Avocat en construction et copropriété

Mois : février 2012

Pourquoi ne puis-je pas avoir un devis établi par mon avocat pour ses prestations ?

37C8F07E-CA15-4E28-B650-04666958CEC9.image_600Ah, la question à mille francs (Lucien Jeunesse me manque). On me la pose souvent en commentaires, parfois en rendez-vous : pourquoi ne pas faire un devis pour son honoraire ? 

La réponse est toujours la même : parce que c’est impossible! 

Je pourrais m’arrêter là mais je pense que je frustrerais mes lecteurs, qui risqueraient de ne plus venir me rendre visite. Et j’aime bien qu’on me rende visite. Élaborons donc un peu. 

Qu’est ce qui fait qu’un avocat est généralement dans l’incapacité d’établir un devis pour son honoraire ? C’est tout simplement qu’il lui est souvent impossible de déterminer la quantité de diligences qu’il va mettre en oeuvre. 

En effet, lorsqu’un entrepreneur, par exemple, vous fait un devis, il sait précisément quelle va être sa tâche. Il est donc en mesure de proposer un prix qui permettre de mener celle-ci à bien tout en lui permettant de dégager une marge qui lui permet de gagner sa vie. 

Or dans la majorité des cas, ce type de raisonnement ne peut pas s’appliquer à un avocat, qui, lorsqu’il prend un dossier en charge, ne sait pas à l’avance précisément ce qu’il va être amené à faire. 

C’est tout particulièrement vrai pour les dossiers de contentieux, où on peut passer d’un tout petit procès simplissime à une imposante machine à gaz. En matière de construction, avec les expertises, c’est pire. 

Il est donc particulièrement difficile de faire un devis. En effet, on peut prévoir la prestation à forfait. Dans ce cas, sauf cas rares où le dossier se comporte bien sagement, soit le dossier est moins important que prévu, et le client qui a payé un forfait complet y perd, soit le dossier est plus important, et l’avocat soit ne gagne rien dessus, soit carrément paie pour le traiter. Ne riez pas, économiquement, ça arrive de travailler véritablement à perte. 

Et comme les avocats ne sont pas tous rentiers (soupir de regret) et travaillent pour gagner leur vie, la seconde solution n’est pas admissible. La première risque de leur faire perdre le client. En outre, dans le premier cas, le client va sûrement demander une réduction de l’honoraire. Mais dans le second cas, ça m’étonnerait qu’il offre de régler davantage que le forfait… 

Autre possibilité, présenter des options, en forme, forcément, d’arborescence. Il s’agit donc d’évaluer le temps de travail nécessaire à chaque diligence selon les façons possibles dont le dossier peut évoluer. On peut ainsi indiquer qu’il faut compter, selon la complexité de l’affaire, de trois à dix heures pour monter une assignation, un montant un peu inférieur pour des conclusions, qu’il faudra peut être conclure une fois, peut être trois, etc… et donner des hypothèses à chaque fois. 

Lorsqu’il client m’interroge, c’est ainsi que je procède, pour donner une idée d’ensemble de ce que le dossier peut coûter selon les hypothèses raisonnablement prévisibles. Mais comment savoir si l’assignation suffira, ou s’il faudra conclure à plusieurs reprises ? 

Comment savoir si l’adversaire, dans le cadre de la procédure, va introduire un incident de procédure (un petit procès dans le procès) ? A supposer qu’un tel incident soit formé, il peut s’agir d’une petite broutille (en termes de diligences) comme de la mise sur place d’une expertise (et c’est parti pour les réunions multiples et les heures passées à rédiger des argumentaires à l’attention de l’Expert…) 

Bref, déjà qu’évaluer grossièrement ce que va coûter un dossier est difficile, faire un devis pour évaluer l’honoraire, c’est carrément mission impossible. 

Prenons deux exemples tirés de dossiers réels. 

Un client vient me voir avec un jugement le condamnant, afin que j’engage une procédure d’appel. Cela implique des diligences non négligeables, surtout quand on reprend le dossier au stade de l’appel : tout est à refaire, puisqu’on n’a pas la base de travail déjà faite en première instance. Nous examinons ensemble le jugement, et arrivons finalement à la conclusion que la solution la plus sage consiste probablement à s’abstenir de contester le jugement, et à payer la condamnation… Sur ce dossier, j’ai facturé des honoraires très modestes, essentiellement au titre du conseil que j’ai donné pour l’analyse du jugement et de sa motivation. Mes diligences ont été bien moindres que ce que je prévoyais, et le client aussi. 

Autre exemple, je suis saisie d’un authentique dossier de construction, avec désignation d’Expert, autre procédure de référé pour mettre en causes de nouvelles parties… L’expertise se déroule, elle donne lieu à cinq ou six réunions sur place qui durent, chacune, de deux à trois heures. 

Compte tenu de la complexité du dossier, de la réactivité de l’Expert qui émet plusieurs notes, et de la nécessité de répondre aux arguments des autres parties, je me retrouve à rédiger pas moins de 10 Dires (courriers d’argumentation à l’Expert) dont le dernier, récapitulatif, fait pas moins de 18 pages. Autant dire que j’ai passé des heures sur le dossier. Et à l’origine, j’étais dans l’incapacité de déterminer l’importance du travail, et ne pouvais savoir s’il y aurait deux ou dix réunions sur place, et si un seul courrier à l’Expert suffirait, ou s’il en faudrait plusieurs. 

Il m’était littéralement impossible de prévoir à l’avance ce qu’il en était en termes d’honoraire. La solution adoptée a consisté à travailler en étroite collaboration avec le client pour le tenir informé de mes diligences et déterminer avec lui la stratégie à mettre en oeuvre. 

Il n’en demeure pas moins que cette expertise a donné lieu à plusieurs dizaines d’heures de travail. 

Alors non, sauf cas où les diligences à faire sont exactement prévisible, nous ne faisons pas de devis. 

En revanche, il faut nécessairement établir une convention d’honoraire, afin que la base de calcul de la rémunération de l’avocat soit clairement établie en accord avec le client.

Photo par Mukumbura 

Licence Creative Commons

Au secours, mon avocat veut ma ruine !

FCCC9BF0-C6E0-4CEE-80AF-C2FFB0E84BBF.image_600Sous ce titre alarmiste se cache en réalité une réflexion sur l’honoraire de l’avocat. 

C’est un sujet que j’ai déjà traité à plusieurs reprises, pour évoquer le coût de l’avocat, le fait qu’il est préférable d’avoir une convention d’honoraires ce qui vous permettra d’être raisonnablement certain que l’avocat, en fin de dossier, n’aura pas d’exigences aussi fantaisistes que dénuées de fondement

J’ai aussi évoqué le fait que parfois, le client ne comprend pas le temps facturé à faire des broutilles, qui se révèlent pourtant vraiment importantes. 

C’est sur ce dernier point que je veux revenir. En effet, une bonne partie du temps de l’avocat est passée à faire de la tambouille judiciaire, qui est néanmoins facturée – un service a été rendu, du temps a été passé – mais le client ne comprend pas toujours pourquoi ça coûte AUSSI CHER ! 

Je vais donc vous donner un exemple de ce qui m’est arrivé récemment dans un de mes dossiers. 

Un mien client – Primus, on va l’appeler – bénéficie d’une condamnation. On doit lui payer, outre une somme destinée à lui permettre de faire des travaux, une somme de 2.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Je parviens à obtenir, après avoir été un peu insistante, le règlement de la somme principale. 

Le reste, soeur Anne ne le voit point venir, et moi non plus. 

J’appelle donc l’avocat de l’adversaire, on va l’appeler Maître Tertius. Et je lui demande pourquoi le grisbi n’arrive pas. 

Et là, à ma grande surprise, Tertius soutient mordicus (non, ce n’est pas un des protagonistes de l’affaire…) qu’il ne me règlera rien tant que je n’aurai pas justifié que Primus a fait ses travaux. 

J’ai passé un bon quart d’heure à essayer de le convaincre que c’était sans rapport. En vain. 

Une fois que j’ai raccroché, j’ai repris le jugement – on ne sait jamais, peut être que quelque chose m’a échappé. J’ai donc tout relu en détail, et hop un quart d’heure de plus. 

Après lecture, j’ai pu me convaincre que le règlement des 2.000 Euros n’était en rien conditionné par la réalisation préalable des travaux par Primus. 

Et hop, une demi heure sur le dossier. 

J’ai donc envoyé à Tertius un courrier ferme en ce sens. Et j’ai envoyé au client, Primus, une lettre, assez longue, pour lui expliquer précisément la situation, lui proposer des solutions et demander des instructions. Le tout m’a pris une demi heure de plus. 

Ainsi, au total, j’ai dû passer une bonne heure à dépêtrer ce bazar, alors qu’en principe, un simple courrier à Tertius lui demandant de payer, merci beaucoup, aurait dû suffire (total : dix minutes de travail). 

Et le client, là dedans, qu’est ce qu’il va dire ? Que ce n’est pas sa faute si Tertius fait sa tête de cochon ? Il a raison, à vrai dire. Mais ce n’est pas la mienne non plus. 

Et donc au moment de facturer ce grand moment juridique, ça va être à moi de trouver un juste milieu entre la facturation « mécanique » (temps réellement passé multiplié par le taux horaire) et la facturation a minima (dix minutes de travail maxi si tout s’était bien passé), soit un honoraire qui demeure équitable pour le client et pour moi-même. 

Et c’est tout le temps comme ça… 

Photo par Mark Mrwizard

Licence Creative Commons 

 

La rupture brutale des relations commerciales établies (III)

6B5FBC12-5D3A-4090-94B4-B77B9FC26ADD.image_600Eh bien, nous arrivons au bout. Après avoir vu ce qu’il en est des critères de la brusque rupture, d’abord ici et ensuite , il est temps de traiter du préjudice subi et de la façon de l’indemniser en matière de rupture brutale des relations commerciales établies. 

Comme je l’indiquais précédemment, le préavis que doit respecter l’auteur de la rupture a pour but de permettre à son partenaire commercial de trouver de nouveaux débouchés. 

Ainsi, l’indemnisation, dans le cadre d’une action en rupture brutale des relations commerciales établies, a pour objet de compenser l’absence de préavis de la part de l’auteur de la rupture et de permettre ainsi un repositionnement de l’entreprise victime de la rupture. 

Le préjudice est naturellement dans un premier temps constitué par la perte du chiffre d’affaires relatif au partenaire auteur de la rupture. 

Toutefois, ce n’est pas ce chiffre d’affaires qui constitue le préjudice subi, mais bien la perte de marge brute correspondant au chiffre d’affaire généré avec l’ex partenaire commercial responsable de la rupture, et ce pendant la durée qui aurait dû être celle du préavis. 

En l’espèce, dans l’hypothèse d’une action judiciaire, il primordial pour la victime de la rupture de communiquer à son avocat un document certifié par son expert comptable et permettant de prouver la marge brute mensuelle réalisée grâce à l’activité suscitée par l’auteur de la brusque rupture avant la dégradation des relations commerciales. 

Il sera également possible de faire valoir à titre de préjudice la perte d’investissements réalisés dans le cadre de la relation d’affaires avec l’auteur de la rupture, ou les licenciements et frais de fonctionnement des équipes privées d’activité. Enfin, il peut être demandé l’indemnisation du préjudice de perte d’image. 

Alors, quel que soit le côté de la barrière derrière lequel vous vous trouver, si vous êtes victimes d’une telle rupture, ou que vous envisagez de cesser de travailler avec un de vos partenaires habituels, il est fortement conseillé de consulter un avocat afin de déterminer la marche à suivre afin de prendre les décisions les plus adaptées à vos intérêts. 

Image par Orin Zebest

Licence Creative Commons

Faire l’économie de l’assurance Dommages Ouvrage, une fausse bonne idée

L’assurance Dommages Ouvrage, dont le fonctionement est notamment évoqué ici et , est certes un coût dont le Maître d’Ouvrage aimerait bien se passer. 

Selon le type de travaux, en principe, elle représente de 1 à 3% du montant total des travaux. Toutefois, si les travaux sont peu importants financièrement, elle aura un coût forfaitaire. Ainsi, il est rare qu’une assurance Dommages Ouvrage revienne à moins de 2.000 euros minimum.

Toutefois, comme toute assurance, elle ne paraît chère que lorsque tout se passe bien. Au contraire, lorsqu’un dommage survient, on est bien content de l’avoir souscrite… 

Il est vraiment conseillé de prendre une assurance Dommages Ouvrage si vous faites construire, surtout si la construction est un tant soit peu importante (construction d’une maison, agrandissement, gros travaux de rénovation avec travaux sur le gros oeuvre…) 

Rappelons également que la souscription de cette assurance, selon la loi, n’est pas une simple option mais une obligation.

En outre l’assurance Dommages Ouvrage aura le mérite de vous intemniser en cas de dommage décennal et a pour vocation de vous éviter un procès. Elle prend aussi en charge un certain nombre de préjudices. 

Pour l’essentiel, il s’agit naturellement des dommages, de nature décennale, qui se produisent après la réception. Pour mémoire, le dommage décennal est celui qui soit porte atteinte à la solidité de l’ouvrage, soit le rend impropre à sa destination. J’y ai consacré des articles ici et .

Mais même avant réception, elle peut prendre en charge un certain nombre de dommages, même réservés

En défintive, en cas de dépôt de bilan de vos intervenants, elle peut être un allié précieux. 

Bref, si vous avez les fonds pour faire d’importants travaux, autant investir dans la DO. S’en passer, c’est un peu comme faire du trapèze sans filet : franchement risqué.

© 2024 Marie Laure Fouché

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