Avocat en construction et copropriété

Année : 2011 (Page 2 of 2)

Du bon usage du verbe « stipuler »

« Stipuler », c’est un mot qui a un peu la classe américaine. Tout le monde aime bien l’utiliser quand ça parle de droit, ça fait chic : « la loi / le contrat / le jugement stipule… ». 

Ce qui est dommage, c’est que ce mot a un sens bien défini, et que lorsqu’on a la malchance de l’utiliser à mauvais escient face à quelqu’un qui en connaît le véritable sens, ça fait un peu désordre. 

Donc, essayons de l’utiliser à bon escient. 

« Stipuler », selon le dictionnaire juridique de Serge Braudo, est « est le fait par une ou plusieurs personnes de fixer par écrit l’objet et la portée de leurs engagements ». 

Autrement dit, la stipulation n’a de sens que dans un document où quelqu’un précise ce à quoi il s’oblige. Souvent, on parle de « stipulation contractuelle » puisque dans un contrat, chacune des parties précise ce à quoi elle s’engage. 

Ainsi une stipulation est toujours le fait d’une personne, et se rapporte à ses obligations. 

Donc Primus peut stipuler qu’il s’est engagé par écrit à livrer un bien à Secundus. Mais Primus ne stipule pas qu’il a bien envie de manger une pizza ce midi (même si je suis consciente que le verbe stipuler est rarement utilisé en ce type d’occasions). 

Donc, maintenant vous aurez compris pourquoi une loi, ou un jugement ne stipulent pas, puisque ces écrits ne précisent pas leurs engagements. La loi précise les engagements des autres, le jugement prononce des condamnations. 

Si vous voulez évoquer un texte de loi, ou une quelconque règle, utilisez donc les termes : «énonce», «précise», «dispose». 

Et voilà de quoi meubler avec panache cinq minutes d’un dîner en ville.

Le Juge ne peut accorder plus que ce qui lui a été demandé

5DF00592-F3C2-44B1-B9F5-68B8FFFF4683.image_600Comme je l’avais expliqué dans une série de billets voici déjà trois ans, le travail du Juge consiste essentiellement à appliquer une qualification juridique à des faits qui lui sont présentés. 

Si on lui dit : « Primus, qui s’ennuyait, s’amusait à jeter des cailloux au dessus de la haie de son jardin et Secundus, qui passait dans la rue juste derrière, s’en est pris une en pleine figure et a perdu un oeil », le Juge, après s’être assuré que cet exposé des faits correspond à la réalité, va en conclure que Primus a causé une faute délictuelle qui a causé préjudice à Secundus, qui est bien fondé à en demander réparation. 

Donc le Juge, après avoir vérifié la véracité des faits, leur applique le droit. 

Certes, en principe le Juge peut requalifier les fondements juridiques qui lui sont proposés. Par exemple, si Secundus vient se plaindre de Primus, sans préciser qu’il agit sur le fondement délictuel, le Juge va certainement suppléer au raisonnement juridique. 

Il dispose ainsi d’une certaine liberté de ce chef. 

Mais en revanche, le Juge ne peut jamais accorder plus que ce qui lui a été demandé. 

Reprenons notre exemple. 

A cause de Primus, Secundus ne voit plus que d’un oeil. 

Il demande donc au Juge que Primus l’indemnise et rembourser les frais médicaux qu’il a exposés, et demande aussi le remboursement de la superbe paire de Ray Ban neuves qu’il venait d’acheter et qui a été brisée net. 

Mais supposons que Secundus se contente de demander cela, et ne demande pas d’indemnisation complémentaire pour l’invalidité permanente qui lui est causée, pour la durée de son arrêt de travail, ou par exemple, pour le préjudice d’agrément qu’il subit (disons qu’il était tireur de compétition, ce qui lui est désormais impossible). 

Le Juge en aucun cas ne pourra accorder quoi que ce soit que Secundus n’ait pas préalablement demandé. Le Juge peut ainsi accorder au plaignant toutes ses demandes, mais rien que ses demandes, pas plus. 

On dit ainsi que le Juge ne statue pas « ultra petita », au delà de ce qui a été demandé (du latin « petere », qui a donné « pétition »). 

Il est donc prudent de bien préciser toutes ses demandes lorsqu’on se présente en justice. 

Photo par Bark

Licence Creative Commons

Vente, vice caché et exclusion de garantie

Vente, vice caché et exclusion de garantieLe présent billet va essentiellement s’adresser à ceux qui ont acheté un bien immobilier, mais il faut garder à l’esprit que cela demeure valable pour tout type de vente. 

Je souhaite ainsi aborder, brièvement, la question des vices cachés du bien vendu, et tout particulièrement de l’exclusion de garantie qui peut-être convenue. 

En effet, ceux qui ont acheté un bien immobilier savent que généralement, au détour de l’acte notarié, se cache une clause indiquant que le vendeur est déchargé de tout vice même caché qui affecterait le bien. Et nombreux sont ceux qui, une fois l’achat fait, se mordent les doigts d’avoir accepté cette clause, à raison des dommages qu’ils constatent a posteriori. 

Evacuons tout de suite un point : l’acheteur n’aurait très certainement pas été en mesure d’éviter que cette clause ne soit inscrite. En effet, sauf à ce que l’acheteur soit en importante position de force par rapport au vendeur, celui-ci voudra toujours inscrire cette limitation qui est susceptible de lui éviter bien des tracas par la suite. C’est une clause de style, pour une vente immobilière elle ne sera que très rarement omise. 

Rappelons à présent le fonctionnement de la garantie des vices cachés : elle bénéficie à l’acheteur d’un bien qui présente un tel défaut caché que l’usage du bien est impossible, ou tellement diminué que l’acheteur, s’il avait connu le défaut, soit ne l’aurait pas acheté, soit l’aurait acheté moins cher. 

Il faut donc que le défaut soit caché ; le défaut apparent est réputé accepté par l’acheteur. 

En principe, le vendeur est donc tenu d’indemniser l’acheteur pour tous les défauts cachés de la chose qui diminuent de façon importante l’usage de la chose ou le rendent impossible, même s’il ignorait ce défaut. 

C’est là qu’arrive la clause habituellement insérée dans les actes notariés de vente d’immeuble. 

En effet, le Code Civil dispose que dans le cas où le vice caché n’est pas connu du vendeur, celui-ci peut contractuellement stipuler qu’il ne sera pas tenu à la garantie. 

Si l’on traduit, voilà ce que ça veut dire : le vendeur qui ignore tout des éventuels vices cachés a le droit de se décharger de la garantie. Autrement dit, le vendeur de bonne foi, persuadé que son bien est exempt de vices cachés, prend alors la précaution de s’exonérer de la garantie qui pourrait lui être demandée si par la suite, d’aventure, l’acheteur découvrait un vice. 

Dès lors, la bonne foi du vendeur est essentielle. S’il écarte dans l’acte notarié toute garantie de vice, et ce parce qu’à sa connaissance, il n’y en a pas, la clause d’exclusion de garantie est parfaitement valable. 

A l’inverse, si le vendeur connaissait l’existence du vice, la clause d’exclusion de garantie insérée dans l’acte est nulle. 

Reste pour l’acheteur à rapporter la preuve – et ce n’est pas toujours évident – que le vendeur était conscient de l’existence du vice caché.

Dans ces conditions, si l’acheteur, victime de manoeuvres du vendeur, parvient à prouver que celui-ci lui a caché des vices dont il avait connaissance, il est fondé à demander soit une diminution du prix, soit le remboursement du prix, concomitant avec la restitution du bien. Des dommages et intérêts sont même envisageables. 

Autrement dit, ce n’est pas parce que votre vendeur vous a caché des choses, voire vous a induit en erreur, tout en insérant une clause d’exclusion de garantie, que vous ne pourrez jamais rien réclamer et que vous serez piégé. 

Photo par metaphoricalplatypus.com

Licence Creative Commons

Les autres copropriétaires doivent-ils payer à la place de celui qui refuse de régler ses charges ?

Il est malheureusement fréquent, dans les copropriétés, que certains ne paient pas leurs charges. Généralement, cela entraîne à leur encontre une action en recouvrement engagée par le syndic au nom du SDC, sans qu’il y ait besoin d’autorisation en Assemblée Générale

Est-ce à dire que les copropriétaires qui s’acquittent de leurs dettes envers la copropriété doivent pallier la carence de celui qui refuse de régler? 

Sur le principe, aucunement. En effet, les charges de copropriété ne font l’objet d’aucune solidarité entre copropriétaires ; chacun paie uniquement ce qu’il doit personnellement.

En revanche, la difficulté est que ce défaut de règlement de charges peut, à terme, mettre en danger la copropriété. 

Par conséquent, l’Assemblée Générale peut décider de répartir les sommes entre les autres copropriétaires, si aucun autre moyen n’a été trouvé (faire vendre l’appartement et se payer sur le prix, faire opposition entre les mains du notaire sur le prix de vente si l’appartement a été vendu à l’initiative du copropriétaire…)

En revanche le syndic n’a pas le droit de faire un appel de fonds, de sa propre initiative, pour combler le vide. 

En outre, il est possible, en cas de difficulté, que l’Assemblée Générale vote un appel de fonds afin de pallier l’absence de fonds, le temps que les procédures de recouvrement portent leurs fruits, étant précisé que par la suite, cet appel de fonds sera remboursé aux copropriétaires par déduction sur ses charges.

Soyez prudents avec les condamnations provisionnelles dont vous bénéficiez

1424C78E-E82A-4E46-9FEC-5A314A903FFB.image_600Il faut rappeler qu’en matière de référé, toute décision est par essence provisoire ; j’ai déjà évoqué ce point dans ce billet

Autrement dit, ce n’est pas parce que vous avez une décision prise en référé que celle-ci est irrévocable. 

Or le problème se pose avec une acuité particulière lorsque vous êtes partie gagnante à un référé, que vous avez perçu des sommes de ce chef et vous demandez si vous pouvez les utiliser librement. Sur le principe, oui, mais il existe toujours un risque que vous ayez à les rendre, entièrement ou partiellement. 

Il faut d’ailleurs observer que l’ordonnance de référé précise toujours que la condamnation est provisionnelle. 

Passons en revue quelques exemples. 

Premier exemple, une décision de référé peut faire l’objet d’un appel, comme presque toutes les décisions de justice. Donc la décision rendue par la Cour d’Appel peut-être différente de celle rendue en première instance. 

Si vous avez bénéficié d’une condamnation de 10.000 Euros en première instance, et que cette condamnation a été ramenée à 5.000 Euros en appel, vous n’avez droit au final (sauf pourvoi en cassation, mais c’est une autre histoire) qu’à 5.000 Euros. 

Autrement dit, si on vous a déjà versé les 10.000 Euros, il faut en rendre 5.000. Donc, premier conseil, si vous percevez des sommes, et que le référé fait l’objet d’un appel, attendez l’issue de l’appel pour les dépenser, vous aurez peut-être à les rendre. 

Notez que ce conseil est aussi valable pour toute condamnation réglée suite à un jugement de première instance. Tant que le délai pour faire appel n’est pas écoulé, ou, si appel il y a, qu’il n’est pas jugé, il est fort imprudent de dépenser les sommes allouées. 

Second exemple, après une décision de référé, l’affaire est rejugée entre les mêmes parties, et fait donc l’objet d’un nouveau référé. 

En effet, comme la décision de référé est par définition provisoire, si on peut faire valoir un élément nouveau, il peut y avoir un nouveau procès. 

Là il est difficile de faire des pronostics. L’élément nouveau peut ne pas arriver immédiatement, mais plusieurs mois après la première décision… Là aussi il faut faire preuve de prudence dans l’emploi des condamnations payées. Il vaut mieux interroger son avocat qui saura vous donner des conseils en fonction de votre cas particulier. 

Troisième exemple, après qu’une décision de référé ait été rendue, une des parties décide de porter l’affaire au fond. Dans ce cas, l’affaire est entièrement rejugée, dans toute sa complexité, peu important ce qu’a décidé le Juge des référés. 

Il est des lors possible que la condamnation de la partie A qui profitait à la partie B, et qui a été payée par A à B, soit annulée ou modifiée à la baisse. B devra alors rembourser A, totalement ou partiellement selon les termes du jugement. 

Certes, si une condamnation a eu lieu en référé, il y a de bonnes chances qu’elle ne soit pas remise en cause par la suite, puisqu’en principe le Juge de condamne que s’il considère l’obligation évidente. 

Il n’est toutefois pas impossible que ce qui est évident ne le soit plus du tout, si de nouveaux éléments contraires sont communiqués par la suite. 

Il est donc conseillé de se montrer très prudent avec les sommes qui sont versées. Il serait dommage d’avoir à faire un prêt bancaire pour les restituer si le vent tourne…

Une fois le procès au fond engagé, il devient souvent impossible d’engager un référé.

Un procès au fond engagé interdit de faire de référéLa problématique est la suivante : une partie est engagée dans un procès au fond. (J’ai déjà exposé dans ce billet la différence entre la procédure au fond et le référé). Pour une raison quelconque, une des parties au procès au fond veut engager un référé. 

Plusieurs motivations peuvent justifier cette nouvelle procédure. Par exemple, la partie souhaite faire désigner un Expert judiciaire, demander une condamnation provisionnelle… Toutes choses qui en principe se font, généralement, dans le cadre du référé. 

Toutefois, la règle est que si vous êtes déjà engagé dans une procédure au fond devant le Tribunal, vous ne pouvez plus engager de référé. 

Enfin… presque. La règle vaut pour le Tribunal de Grande Instance, pas pour les autres juridictions. 

En effet, vous vous souvenez que devant le Tribunal de Grande Instance, l’affaire suit diverses audiences de procédure (c’est la « Mise en Etat ») présidées par un Juge de la Mise en Etat. 

Or le Code de Procédure Civile précise, lorsque ce Juge est désigné, qu’il devient seul compétent pour allouer une provision au créancier, ordonner toutes mesures provisoires ou encore ordonner toutes mesures d’instruction et notamment une expertise. 

Ce qui veut dire qu’une partie importante du contentieux du référé, consistant à faire ordonner des expertises, demander des condamnations provisionnelles, ou demander des mesures provisoires, passe entre les mains du Juge de la Mise en Etat lorsqu’il est saisi de la procédure au fond.

Donc, en conclusion, ça ne veut pas dire que les possibilités d’actions offertes par le référé sont soudain fermées, mais que c’est devant ce Juge qu’il faut faire la demande. 

Enfin, je rappelle que ceci ne concerne que le Juge de la Mise en Etat. Par définition, donc, ce mécanisme ne s’applique que lorsqu’un tel Juge est désigné. Autrement dit, la procédure de référé reste ouverte lorsque l’instance au fond n’a pas donné lieu à la désignation de ce Juge. 

Dernière observation : attention, tout de même, en matière d’expertise. En principe, lorsqu’on sollicite une expertise devant le Juge des référés, c’est « avant tout procès ». Donc, même si aucun Juge de la Mise en Etat n’a été désigné dans le cadre de l’instance au fond (par exemple parce que vous êtes devant le Conseil de Prud’hommes) la demande d’expertise en référé n’est pas nécessairement recevable, car on n’est plus « avant tout procès ». 

 

Comment faire exécuter une reconnaissance de dette?

20A2EA6C-9AEE-45A7-930A-FA3F16DB933C.image_600Un récent commentateur me demandait selon quelles modalités l’huissier peut faire recouvrer une reconnaissance de dette. 

Il m’a semblé utile de faire un billet sur la question. En effet, il y a manifestement une confusion sur ce point. 

Rappelons que l’huissier a notamment pour attribution de permettre l’exécution des décisions de justice. Pour cela ils ont le droit de demander l’assistance de la force publique (commissaire de police, serrurier, maître chien…) 

Toutefois, l’huissier ne dispose pas de ce pouvoir de contrainte pour l’exécution des actes privés conclus entre particuliers. Typiquement, il est là pour mettre en exécution les décisions de justice qui peuvent être exécutées, soit qu’elles soient définitives, soient qu’elles bénéficient de l’exécution provisoire

Or la reconnaissance de dette réalisée entre deux particuliers n’a pas valeur de décision de justice, elle a seulement valeur de preuve. Cela signifie que devant un Tribunal, le créancier pourra s’appuyer dessus pour faire constater que la dette existe bien. 

Et pour cela encore faut-il, de préférence, que les formes nécessaires, édictées par le Code Civil, soient respectées, c’est-à-dire la signature de celui qui souscrit l’engagement, et la mention manuscrite de la somme en chiffres et en lettres. 

Par conséquent, il est illusoire pour celui qui a une reconnaissance de dette de la remettre à un huissier en espérant que ce dernier contraindra le débiteur à payer. 

Il est nécessaire d’engager une action en justice, qui peut-être un référé si tout est parfaitement clair, ou une action au fond si c’est plus complexe. 

Photo par Tambako the Jaguar

Licence Creative Commons

La différence entre le fond et le référé

67169D35-777E-4475-BDD1-B3C5468C5A30.image_600La procédure de référé a déjà fait l’objet d’un certain nombre de billets, et notamment celui-ci et celui-là

Dans d’autres billets, j’évoque le « juge du fond ». Il me semble qu’il est temps d’approfondir un peu la différence entre ces deux notions. 

Il faut d’abord savoir que sur le principe, la saisine du juge du fond est la procédure « normale » et le référé, l’exception. 

Le référé existe afin de pouvoir juger rapidement les affaires urgentes, ou bien celles présentant un caractère d’évidence suffisant pour qu’il soit admissible que le délai de préparation soit abrégé. 

Il s’agit en principe d’affaires simples qui peuvent donner lieu à une décision rapide. Et comme l’examen du dossier a été rapide, la décision n’a qu’une autorité provisoire. 

Pour comprendre l’importance de cet élément, il faut s’arrêter un instant sur la notion d’autorité de la chose jugée. Cette notion signifie qu’une fois qu’une affaire a été jugée, c’est fini, on ne peut plus demander qu’elle soit jugée de nouveau. Autrement dit, une fois qu’une décision est rendue, et que le délai de recours (appel, opposition, pourvoi en cassation…) est expiré, cette décision est irrévocable. Elle a l’autorité de la chose jugée. 

Le référé n’a pas cette autorité. Toute décision de référé est essentiellement provisoire. Cela veut dire que si un élément nouveau survient, une nouvelle décision de référé peut-être obtenue. Cela signifie également que, même en l’absence d’élément nouveau, la même affaire qui a donné lieu à une décision de référé peut faire l’objet d’un jugement au fond. 

Une décision au fond, c’est une décision rendue par un juge qui aura examiné le dossier dans ses moindres recoins. Autrement dit, à fond… 

Non pas que le juge des référés n’examine les choses que superficiellement. Mais soit la chose est évidente, et il se prononce, soit elle ne l’est pas – il faut aller au fond des choses – et le juge des référés refuse de se prononcer et invite les parties à saisir le juge du fond. En définitive, le juge des référés a interdiction d’aller plus loin que l’évidence. 

Donc le juge du fond, lorsqu’il est saisi, ne va pas s’arrêter à l’évidence. Naturellement, si le dossier est évident, il se prononcera. Mais il a aussi compétence pour prononcer une condamnation dans un dossier compliqué, où la demande qu’il va accueillir n’est pas évidente à première vue, mais, disons, fondée à seconde vue. 

La décision au fond, elle, a l’autorité de la chose jugée et, une fois les voies de recours épuisées ou les délais passés, elle est gravée dans le marbre. 

Cela signifie par exemple que la partie qui a perdu en référé peut aller saisir le juge du fond pour qu’il examine de nouveau le dossier au delà de l’évidence, et que cette partie peut gagner au fond après avoir perdu en référé. 

Photo par Claire 1066

Licence Creative Commons

Le syndic n’a pas besoin d’être habilité par l’Assemblée Générale pour agir en justice en recouvrement de charges de copropriété

B54C1114-99DC-4EEC-85DB-2B0228287874.image_600J’avais évoqué dans un précédent billet le fait que pour agir en justice le syndic de copropriété doit être habilité par une décision prise par le Syndicat des Copropriétaires en Assemblée Générale. 

Je précisais déjà dans cet article que cette habilitation est nécessaire pour les instances au fond , pas pour les référés.

Approfondissons un peu. 

La question de l’habilitation du syndic est réglée par l’article 55 du décret du 17 mars 1967, pris pour l’application de la loi de 1965 sur la copropriété. Cet article dispose : 

« Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale.

Une telle autorisation n’est pas nécessaire pour les actions en recouvrement de créance, la mise en oeuvre des voies d’exécution forcée à l’exception de la saisie en vue de la vente d’un lot, les mesures conservatoires et les demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés, ainsi que pour défendre aux actions intentées contre le syndicat. 

Elle n’est pas non plus nécessaire lorsque le président du tribunal de grande instance est saisi en application des premiers alinéas des articles 29-1A et 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 ou du premier alinéa de l’article L. 615-6 du code de la construction et de l’habitation.

Dans tous les cas, le syndic rend compte à la prochaine assemblée générale des actions introduites ».

Cela signifie que la règle absolue est l’obligation d’autorisation par le Syndicat des Copropriétaires. Mais comme toute règle, elle souffre des exceptions. Il s’agit donc des exceptions mentionnées au second alinéa de l’article : 

– les recouvrements de créance, 

– les voies d’exécution forcées (sauf la mise en vente d’un lot), 

– les mesures conservatoires

– les demandes en référé, 

– les demandes relatives aux copropriétés en difficulté. 

La question est donc de savoir si le syndic qui veut recouvrer des charges de copropriété doit demander l’autorisation. 

Or on a vu qu’il n’en a pas besoin pour les recouvrements de créance. Question : les charges de copropriété sont-elles des créances au sens de cet article ? 

La réponse est oui : les charges de copropriété sont une créance de sorte que le syndic peut agir sans autorisation de l’Assemblée Générale. 

Par conséquent, si vous êtes copropriétaire débiteur du Syndicat des Copropriétaires et ne payez pas vos charges, n’espérez pas que le syndic devra attendre une autorisation en Assemblée Générale pour agir contre vous. 

Enfin, pour être complet sur la question de l’habilitation du syndic, il faut souligner que si le Syndicat des Copropriétaires est défendeur à une action, il n’a pas besoin d’être autorisé. Et pour cause : l’autorisation concerne l’action en justice, qui en par définition une demande, et pas la défense. 

Photo par Ceni Photography 

Licence Creative Commons

Quelle efficacité pour un protocole transactionnel ?

29992C7D-DAE2-4330-8363-63B204D94C5E.image_600J’évoquais dans un récent billet le fait qu’il était intéressant, dans la mesure du possible, de régler un litige par un accord transactionnel, et ce parce qu’il permettait une solution plus rapide et efficace

Mais, une fois le protocole signé, que se passe t’il ? Et les parties peuvent-elles se passer d’un avocat ? 

Pour ce qui est de l’avocat, la réponse est simple : oui, les parties peuvent s’en passer, mais ce n’est pas conseillé. Ma réponse n’est pas dictée par un réflexe corporatiste, mais procède d’un constat. 

Un protocole d’accord, pour être valable, doit respecter un certain nombre de règles édictées dans le Code Civil. A défaut, il peut être annulé. Je doute que les parties à un procès, sauf à être juristes, ne connaissent les éléments nécessaires à la validité du document. Donc, se passer d’un avocat se fait à ses risques et périls. 

J’ai eu à plusieurs reprises l’occasion d’examiner des protocoles d’accord dressés par des particuliers. Si l’idée générale était compréhensible dans la plupart des cas, en revanche, les règles de validité du protocole n’étaient pas toujours au rendez vous. Bref les projets qui m’étaient soumis ne présentaient pas un niveau de sécurité juridique satisfaisant, et généralement il me fallait les réécrire pratiquement en intégralité. 

Donc il est préférable d’avoir un avocat, en termes de sécurité juridique. 

En revanche, le fait qu’un avocat ait aidé à la conclusion d’un accord ne lui confère pas, en soi, une valeur plus importante que s’il n’était pas intervenu. 

D’abord, l’avocat n’est pas partie au protocole, il ne le signe pas. Tout au plus garde t’il un original à son dossier. 

En revanche, il faut savoir qu’un protocole a valeur de jugement entre les parties, et qu’il est possible par une procédure d’homologation de le « transformer » en jugement avec force exécutoire. 

Si, après avoir conclu un protocole, vous craignez ainsi qu’il ne soit pas honoré, le plus simple est donc de le faire homologuer, de sorte que le document aura force de jugement. 

Photo par Snake3yes

Licence Creative Commons

Jugement, ordonnance, exécution provisoire : astuces de compréhension et de stratégie

L’examen d’une décision de première instance permet souvent de déterminer la suite probable de la procédure, et notamment d’évaluer les chances que l’affaire soit soumise à la Cour d’Appel. 

L’exécution provisoire est alors une question centrale. Je vous invite à lire le billet qui lui est consacré

Pour rappel, l’exécution provisoire qui assortit une décision de justice signifie que même si un recours est formé, on peut avoir le plein effet de la décision, et notamment obtenir le règlement des sommes objet des condamnations. 

Tout d’abord, rappelons que sauf en référé, où l’exécution provisoire est de droit (c’est-à-dire qu’elle intervient toujours, sans qu’on ait besoin de la demander) il faut toujours la demander, et en justifier l’opportunité. 

Rappelons aussi qu’en matière prud’homale, les condamnations portant sur des salaires sont toujours assorties de l’exécution provisoire (heureusement…) 

Supposons maintenant que vous avez une décision qui bénéficie de l’exécution provisoire. Si les condamnations vous profitent, cela signifie que vous pouvez immédiatement réclamer le paiement, si besoin est par voie d’huissier. 

Si la condamnation est contre vous (vous devez payer des sommes d’argent, ou exécuter une prestation) il faut donc savoir que vous serez obligé de payer, même si vous faites appel. 

Donc si votre dossier n’est pas si bon, et que l’appel a de bonnes chances de donner le même résultat que la première instance, le fait de faire appel ne vous permettra pas de gagner du temps. 

Autrement dit, l’intérêt de l’appel – qui entraîne quand même des coûts pas totalement négligeables – est très fortement diminué. Dans ce cas là, autant payer et en finir… Il n’est donc pas très utile stratégiquement, de faire appel, sauf si on pense véritablement avoir une chance de gagner (ou de perdre moins) en appel. 

Donc si vous avez gagné le procès, et que vous avez l’exécution provisoire, vous savez que votre adversaire a peu de chances de faire appel si son dossier n’est pas très bon. En revanche si son dossier reste bon (et que votre victoire s’est jouée de peu…) les chances qu’il fassent appel restent élevées. 

Soulignons dans ce cas que si appel est interjeté, et que le débiteur ne paie pas ce qu’il doit, vous pouvez faire radier son appel. Autrement dit, il ne pourra continuer la procédure d’appel que s’il paie. 

Enfin, exception à la règle, si votre adversaire arrive à démontrer que l’exécution de ses obligations, malgré l’existence d’un appel, risque d’avoir des conséquences manifestement excessives, l’exécution provisoire peut être tout de même suspendue jusqu’à l’issue de l’appel. Dans certains cas, c’est parfaitement justifié ; par exemple, le cas où la condamnation implique la destruction d’une maison ou l’expulsion d’un locataire. Même s’il gagne en appel, le plaideur aura tout perdu : il ne pourra pas récupérer sa maison détruite, ou réintégrer les lieux, sans nul doute loués à d’autres. Pour obtenir la suspension de l’exécution provisoire, il faut toutefois mettre en oeuvre une procédure spécifique. 

Voyons maintenant ce qui se passe s’il n’y a pas d’exécution provisoire. 

En cas d’appel, tout est arrêté jusqu’à l’issue de la procédure d’appel. Autant dire qu’il vaut mieux faire courir très vite les délais d’appel et prier pour qu’il ne se passe rien

Donc si la décision n’est pas assortie de l’exécution provisoire, les chances qu’il y ait un appel sont bien plus importantes puisqu’outre la possibilité que la décision d’appel soit plus favorable au perdant, cela lui offre automatiquement un délai non négligeable. 

Ce n’est pas pour autant une raison pour faire systématiquement appel, peu important la qualité du dossier. Faire appel avec un dossier très mauvais, c’est s’exposer à perdre de nouveau, voire davantage, tout en payant à l’adversaire ses frais d’avoué (de façon certaine), ses frais d’avocat (de façon probable) et parfois même des dommages et intérêts pour procédure abusive. 

Prudence, donc.

Délai de l’après-expertise

Délai de l'après expertiseA la demande générale (ou presque) voici un article qui traite des suites de l’expertise judiciaire, déjà abordées dans ce billet, mais davantage sous l’angle des délais. 

Comme je l’indiquais dans mon précédent billet sur les suites de l’expertise judiciaire, sauf à abandonner toute procédure (par exemple parce que l’expert a donné tort aux demandeurs… oui, ça arrive), il existe deux possibilités: la solution amiable et la solution judiciaire. 

La solution amiable

Concernant la solution amiable, c’est variable. Mais cela reste tout de même la solution la plus rapide. Si vous avez en face de vous des gens réactifs et pas trop de monde en cause, un accord peut se conclure en un ou deux mois, règlement compris; cela peut aller plus vite, toutefois, en cas d’urgence (quinze jours…)

Parfois en revanche, la solution amiable est longue. Cela peut arriver soit parce que les négociations durent. Par exemple j’ai vu un cas où tout le monde était d’accord pour le principe de la solution amiable, mais plusieurs mois ont été nécessaires pour négocier précisément les modalités. Il faut savoir que dans ce type de cas, sauf péril en la demeure (et encore…) l’ensemble de la négociation va se faire par courrier, et je peux vous dire par expérience que ça ne se passe pas si rapidement. 

En outre, une fois l’accord trouvé, il faut encore que tout le monde signe le protocole. Là aussi, ça se passe généralement par courrier. Autrement dit, l’avocat A fait signer à son client. Puis il envoie à l’avocat B qui envoie le document à son client (au pire) ou fait venir son client à son cabinet pour le faire signer directement (au mieux). Je vous laisse imaginer la vitesse du processus si ça se passe en été… Au pire du pire, il m’est arrivé qu’un protocole, signé par presque tout le monde, soit perdu par la poste entre l’avocat Z et son client… Je vous laisse imaginer l’angoisse, il a fallu refaire toutes les signatures à partir de zéro. Enfin, on y est arrivé mais les demandeurs devaient s’impatienter un peu. 

Autre solution, la procédure. On peut agir en référé, ou au fond. 

Le référé

Comme je l’expliquais dans des billets précédents consacrés au référé, il s’agit de procédures rapides, où le juge statue selon l’évidence. Il n’y aura condamnation que si l’affaire présente ce caractère d’évidence. Autant dire qu’il ne faut tenter cette procédure que si le rapport d’expertise est clair et facilement exploitable (malheureusement ce n’est pas toujours le cas). 

En termes de délais, il faut compter au moins un mois entre le moment où votre avocat finalise le projet d’assignation, et l’audience. Ce délai est en effet nécessaire pour faire signifier l’assignation, parfois à plusieurs défendeurs, et pour leur laisser un délai raisonnable pour se préparer. 

Vous allez me dire : mais pourquoi laisser aux adversaires tout ce temps ? Eh bien, en raison du principe du contradictoire. Chacun doit avoir le temps d’examiner les arguments qui sont présentés contre lui, et d’y répondre. Si on ne laisse pas un délai assez important entre l’assignation et le moment de l’audience, il y a de fortes chances que l’affaire soit renvoyée à une date ultérieure. A Paris, par exemple, ce ne sera jamais moins d’un mois. 

D’ailleurs, quand on parle de renvoi, il faut savoir que statistiquement, l’affaire fera souvent l’objet d’un renvoi. Parce qu’un confrère a été saisi deux jours avant l’audience par son client, ou parce qu’il est indisponible ce jour-là… Dans ces conditions, le renvoi sera accordé dans 95% des cas et ce n’est pas vraiment la peine de s’y opposer (sauf motif grave), donc autant s’incliner gracieusement. 

Dans ce cas, nous en sommes donc à, facilement, deux mois entre l’assignation et la date de la plaidoirie. 

Une fois l’affaire plaidée, il faut compter environ un mois pour avoir la décision (rarement moins). 

Puis quelques jours de plus pour obtenir le texte de la décision. A partir de ce moment, si la décision est favorable (entendez : vos adversaires ont été condamnés à vous verser des sous), soit l’adversaire paie sans se faire prier (fréquent avec des compagnies d’assurance, moins avec les autres parties…) soit il faut faire une exécution forcée à leur encontre, par huissier, en vertu de la décision rendue. Là les délais sont variables au cas par cas. Cela peut mettre moins d’un mois comme bien plus longtemps. 

Je sais, c’est long tout ça. Mais moins que si on fait une procédure au fond… 

La procédure au fond

Tout d’abord il faut rédiger l’assignation. Si l’affaire est compliquée, comptez quelques heures de travail. Pour une de mes assignations les plus lourdes, avec des désordres multiples et une argumentation qui devait être solide, il m’a fallu environ 15 heures. Bref, deux jours de travail environ consacrés à la chose. 

Puis on fait signifier et une fois que l’huissier nous retourne l’assignation signifiée avec toutes les mentions officielles, il faut aller la déposer au tribunal (c’est le « placement »). C’est ce placement qui informe le tribunal de ce qu’un litige est engagé. Et là, on attend la convocation à la première audience de procédure. 

Pour plus de détails sur la procédure devant le Tribunal de Grande Instance (c’est souvent celui qui est saisi) je vous conseille la lecture de ce billet

Mais, en gros, voilà comment ça se passe : une première audience de procédure a lieu, pendant laquelle le juge regarde si tout le monde a bien un avocat et si les pièces ont été correctement communiquées par le demandeur. A l’audience suivante (deux à trois mois plus tard) les défendeurs devront formuler leur argumentation sous forme de conclusions. S’ils ne le font pas, l’affaire fera l’objet d’un ou deux renvois. Compter trois à six mois de plus. 

Puis le demandeur doit répondre aux arguments adverses. Hop, deux à trois mois de plus. Puis le juge s’assure que tout le monde a échangé son argumentation. Je vous laisse imaginer la durée du processus quand il ya quatre ou cinq parties, voire une douzaine comme cela arrive dans les dossiers un peu compliqués. 

Une fois que tout le monde a formulé ses arguments, la phase de procédure est clôturée. Ne comptez pas moins d’un an entre la date de l’assignation et cette clôture. Généralement, il faut plus de temps. 

Puis l’audience est fixée, généralement quelques mois après la clôture (eh oui, l’encombrement des tribunaux n’est pas un vain mot). Par exemple, j’ai eu récemment une clôture en décembre 2010. La plaidoirie est en mai… 

Une fois l’affaire plaidée, il faut attendre deux à trois mois la décision. Et à ce moment, on peut soit exécuter la décision (et les explications que je formulais sur le référé s’appliquent ici) ou bien… on est reparti pour un tour devant la Cour d’Appel. Pour plus de détail sur la question, je conseille ce billet

Et voilà pourquoi votre fille est mue… heu, pardon, voilà pourquoi je conseile les solutions amiables.

Des sommes peuvent-elles transiter par l’avocat mais hors de la CARPA ?

Dans un précédent article, j’expliquais le fonctionnement de la CARPA, qui permet à l’avocat de procéder à des maniements de fonds dans les dossiers que lui confient ses clients. 

Toutefois, il faut souligner que parfois, on peut remettre des sommes à un adversaire sans passer par la CARPA. Celle-ci est incontournable seulement si l’avocat procède à un maniement de fonds. 

Dans un souci de célérité, et si aucune mesure compliquée ne doit être prise (ventilation des sommes versées entre plusieurs bénéficiaires, prélèvement d’honoraires…) le client de l’avocat peut adresser à ce dernier un chèque directement libellé à l’ordre de l’autre partie. L’avocat ne fait donc aucun maniement des fonds, et se contente d’adresser le chèque tel quel à l’adversaire. 

C’est une solution qui peut être opportune dans des cas simples où la célérité est requise. Il vaut mieux éviter d’en faire une habitude, toutefois, et il est préférable, pour des raisons de transparence, de tout faire transiter par la CARPA.

Heureusement, le bon sens et l’équité ne sont pas le droit !

AD15C733-8B8D-45D0-99B1-DC33991B9B53.image_600-2Ce titre peut paraître étonnant, voire un peu scandaleux. « Comment ça, le droit n’est pas le bon sens ou l’équité ? Normalement, le droit, donc la règle juridique, devrait respecter tant les règles de bon sens que d’équité ! » 

Du calme, du calme. Une distinction s’impose. 

Il est évident que d’une façon générale, il est souhaitable que la règle de droit respecte le sens de l’équité, et qu’elle soit de bon sens, par opposition à une règle de droit stupide ou absurde. 

L’avocat préfère la règle de droit intelligente à la règle de droit bête. Sachant que généralement, le législateur ne cherche pas à faire une règle de droit bête. C’est simplement que parfois, il ne pense pas à des conséquences, parfois lointaines, de la règle qu’il édicte, et qui peuvent être parfois étonnantes, mais que ceux qui pratiquent quotidiennement la matière remarquent assez rapidement. 

Maintenant, une fois que la règle de droit est fixée, eh bien il faut la respecter. C’est particulièrement important car cela participe de la sécurité juridique. En effet, il est impératif pour tout un chacun d’être raisonnablement certain que les actions qu’il entreprend auront une issue prévisible, c’est-à-dire qu’il sache aisément, seul ou avec l’aide d’un professionnel, l’effet juridique attaché à ses actes. 

Il s’agit de ce qu’on appelle en droit la qualification. J’avais plus précisément explicité la chose dans une série d’articles, le premier se trouve ici

Par exemple, il est important que Primus sache que s’il fiche un grand coup de pied dans la barrière de Secundus et ainsi la casse, il est redevable d’une responsabilité délictuelle sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil. 

Il est donc primordial que la règle de droit soit clairement fixée afin que chacun sache où il en est. (D’où le mal de tête carabiné qui saisit tout professionnel du droit devant l’inflation législative de ces derniers temps et les revirements de jurisprudence… Comme par exemple quand une règle est fixée par la Cour de Cassation avec effet rétroactif, comme cela a été le cas en 2002 en matière de rémunération des clauses de non concurrence en matière de contrat de travail. )

Il est tout aussi primordial que le Juge saisi pour trancher un litige applique la règle de droit, toute la règle de droit, et rien que la règle de droit. Ainsi, là encore, sa décision est en principe prévisible. Je sais que ce type d’affirmation peut faire ricaner nombre d’avocats (moi y compris, d’ailleurs) qui voient tous les jours jouer l’aléa judiciaire. 

Néanmoins il est constant que dans le principe, la règle de droit doit être fixée, et le Juge doit l’appliquer. Et s’il ne l’applique pas, il faut faire appel ou se pourvoir en cassation, le rôle de la Cour de Cassation étant d’ailleurs précisément de s’assurer que la règle de droit a bien été appliquée, et c’est tout

Et là on arrive à la question du bon sens et de l’équité. Imaginez qu’un Juge décide d’ignorer la règle de droit et de juger selon son bon sens et sa conception de l’équité. 

D’abord, qu’est ce qui vous garantit que sa conception de ces principes est la même que la vôtre ? Rien. Ce qui vous paraît évident peut être parfaitement ne pas l’être du tout dans l’esprit du Juge. 

En outre, si vous avez suivi ce que j’exposais précédemment, vous aurez compris qu’en principe, en parfaite connaissance de la règle de droit (après tout, nul n’est censé ignorer la loi…) vous avez agi d’une certaine façon, en fonction de ladite règle. Il serait donc désastreux pour le principe de sécurité juridique (et pour vos intérêts) que vous puissiez avoir un jugement qui n’applique pas cette règle de droit. Qui, en d’autres termes, change la règle du jeu en cours de route. 

Dès lors, pour synthétiser il faut espérer que les lois soient équitables et de bon sens, mais une fois qu’elles sont en vigueur, il faut bien faire avec. La sécurité juridique, oui, la divination, non. 

Photo par A. Strakey

Licence Creative Commons

Newer posts »

© 2024 Marie Laure Fouché

Theme by Anders NorenUp ↑