 2007, 3ème chambre 2ème section), le Tribunal a déclaré nulle la marque « paris-sansfil.org », en raison du risque de confusion qui pouvait se produire dans l’esprit du public entre la marque et la ville de Paris, au motif que cette dernière intervient activement dans le domaine des nouvelles technologies, alors que la marque litigieuse émane d’une association sans rapport aucun avec la ville de Paris.

C’est pour les mêmes raisons (bien que sur le fondement juridique différent de la responsabilité délictuelle) que le Tribunal a ordonné à l’association en cause de modifier ses noms de domaine comportant les termes « Paris-sansfil », de même que sa dénomination sociale.

Ainsi, il convient d’être vigilant dans le choix d’une marque ou d’un nom de domaine qui reprendrait un nom géographique. En effet, il y a fort à parier que la collectivité territoriale concernée n’apprécie pas qu’un tiers s’approprie – même en toute bonne foi – son nom et la réputation qui peut y être attachée.

Dans le doute, il est préférable de consulter un spécialiste qui donnera toutes précisions utiles et évaluera le niveau de risque d’une telle démarche.

© 2024 Marie Laure Fouché

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