Avocat en construction et copropriété

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Raisonnement juridique : réflexions sur l’équité et la nécessaire sécurité juridique (III)

Suite et bientôt fin des billets sur le raisonnement juridique, déjà évoqué  et puis 

On me demandait en commentaire à cet endroit si la rigueur du raisonnement juridique ne devait pas, parfois, s’accompagner de correctifs, de type équité, considérations humaines ou humanitaires…

Ah, l’équité. 

En principe, du moins en droit civil, elle n’a jamais sa place sauf pour déterminer s’il est juste qu’une partie paie les frais d’avocat de l’autre. J’avais fait un billet sur cette question des frais d’avocat, juste là

Le problème, c’est que l’équité, c’est l’arbitraire. Un juge peut considérer qu’ordonner telle chose est juste, et un autre juge avoir un avis tout différent. 

Or, l’essence du droit, c’est la sécurité juridique. Autrement dit, une personne qui fait quelque chose doit être assurée de la conséquence juridique de son acte. 

Si le juge, en décidant en équité, fait perdre cette sécurité juridique, c’est fort grave car le justiciable ne sait plus à quoi s’attendre. Et être condamné sans savoir à l’avance qu’on risque de l’être est très, très désagréable. 

A peu près aussi désagréable que, symétriquement, de faire des actes sans savoir par la suite quelles seront leurs conséquences. 

Cette notion de sécurité juridique justifie le principe de la non rétroactivité de la loi. Ainsi, une nouvelle loi ne s’applique qu’à l’avenir afin que les personnes ayant agi sous l’empire de l’ancienne loi, et étant présumés la connaître, continuent à être régis par l’ancienne loi. 

L’exception est la rétroactivité de la loi pénale plus douce, afin qu’une personne condamnée puisse bénéficier d’une amélioration de son sort. On imagine en effet mal que celui condamné à de la prison pour un délit qui est devenu une contravention, et qui n’est ainsi plus passible que d’une amende, aille (ou reste) en prison alors que d’autres personnes commettant le même acte s’en sortent en mettant la main au portefeuille. 

Bref, l’équité ça a l’air bien mais elle n’a guère droit de cité dans le prétoire, sauf pour l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, déjà évoqué. 

Et pourtant, parfois on voit le juge donner son avis, comme ça, mine de rien, et glisser un peu d’équité dans un océan de droit. 

J’ai ainsi pu consulter récemment un jugement qui l’illustrait fort bien. 

Une des parties au procès, que l’on va appeler Primus, avait indubitablement commis une faute de négligence. En pratique, cela avait coûté une jolie somme à son cocontractant, Secundus, qui avait dû rembourser ladite somme à un tiers, tiens, justement, appelons le Tertius. 

Sauf que juridiquement, Primus ne pouvait être condamné à indemniser Secundus

En effet, en raison des éléments du litige, le juge a décidé, avec raison, mais peut être à contrecoeur, que juridiquement il n’y avait pas de lien direct entre la faute de Primus et la perte de Secundus. (Ce qui nous ramène aux développements du précédent billet sur le préjudice). 

En réalité, de façon pratique, (vous me suivez, c’est bon ?) si Primus n’avait pas fait de faute, il y aurait eu une bonne chance que Secundus ne doive rien restituer. En effet, en l’absence de négligence de Primus, Secundus aurait eu en main les éléments pour négocier avec Tertius et probablement conserver la somme litigieuse.

Toujours est-il que, malgré la perfection juridique de la décision, le juge a manifestement considéré qu’il n’était pas très juste que Primus s’en sorte aussi bien. 

Alors, il l’a condamné à verser à Secundus une somme pas tout à fait négligeable au titre de ses frais d’avocat. 

Et il l’a aussi condamné à rembourser Secundus des sommes qu’il avait dû payer à Tertius pour l’indemniser de ses propres frais d’avocat. 

Bref, Primus a supporté la charge totale des condamnations relatives aux frais irrépétibles. 

Ainsi, le juge a utilisé la seule arme à sa disposition pour montrer sa désapprobation envers Primus et le condamner autant que possible. 

Donc, oui, parfois, le juge tempère la rigueur du raisonnement juridique. Mais il n’en a pas beaucoup l’occasion ni les moyens. 

Et voici un lien vers le dernier billet de cette série, concernant la hiérarchie entre juridictions.

PS : Ah, au fait, que ceux que « Primus » et « Secundus » n’ont pas fait sourire en coin aillent donc suivre un cours de PLA.

Le raisonnement juridique illustré par l’exemple du trouble de voisinage : le préjudice (II)

Comme promis, voici la suite du billet consacré au raisonnement juridique illustré par le trouble du voisinage. 

La réflexion sur le préjudice, elle aussi, est particulière. En effet, le système juridique français n’accepte de réparer que le préjudice subi. Un Tribunal français ne prononcera jamais des dommages et intérêts pharaoniques afin de décourager pour l’avenir celui qui se fait condamner. Ainsi, la réparation est strictement proportionnée au préjudice subi. 

Aussi, il faut établir exactement le préjudice subi. 

En matière de trouble de voisinage, il peut s’agir d’une perte de jouissance d’une pièce de l’appartement, rendue inhabitable (ou juste peu agréable…) en raison de sa fenêtre donnant sur l’origine de la nuisance (évacuation de garage, par exemple). 

Dans ce cas, le préjudice est évalué en pourcentage de la valeur locative perdu en raison de la nuisance. Il peut également être constitué par la perte de valeur de l’appartement, si le trouble ne peut cesser. 

Il peut en outre y avoir des préjudices particuliers subis par les occupants. 

Par exemple, l’occupant d’un appartement qui subit des émanations venant d’un garage proche peut solliciter l’indemnisation de son préjudice de santé

En revanche, la victime du trouble de voisinage ne peut raisonnablement espérer obtenir l’indemnisation pour des « préjudices » qui ne sont pas directement liés au trouble. 

Autrement formulé, si la victime a pris des dispositions relevant de sa convenance plus que du fait du trouble subit, elle ne peut espérer obtenir indemnisation du préjudice qu’elle allègue. 

Par exemple, supposons que la victime prétende que le trouble était tellement insupportable qu’elle a choisi de déménager. Elle a ainsi mis en location le bien qu’elle habitait auparavant. Elle demande dès lors qu’on lui rembourse son déménagement. 

Si la personne en question, qui habitait Paris, s’était transportée à quelques rues ou dans un autre arrondissement, l’indemnisation aurait pu avoir lieu. Sauf que cette personne avait en réalité acheté une maison pour sa retraite en province. Dès lors son déménagement résultait de sa convenance et non du trouble, et ne pouvait donner lieu à indemnisation. 

En outre, cette dame demandait qu’on lui rembourse les frais de peinture de son ancien appartement, et d’achat des meubles qu’elle y avait placés afin de louer les lieux meublés. Là encore, son déplacement étant de simple convenance, elle ne pouvait se voir remboursée ses frais de peinture et d’achat suédois. 

D’autant qu’on n’est pas strictement obligé de repeindre et meubler un appartement avant de le meubler…

Enfin, cerise sur le gâteau, cette personne prétendait que du fait qu’elle percevait des loyers, elle devait payer des impôts dessus, qu’il fallait lui rembourser. Cette demande n’a pas fait long feu…

En bref, pour demander une indemnisation, il faut toujours établir le lien nécessaire existant entre la faute ou la responsabilité établie et les conséquences subies. Les « préjudices » relevant de la convenance de la victime, voire de la responsabilité d’une autre personne, n’ont pas à être indemnisés. 

Il est vrai que parfois le client ne comprend pas bien le raisonnement et peste quelque peu devant son avocat qui ne veut pas faire docilement ce qu’on lui demande. 

Alors, parfois l’avocat cède, fait la demande… et avertit son client qu’elle n’a aucune chance. 

Sur ce point, il faut savoir que le juge ne voit pas nécessairement d’un bon oeil les demandes disproportionnées ; elles décrédibilisent le dossier plus qu’elles ne le servent. 

En effet, les juges aiment les demandes précises, et argumentées. 

Le raisonnement consistant à demander une somme pharamineuse en pensant qu’il en restera toujours quelque chose n’est pas souvent gagnant. 

Le juge qui estime une demande non fondée, même si elle est très élevée, la refusera en bloc et n’accordera pas une petite fraction de la somme sollicitée. 

En revanche, le juge qui voit une demande précise, qui n’est pas forcément un chiffre rond, justifiée par des documents, et soigneusement expliquée, est plus enclin à l’accorder. Pour ma part j’intègre très souvent des tableaux de calcul dans mes écritures, afin que les sommes demandées soient aisément compréhensibles. 

Aussi, le travail de l’avocat est aussi de conseiller son client sur la meilleure façon de présenter ses demandes, de les justifier, de les articuler. Mieux vaut demander des sommes raisonnables de façon bien étayées, et les obtenir, que demander des sommes énormes que le juge refuse parce qu’il ne comprend pas pourquoi diable il devrait les accorder…

Pour compléter cet exposé, quelque peu aride il est vrai, je ferai un ultime billet [Edit :consultable en cliquant sur ce lien] concernant le raisonnement juridique et la qualification, qui traitera de la transcription de ce raisonnement au stade des juridictions, et plus précisément de la différence fondamentale qui existe en les juridictions habituelles et la Cour de Cassation. 

Et avant cela, histoire de répondre à une question qui m’a été posée, je ferai une note un peu plus courte et plus anecdotique sur l’équité

Je tâcherai de mettre en ligne ces billets rapidement. Ne retenez pas votre souffle quand même.

Le raisonnement juridique illustré par l’exemple du trouble du voisinage : la qualification (I)

Je suis bien consciente que le titre de ce billet peut paraître long, rébarbatif et universitaire. Mais le billet qui va suivre a pour ambition de tenter d’expliquer un concept assez complexe, et de permettre sa compréhension par un exemple qui peut être compris de tous. D’où le titre. 

En effet, je souhaite rédiger quelques billets ayant pour objet de décrypter certains comportements, éléments, appartenant au monde du droit et qui sont peu, voire mal perçus de la majorité des gens. 

Combien de fois (et encore une ce matin) ai-je été consternée en assistant à une audience se déroulant entre un professionnel et un profane, et en constatant que ce dernier répondait à côté aux arguments de l’avocat, faute de raisonner de la même façon que lui, et ne relatait pas des éléments qui existaient, n’en tirait pas argument, parce qu’il n’en avait pas perçu l’importance…

Et combien de fois ai-je entendu un client, une connaissance, …, clamer que la justice c’est n’importe quoi ou que les jugements sont aberrants, incompréhensibles… 

Optimiste que je suis, je mets ces réactions sur le compte de l’ignorance, de l’incompréhension, et pense que le meilleur remède consiste à donner des explications les plus claires possibles. 

Or, si l’on veut commencer par la base, il faut commencer par expliquer le raisonnement juridique. 

En effet, ce raisonnement juridique est le fondement du travail du juriste en général, et de l’avocat en particulier. 

Un avocat qui ne connaît pas un texte de loi ou un article du code peut toujours faire une recherche, et de par sa formation il sait où chercher pour trouver rapidement. 

Un avocat qui ne peut pas formuler un raisonnement juridique est singulièrement démuni. 

Avoir un aperçu de ce raisonnement peut aider à appréhender une décision de justice qui peut par ailleurs avoir l’air incompréhensible, ou comprendre un peu mieux pourquoi il est préférable qu’une discussion devant un Tribunal ait lieu entre professionnels. 

Aussi, dans un souci de compréhension, d’information, il me paraît nécessaire d’aborder cette question complexe afin, si possible, de permettre à toute personne intéressée par le droit de disposer de clés d’interprétation. 

Après cette introduction un peu longuette, passons dans le vif du sujet. 

Le fondement du raisonnement juridique est constitué par l’opération de qualification.

Il s’agit pour l’avocat de prendre en considération les faits tels qu’ils existent, et de leur appliquer une règle de droit, ce qui aboutit à un résultat. C’est assez proche d’un raisonnement mathématique consistant à faire une opération sur des nombres pour obtenir un résultat. 

J’en arrive au développement de mon exemple : le trouble de voisinage. Il s’agit d’une règle de jurisprudence, c’est-à-dire que la règle n’est écrite dans aucun texte de loi mais a été élaborée peu à peu par les tribunaux. 

La règle est simple : nul ne doit subir un trouble anormal dû à son voisin. 

Déjà, il convient d’identifier le mot clé : c’est « anormal ». Autrement dit, il existe des troubles normaux de voisinage, que l’on est bien forcé de supporter en raison du choix de l’homme de vivre près de ses semblables. 

La conséquence de cette règle est que, en cas de trouble anormal de voisinage, la victime du trouble est en droit de demander l’indemnisation du préjudice qu’elle a subi. 

Une fois que la règle est définie, il faut alors procéder au raisonnement juridique, et se demander d’abord si les faits présentés par la victime sont constitutifs de troubles anormaux, ensuite quel type de préjudice en découle et quelle indemnisation est susceptible de compenser ce préjudice, pour enfin déterminer les mesures que doit prendre le voisin pour que le trouble cesse. 

Ainsi, il faut d’abord établir le caractère anormal du trouble. Il peut s’agir de bruits, d’odeurs, d’émanations, d’une vue bouchée… le caractère anormal sera généralement établi à l’aide de mesures (mesures acoustiques, de qualité de l’air) ou de constats qui, en établissant l’existence du trouble et en le comparant à la norme, permettent de déterminer si le trouble excède la norme généralement acceptable. 

En outre, le caractère anormal varie selon les situations. Il est compréhensible dans un vieil immeuble sans véritable isolation phonique qu’on entende un peu les voisins ; cela ne veut pas dire pour autant qu’ils crient à longueur de journée. Il est également à peu près normal, si l’on s’installe dans une zone industrielle, de ne pouvoir se plaindre du bruit des usines qui y fonctionnent, et ce d’autant plus si les usines en question existaient au moment de l’installation. 

En revanche, il n’est pas normal en pleine zone urbaine de subir des émanations de gaz parce que le garage voisin ne règle pas ses évacuations…

Il s’agit ainsi de procéder à une réflexion sur le caractère anormal, que la victime du trouble ne perçoit pas nécessairement, et surtout dans un cadre de voisinage où les situations sont souvent exacerbées. 

Une fois établi le caractère anormal du dommage, il faut déterminer le type de préjudice subi et l’indemnisation qui en découle. 

Eu égard à la longueur du présent billet, ceci fera l’objet d’une note ultérieure.

L’expertise, parfois, c’est rigolo

Rigolo, pas tellement par l’objet de la chose, mais par les circonstances.

Ainsi, j’ai eu l’occasion récemment d’aller examiner des fissures dans deux appartements en banlieue relativement éloignée. Rien de très amusant en soi.

Nous étions plus de vingt, pour un appartement de taille normale : autant dire que c’était littéralelemnt bondé. On regardait les fissures à tour de rôle, pas trop longtemps pour laisser la place à la personne suivante.

Rien à signaler dans le premier appartement, que les occupants avaient manifestement dégagé (voire quasiment déménagé) pour laisser de la place aux intervenants. Sage décision, vu que chaque partie entraînait la présence d’environ trois personnes (un représentant de la société, un avocat, un expert technique).

En revanche, les propriétaires de l’autre appartement n’avaient pas été aussi prévoyants. Et ils aimaient bien les photos de famille et d’amis, apparemment. Certaines pièces présentaient même une frise de photos de bouilles réjouies et de photos vraiment très amusantes, comme par exemple Monsieur dans le deux pièces de Madame.

Ou encore toute une fine équipe, de dos, avec des pantalons et sous vêtements qui, manifestement, avaient tous eu une faiblesse au niveau de l’élastique de la ceinture (trop de lavages en machine, je ne vois que ça comme explication).

Eh oui, on voit des choses inattendues, en expertise.

De l’importance de bien choisir son avocat

J’expliquais dans mon précédent billet l’importance de toutes les petites choses que fait nécessairement un avocat pour bien remplir sa mission.

Il y a un autre aspect considérable du métier, c’est le respect de la procédure. Considérable, parce que parfois les erreurs peuvent coûter très cher. C’est la raison pour laquelle dans ledit billet, j’évoquais à la fin, rapidement car ce n’était pas le sujet, les erreurs de procédure.

J’ai eu l’occasion d’assister en direct à une telle erreur, dans les temps paléolithiques où je faisais mon stage en juridiction. (Chaque élève avocat à l’époque où j’avais cette qualité effectuait au Tribunal un stage de quinze jours à un mois).

J’avais été affectée à la très intéressante 17ème chambre du Tribunal de Grande Instance de PARIS, qui juge les affaires de presse.

C’était rigolo, la plupart du temps, car les affaires étaient constituées, en grande partie, par des plaintes de stars et autres pipoles mécontents que tel ou tel magazine de bon aloi les aient photographiés sans leur avis, en grande partie aussi par des plaintes de Monsieur Le Pen mécontent que tel ou tel magazine de qualité ait dit sur lui des choses qui ne lui plaisaient pas, le reste des affaires étant constitué, à la louche, par des diffamations et autres injures.

Et puis un jour, tranquillement perchée sur l’estrade à côté des juges, j’ai assisté à une pénible déconfiture.

Si mes souvenirs sont bons, il s’agissait d’un délit de presse tout ce qu’il y avait de simple, très certainement une diffamation.

Il faut savoir que droit de la presse et de la diffamation est un droit très spécifique, délicat à manier, qui exige des formes particulières et surtout le respect de délais stricts, par exemple en matière d’introduction de la demande ou encore pour l’offre de preuve des faits allégués en défense.

Les deux avocats se sont présentés à la barre. Cela n’a pas duré longtemps.

L’avocat du diffameur présumé s’est borné, très tranquillement, à énoncer les diverses nullités dont était entachée la procédure intentée par la partie civile.

Pendant ce temps, l’avocat de la partie civile regardait le président d’un air gêné. Le président aussi avait l’air vaguement gêné. Et pour cause, la partie civile avait accumulé les erreurs procédurales.

Naturellement, la procédure a été annulée. Et vu les délais très stricts dans lesquels est enserrée la procédure des délits de presse, une fois la procédure annulée, il était trop tard pour en entamer une autre.

Ce jour là, l’avocat de la partie civile, qui ne savait manifestement plus ou se mettre, a simplement indiqué au président que, spécialisé en droit du travail, il n’avait guère saisi les subtilités du droit de la diffamation.

Son client a été débouté de toutes ses demandes sans même qu’elles aient été examinées.

Attention, je ne suis pas en train de juger ou de me moquer de cet avocat. Notamment parce que je ne connais pas mieux que lui le droit de la presse et que j’aurais probablement fait les mêmes erreurs.

Je ne doute pas, en outre, qu’il devait faire un malheur devant les juridictions prud’homales et connaître sur le bout des doigts les subtilités du code du travail (et ce n’est pas peu dire).

Mais il avait accepté un dossier dans un domaine qu’il ne connaissait pas suffisamment. Et c’est un risque qu’il faut refuser de courir.

La morale de cette histoire ?

Vous, client candide et sûr de votre bon droit, qui allez consulter un avocat, il vous faut absolument vérifier, en lui demandant tout simplement, qu’il connaît le domaine dans lequel vous souhaitez le missionner.

Le droit est aujourd’hui trop vaste pour qu’une seule personne puisse se prétendre experte dans tous ses aspects.

Donc, posez la question, votre avocat est honnête, il vous répondra, ce qui évitera d’éventuelles déconvenues.

Le prix du trivial

Il y a quelques jours, mon estimé confrère Eolas a rédigé un court billet pour informer ses lecteurs de ce qu’il passerait sur les ondes pour évoquer la question de la réforme du divorce. Apparemment (je n’ai pas eu l’heur d’entendre l’émission), la discussion a essentiellement porté sur la question de la douloureuse, à savoir l’honoraire des avocats. 

A la suite de ce billet, une intéressante discussion s’est ensuivie dans les commentaires du billet d’Eolas. 

Notamment, à la suite du commentaire n°50, l’hôte des lieux a donné un exemple de temps passé sur un dossier, de façon détaillée, pour un divorce simplissime avec accord des époux sur tout. Il a ainsi expliqué par le menu la justification du temps passé pour aboutir à une durée totale de travail de 12 heures. Je ne paraphraserai pas ses observations, que je vous invite simplement à lire si le sujet vous intéresse. 

Pour résumer en quelques mots la controverse qui a suivi, certains commentateurs se sont émus de ce qu’un avocat ose faire payer à son tarif horaire habituel (et exorbitant, forcément) le fait de courir au Palais faire une démarche (et rappelons que parfois, ce n’est pas simple), de rédiger une convention de divorce qui serait tellement évidente qu’un guichetier type Sécu pourrait s’en occuper (sic), de passer du temps au téléphone avec les divers intervenants (clients, greffe)… 

En somme, on nous reproche, à nous avocats, de faire payer à un tarif anormal le fait de passer du temps en paperasse et procédure. Je note cependant que de façon implicite, le commentateur étonné ne conteste pas le fait de payer lesdits honoraires lorsqu’ils sont employés à côtoyer les cîmes de la réflexion juridique. C’est déjà ça. 

Tout d’abord, clarifions un point. L’avocat est rédacteur d’actes, mais pas uniquement. Sa mission consiste à mener à bien une procédure, de bout en bout, et cela veut dire non seulement rédiger des écritures, mais également faire des déplacements, accomplir des formalités. Certes, le temps d’aller au greffe, d’attendre, de faire la formalité, de revenir, n’est pas du temps intellectuellement très productif. Mais le résultat est là, la diligence est accomplie. 

On pourrait me rétorquer qu’il suffirait d’y envoyer quelqu’un. Soit. Dans ce cas, la prestation facturée par l’avocat inclurait nécessairement, en termes de tarif horaire, la rémunération de cette personne. 

Ensuite, il faut rappeler que le temps qu’on passe à aller faire les formalités et autres joyeusetés, c’est du temps qu’on ne passe pas à faire autre chose (comme par exemple rédiger de complexes écritures à avec des vrais morceaux de code civil dedans) et qu’on ne peut pas facturer par ailleurs. 

Or l’avocat vend à son client non seulement son expérience, son savoir et son savoir faire, mais aussi son temps. Autrement dit, il met au service de son client ce savoir sur une période déterminée. Le tarif convenu au moment de la convention d’honoraires prend en compte tous ces éléments. Il n’est tout simplement pas économiquement viable pour l’avocat de ne pas facturer les diligences qu’il réalise, au motif qu’elles seraient triviales. 

D’autant que ces diligences, qui sont la petite tambouille du travail de l’avocat, sont terriblement importantes. 

Prenons un exemple simple, en matière de construction. Comme je l’indiquais dans un autre billet, les entrepreneurs de construction sont obligés de souscrire une garantie décennale. En outre, la plupart du temps, il faut également souscrire une assurance Dommages Ouvrage

Aussi, lorsqu’on se retrouve dans une procédure de ce type, il est conseillé de vérifier que tous les assureurs (décennaux ou autres) sont bien présents à la procédure. Ainsi, on est raisonnablement sûr qu’en cas de condamnation, quelqu’un sera là pour payer. 

En pratique, cela revient à reprendre le dossier du début, revoir intégralement toute la procédure, et procéder à une vérification soigneuse. (Faire un tableau, ça aide). Dans un gros dossier, cela peut prendre quasiment une heure. C’est long, une heure. Mais par la suite, quand vous vous apercevez à la toute fin que vous avez oublié quelqu’un, et que pas de chance, c’est l’assureur du principal responsable des dommages, vous regrettez de ne pas avoir pris une heure pour tout vérifier. 

Dans un dossier, tout compte, même parfois un petit courrier. 

Tiens, un exemple. L’usage veut, lorsqu’on connaît l’avocat habituel de la personne à qui on va délivrer une assignation, de lui envoyer copie de l’assignation avant qu’elle ne soit délivrée. 

Maintenant, supposons que l’assignation qu’on va faire délivrer est urgente, disons que c’est un référé, que l’on a pu obtenir une date d’audience à quinzaine à laquelle on est fermement opposé à toute idée de renvoi. 

Imaginons qu’on ait oublié d’envoyer l’assignation au confrère en même temps qu’on l’envoyait à l’huissier pour qu’il la délivre. Et hop, on vient de lui fournir un petit moyen supplémentaire de faire traîner l’affaire : il aura davantage de chances d’obtenir un renvoi s’il le demande. 

Tout ça pour un pauvre petit courrier oublié, un détail. Même pas un oubli de procédure, ce qui serait plus grave. (Tiens, d’ailleurs à ce sujet je vous conterai prochainement une anecdote dont j’ai été témoin à ce sujet). 

Donc, cher lecteur, il est bon que vous vous rappeliez qu’en matière de travail de l’avocat, ce n’est pas parce que vous avez l’impression qu’il ne fait rien de bien fabuleux à l’instant qu’il vous vole honteusement vos sous durement gagnés. Tout le travail de l’avocat ne consiste pas à faire de grands effets de manche devant un jury d’assises. 

Il consiste également à mener à bien votre dossier, quitte à faire de la paperasse.

Peut-on prévoir ce que vont coûter les services d’un avocat ?

La question qui se pose est de savoir si, tout comme un entrepreneur, un avocat peut faire un devis, le devis étant ici compris comme un document qui décrit les prestations à effectuer et le prix total et définitif, autrement dit si on peut prévoir le coût de l’avocat. 

La réponse, de normand, est oui, et non. 

Oui, nécessairement, parce qu’il est essentiel que les choses soient parfaitement claires entre l’avocat et son client. L’avocat doit à ce dernier, dès le début de leur relation (dès le premier rendez-vous, en ce qui me concerne), de préciser sur quelles bases il facturera ses services. 

L’avocat présentera alors à son client une convention d’honoraires, qui indique précisément ces bases et détaille la façon dont les honoraires seront calculés. 

Et là, on en revient à notre question du « devis ». La convention d’honoraires, c’est le devis de l’avocat. Donc, oui, votre avocat peut vous fournir un devis. Mais ce dernier ne permettra pas nécessairement une évaluation précise, quel que soit le mode de facturation adopté, du coût de l’avocat. 

Il existe en effet quatre grands types de facturation : au forfait, au temps passé, à l’acte, au résultat.

La facturation au forfait

C’est la plus simple et celle qui se rapproche le mieux d’un devis. Elle consiste à indiquer un prix donné pour une prestation précise. 

Par exemple, il peut s’agir de facturer 1.000 Euros HT pour l’engagement d’une procédure et ce jusqu’à ce que la décision de justice soit rendue. 

C’est une solution opportune dans les litiges très simples où la procédure est aisément prévisible. Elle est relativement bien adaptée, par exemple, pour un divorce demandé par les deux époux, et au cours duquel il y aura peu de surprises. 

Sinon, c’est une solution qui n’est guère satisfaisante car elle ne permet aucune souplesse, et il est fort possible que soit l’avocat, soit son client, y perde. 

La facturation au temps passé

Comme son nom l’indique, l’avocat compte le temps passé sur chaque dossier et multiplie le nombre d’heures de travail par un tarif horaire prédéfini dans la convention d’honoraires. 

C’est une solution qui a le mérite de correspondre parfaitement au travail réalisé : on ne facture que ce qu’on fait, mais tout ce qu’on fait. En revanche, il est difficile d’être plus éloigné d’un devis. En effet, il n’est pas évident de se faire une idée précise du montant final. 

Toutefois, il faut savoir que dans cette hypothèse, selon le niveau de complexité du dossier, l’avocat pourra normalement indiquer un ordre de grandeur. En effet, généralement l’avocat connaît approximativement le nombre d’heures de travail nécessaires au déroulement de tel ou tel type de dossier. Aussi, la facturation au temps passé permet une évaluation globale, non un devis précis. 

La facturation à l’acte 

Cette solution est à mi chemin entre la facturation au temps passé et le forfait. 

Elle consiste à présenter au client une grille tarifaire, acte par acte (assignation, conclusions, plaidoirie…) de sorte que l’avocat facture le client lorsqu’il réalise un des actes prévus. 

Elle se rapproche un peu plus d’un devis dans la mesure où le client sait exactement combien lui coûtera telle prestation réalisée par son avocat. Elle permet ainsi de prévoir une évaluation un peu plus précise. 

Par exemple, supposons, pour la clarté de l’exposé, un dossier très simple de référé, c’est-à-dire un bon dossier dans lequel les droits de votre client sont absolument évidents, et qui donc va pouvoir être traité par le biais d’une procédure rapide. 

Il faudra étudier ledit dossier et réaliser une assignation. Puis, aller la plaider. Enfin, superviser l’exécution de la décision. 

Donc sur le principe, il s’agira de trois ou quatre actes, selon la grille établie. Il suffira ainsi d’additionner les tarifs indiqués pour arriver au total. 

La facturation au résultat

Cette facturation consiste, pour l’avocat, à ne percevoir en tout et pour tout qu’une fraction des sommes qu’il réussit à faire payer à son client. En cas d’échec, l’avocat ne perçoit rien. 

Le coût de l’avocat est donc nul.

En France, ce mode de facturation est purement et simplement interdit aux avocats. 

La seule possibilité en la matière consiste à ce que l’avocat prévoie un honoraire normal (forfait, temps passé ou à l’acte), qui sera éventuellement complété par un honoraire de résultat, calculé en pourcentage des sommes récupérées. 

Dans cette hypothèse, on peut raisonner en termes de devis vu que généralement, l’honoraire « de base » sera souvent un forfait. Le client sait donc ce qu’il est sûr de régler au titre du forfait, et il lui suffit d’appliquer le pourcentage prévu pour l’honoraire de résultat au montant total des demandes pour connaître le maximum qu’il est susceptible de devoir régler en complément. 

Pour conclure, le problème du coût de l’avocat, c’est que le métier est fait d’imprévus (souvent constitués par les autres avocats, tiens, maintenant que j’y pense, qui essaient de défendre leurs propres clients). D’où la nécessité, finalement, d’adapter la facturation à cet aléa. 

On parle beaucoup ces temps ci de travailler plus pour gagner plus. Eh bien, il est relativement normal que l’avocat qui travaille plus facture plus. Tout simplement. 

C’est la raison pour laquelle il me semble qu’en matière de coût de l’avocat, les solutions permettant de facturer le travail réalisé, au fur et à mesure (taux horaire ou à l’acte, selon les dossiers), de façon à ce que l’honoraire soit le reflet le plus exact possible de la prestation, sont les plus satisfaisantes.

Compétence des avocats sur le territoire français

Compétence des avocats sur le territoire françaisCas pratique. Vous habitez, disons… en région Parisienne, par exemple à Châtillon. Vous connaissez déjà un avocat, du barreau de Paris, à qui vous faites appel en cas de besoin.

Vous êtes en train de me faire installer une cuisine. Par des artisans…, disons, toulousains. (Vous ne connaissiez pas la grande réputation des installateurs de cuisine de Haute Garonne ? Pourtant…)

Sauf que le travail n’est pas, mais pas du tout, correctement fait, et en plus l’installation a pris un retard considérable. Bref, vous vous retrouvez face à un litige et avez bien l’intention de saisir un avocat pour que justice soit faite. L’ennui, c’est que la société à l’origine de votre litige est située à Toulouse et que votre avocat habituel en qui vous avez confiance est à Paris ! Que faire ?

Eh bien, aller le voir !

Si, si.

Certes, les avocats sont organisés en barreaux selon leur situation géographique. Mais cela ne veut pas dire que votre avocat parisien ne peut pas gérer l’affaire.

Tout d’abord, vu mon exemple, il pourra très probablement trouver un moyen de faire juger l’affaire en région parisienne, en application des règles du code de procédure.

Mais si tant est qu’il ne puisse pas… ce n’est pas gravissime : votre avocat parisien pourra aller plaider à Toulouse.

Comment est-ce possible, vu qu’il n’est pas inscrit au barreau de Toulouse ?

C’est possible pour deux séries de raisons différentes.

La première tient à la différence entre le fait de suivre la procédure et celui de traiter le fond du dossier. Pour les tribunaux devant lesquels un avocat est obligatoire, il faut absolument être représenté par un avocat local en termes de procédure. Mais pour ce qui est de traiter le dossier, un avocat d’un autre barreau peut s’en occuper.

C’est le mécanisme de la postulation.

Dans mon exemple, l’avocat parisien fait tout le travail de recherche et de rédaction, et par ailleurs charge un avocat toulousain, son postulant, de s’occuper de toutes les questions de procédure en ses lieu et place et sous son nom d’avocat toulousain. Le jour de l’audience seulement, l’avocat parisien se déplacera pour plaider.

La compétence des avocats pour plaider le dossier est donc sur tout le territoire, mais devant les juridictions où la représentation par avocat est obligatoire, il faut impérativement avoir un correspondant sur place qui s’occupe de la procédure.

Cela revient-il plus cher ? Pas forcément. En effet, lorsque vous saisissez un avocat parisien pour un litige situé à Paris (ou bien un avocat toulousain pour un litige à Toulouse), votre avocat fait tout le travail seul : tant la gestion du dossier au fond, que la gestion de la procédure. Ainsi, vous lui réglez ces deux types de prestation.

Alors que lorsque vous avez un avocat plaidant (parisien dans mon exemple) et un avocat postulant (toulousain), l’avocat plaidant ne vous facture naturellement pas le suivi de la procédure, que vous réglez au postulant. En somme, tout s’équilibre.

Ainsi, le fait d’avoir à gérer une procédure géographiquement éloignée ne pose pas de difficulté.

Ah, vous vous demandez quelle est l’autre raison qui explique que votre avocat parisien puisse aller plaider à Toulouse.

C’est tout simplement parce que devant plusieurs tribunaux (Tribunal d’Instance, Conseil des Prud’hommes…) le ministère d’avocat n’est pas obligatoire. Donc, il n’est nul besoin de saisir un avocat sur place pour suivre la procédure, votre avocat parisien habituel pourra tout faire lui-même. Tout simplement.

Dernière chose concernant les avocats parisiens (et par conséquent moi-même) : nous pouvons, concernant les tribunaux pour lesquels l’avocat est obligatoire, agir sans assistance d’un postulant non seulement à Paris, mais également à Nanterre, Bobigny et Créteil.

Mariez vous, remariez vous qu’y disaient.

Vous verrez du pays qu’y disaient.

Est-ce la proximité de la trentaine ? Est-ce la mode ? Est-ce le printemps (A priori, pas encore) ?

Toujours est-il que ça se marie drôlement souvent, en ce moment, aux alentours. Ou que ça le projette.

Et j’avoue que ça me laisse pantoise. Juridiquement parlant, je veux dire.

Bon, je sais, mariage, robe blanche, plus beau jour de ma vie, pièce montée, tout ça… Mais si on écarte ce genre de considérations festives (et strictement rien ne vous empêche de faire une grande fête avec vos amis pour fêter les X années de votre premier baiser avec Monsieur ou Madame), que reste t’il ?

Concrètement, qu’est ce qu’apporte le mariage qu’on ne peut avoir autrement ?

Des enfants légitimes ? Non. Enfin, si, l’enfant n’est légitime que dans le cadre du mariage. Mais aujourd’hui, le droit ne fait aucune différence entre l’enfant légitime, l’enfant naturel et l’enfant adultérin. L’enfant est accepté tel quel.

Un enfant qui porte le nom du père ? Non, l’enfant naturel peut parfaitement se nommer d’après son père.

La reconnaissance sociale ? Fort heureusement, désormais, on ne vous toise plus d’un air méprisant si vous vivez dans le péché (quelle charmante expression quand on y pense). Quant à ceux qui le font, rayez les vite de votre liste d’amis, ils ne méritent pas d’y figurer.

Les impôts, me direz vous. Ah, les impôts. Certes, dans certains cas bien particuliers, un mariage fait payer moins d’impôts, essentiellement si les revenus du couple présentent une véritable disparité. Mais en réalité, cela ne change pas grand’chose. N’allez pas me dire que vous vous êtes marié juste pour payer moins de sous à l’état ?

J’avoue, je suis à court d’arguments en faveur du mariage. Peut être mes commentateurs auront ils d’autres idées sur la question.

Par contre… les arguments en défaveur… ouille.

Avez-vous vu ce délicieux film de Woody Allen, « tout le monde dit I love you » ? Le cinéaste new-yorkais disait à ce sujet qu’il mettait en scène une situation impossible, une véritable famille recomposée où tout le monde s’aime et où aucune rancœur ne vient gâcher les relations entre les protagonistes ; qu’il s’agissait dans un monde parfait d’une histoire rêvée qui n’arrive jamais.

Il a raison, Woody. Les véritables divorces amiables, amicaux, ça ne court guère les rues. Plus souvent, on se retrouve face à des situations horriblement conflictuelles où chacun des époux souffre considérablement.

Et puis vient la question de l’argent, forcément. Et notamment des pensions (alimentaire) et prestations (compensatoires).

Une idée reçue sur ce point : ce n’est pas toujours Monsieur qui paye la prestation compensatoire à Madame. La prestation est due par l’époux qui gagne le mieux sa vie, schématiquement.

Et au moment de payer la prestation, ou d’en définir le montant, c’est Azincourt, c’est Waterloo, c’est Verdun. Ça saigne.

Bref, le mariage, c’est… hum, pas vraiment d’avantages, mais de sérieux inconvénients si on a envie d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte.

Et n’allez pas m’opposer les longs mariages heureux… On peut tout aussi bien vivre un long concubinage heureux. Les statistiques prouvent que désormais, être marié n’est plus un obstacle lorsqu’on veut reprendre sa liberté. Autant la garder, non ?

C’est ainsi presque un pari pascalien à l’envers : ne vous mariez pas. Si vous restez amoureux toute votre vie, vous aurez gagné. Si ce n’est pas le cas… vous n’aurez rien perdu et pourrez tirer votre révérence avec un minimum de casse.

L’enfer du Sunbeach

Impressions d’audience, la suite.

Une affaire assez rigolote, les avocats racontent leurs histoires de façon joviale, l’atmosphère est détendue, c’est agréable (ça change des crêpages de chignon autour de 157 euros de loyer pas réglé…)

L’avocat en demande raconte le périple de ses clients, qui avaient acheté un voyage en tunisie au voyagiste en défense.

« Oui, vous comprenez, mes clients, à l’hôtel Sunbeach, ils arrivent dans la chambre, la moquette est sale et tachée, les draps sont douteux. Dans la salle de bain, la robinetterie est rouillée, les joints pas faits, certains fils électriques à nu…

La plage et la piscine, n’en parlons pas ! Les transats sont sales et certains sont cassés. La plage… on se prélasse à côté du tracteur avec remorque garé juste à côté. 

Et puis il y a des choses vertes qui flottent dans la piscine. J’ai à mon dossier un films tourné par mon client qui montre la femme de ménage remplissant son seau dedans (heureusement qu’elle ne le vidait pas…)

C’est bien simple, ils ont appelé leurs vacances l’enfer du Sunbeach. 

Bref, mes clients ont passé une semaine calamiteuse, dans ce qui était annoncé comme un hôtel 4 étoiles! QUATRE ETOILES, c’est scandaleux! »

Et là, l’avocat de la défense, sans se démonter:

« Ben oui, c’était quatre étoiles tunisiennes ».

Comme c’est charmant.

Audience du tribunal d’instance. Pas moins de quatre avocats se présentent à la barre. Ce n’est pas forcément fréquent, tout ce monde d’autant que l’après midi a surtout vu passer des affaires de loyers impayés.

L’affaire est édifiante. (Et pas uniquement parce que l’avocat de la défense a une voix terriblement soporifique).

Madame, en 1997, souscrit un contrat d’assurance vie. Elle inscrit sa fille en qualité de bénéficiaire dudit contrat.

En 2001, soit quatre ans plus tard, Madame est placée sous tutelle car atteinte de la maladie d’Alzheimer. Monsieur, son mari et père de la bénéficiaire du contrat, est le tuteur. Madame décède en 2005.

A son décès, naturellement, les sommes concernées par l’assurance vie sont reversées au bénéficiaire, Mademoiselle. Ce qui déplaît souverainement à Monsieur.

Ce dernier a donc la bonne idée d’assigner sa fille afin d’obtenir la restitution du montant versé – environ 4000 Euros. Et pour faire bonne mesure, Monsieur engage également la responsabilité de la banque et de l’assureur.

Au soutien de sa demande, il affirme être le véritable bénéficiaire de l’assurance vie et que sa fille aurait modifié frauduleusement le contrat pour y apposer son nom, spoliant ainsi son père.

L’ennui c’est qu’on se rend compte que ce n’est pas le cas : Mademoiselle a toujours été bénéficiaire, depuis le tout début. Flûte. Que faire ?

Alors Monsieur affirme alors qu’en réalité, si feue la mère de Mademoiselle a inscrit cette dernière en qualité de bénéficiaire, c’est… que Mademoiselle l’avait manipulée. Oui, en 1997, elle ne pouvait qu’être déjà atteinte de la maladie d’Alzheimer (on se demande quand même pourquoi quatre années ont été attendues pour mettre la pauvre Madame sous tutelle).

Ainsi, Monsieur n’hésite pas à affirmer que son épouse était déjà bien atteinte, et que cela seul explique qu’elle se soit laissée berner et aie eu la bizarre idée de rendre sa fille bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie. (C’est vrai quoi, quelle idée…)

Autrement dit, Monsieur plaide la démence de Madame afin de profiter du produit de son décès.

Je vous disais bien que c’était charmant.

Comment témoigner devant les juridictions civiles ?

Récemment, un client un peu angoissé (on peut le comprendre) m’a assuré que plusieurs personnes étaient disposées à témoigner en sa faveur, et qu’il pensait pouvoir les faire venir au Tribunal.

Soyons clairs : on ne témoigne quasiment jamais au civil (ou au prud’hommes, d’ailleurs). Les audiences ne durent jamais très longtemps, et souvent la procédure est écrite. En outre, parfois l’enjeu financier du litige est tel que le juge n’a aucunement l’intention d’écouter qui que ce soit d’autre que les avocats en présence.

Est-ce à dire qu’on ne peut pas du tout témoigner ? Que nenni. Il suffit de le faire par écrit, c’est tout.

Par contre, dans ce cas, il faut le faire bien car des conditions de forme sont imposées.

Donc, si Monsieur Martin est disposé à apporter son témoignage à Monsieur Dupont, ce dernier doit s’assurer que ledit témoignage écrit est conforme.

Tout d’abord, ce témoignage est manuscrit. Eh oui, on n’y coupe pas, mais ça permet au juge d’être raisonnablement sûr que la personne n’a pas signé une document qu’on lui a présenté, et qu’elle est consciente du contenu.

Ensuite, l’attestation doit mentionner les noms et prénoms de Monsieur Martin, sa date et son lieu de naissance ainsi que son domicile.

Monsieur Martin doit ensuite préciser sa profession et quels sont ses liens avec la personne en faveur de qui il témoigne.

Il doit ainsi indiquer s’il est de la même famille, si c’est un ami, un employé, une relation de travail, une vague connaissance, un voisin… Moins Monsieur Dupont et Monsieur Martin sont proches, plus on peut penser que l’attestation est impartiale.

Ensuite vient la formule magique qui, en principe, doit décourager les témoignages de complaisance. Monsieur Martin doit en effet écrire en toutes lettres sur son attestation :

«Je reconnais avoir été informé que la présente attestation est destinée à être produite en justice et que toute fausse déclaration de ma part m’exposerait à des sanctions pénales. Fait pour valoir ce que de droit». 

Ainsi, si Monsieur Martin raconte des calembredaines, il ne pourra pas dire qu’il n’avait pas été averti.

Ensuite, notre témoin peut raconter par le menu ce qu’il a envie de dire en faveur de Monsieur Dupont. De préférence, il doit s’agir de faits qu’il a personnellement constaté. Relater des on-dit est très vivement déconseillé.

Une fois terminé, il ne lui reste plus qu’à dater et à signer.

Et c’est fini… ou presque. Pour que l’attestation soit parfaite, Monsieur Martin doit y joindre la photocopie de sa carte d’identité (ou de son titre de séjour s’il n’est pas français. Eh oui, on n’encourage guère les sans-papiers à témoigner).

Et voilà, c’est fait. Monsieur Dupont dispose désormais d’une preuve qu’il pourra glisser à volonté dans son dossier pour le rendre plus convaincant sans même que Monsieur Martin ait eu besoin de se déplacer le jour de l’audience. Magique.

L’expertise judiciaire

En matière de construction, l’expertise judiciaire est généralement une étape incontournable. En effet, il est souvent particulièrement difficile pour un profane ou pour un juriste d’évaluer la consistance d’un désordre, son importance, les réparations nécessaires ou de déterminer les responsabilités. 

Il est donc utile de disposer d’un document technique reprenant toutes ces questions et qui pourra éclairer le Tribunal. 

Pourquoi diligenter une expertise judiciaire ? 

La question peut se poser dans la mesure où, souvent, le Maître d’ouvrage dispose d’une assurance Dommages Ouvrage, les entrepreneurs qui sont intervenus sont assurés, de sorte qu’une expertise amiable peut avoir lieu. 

Eh bien, tout simplement parce que devant un Tribunal, une telle expertise amiable… ne vaut rien, ou presque. Tout au plus, elle donne quelques indications au juge. Mais seul un rapport établi par un Expert judiciaire désigné par le Tribunal peut avoir un poids véritable. 

En outre, une expertise amiable est souvent partiale. L’assureur de l’entrepreneur tentera de minimiser les fautes commises par son assuré, l’assureur Dommages Ouvrage essaiera de s’en tirer au meilleur compte. 

Parfois, l’assureur fera tout pour faire traîner le dossier, dans l’espoir que l’affaire soit prescrite. 

Ainsi à moins que le Maître d’ouvrage considère que la réparation proposée par les assureurs est adéquate, ce qui est rare, il a tout intérêt à solliciter une mesure d’expertise judiciaire impartiale.

Comment procéder ? 

La demande d’expertise judiciaire peut se faire avant tout procès, ou en cours de procès si la demande a déjà été formulée. Dans les deux cas, il est très fortement conseillé de consulter un avocat, qui saura parfaitement comment s’y prendre. 

Votre avocat formulera ainsi une demande devant le juge, qui consistera à expliquer quels désordres vous subissez suite à la construction, et à demander la désignation d’un Expert qui aura une mission précise. 

Cette mission consistera généralement à examiner les désordres, déterminer leur cause et les modes de réparation, et donner un avis sur les responsabilités. 

En général, à moins que la demande ne paraisse tout à fait fantaisiste au juge, ce dernier ordonnera l’expertise. 

Avant que les opérations d’expertise ne puissent débuter, le juge ordonnera qu’une consignation soit versée. Il s’agit d’une somme d’argent, momentanément conservée par le service financier du Tribunal, et qui constitue une avance sur les honoraires de l’Expert. 

En pratique, elle est généralement de 1000 à 1500 Euros. La plupart du temps, c’est au Maître d’ouvrage d’avancer ce montant. A la fin de l’expertise, le Tribunal reverser la somme à l’Expert. 

Il faut néanmoins savoir qu’au final, ce sont les personnes responsables des désordres qui règleront l’Expert, de sorte que le Maître d’ouvrage sera dédommagé. 

Déroulement de l’expertise judiciaire

Une fois désigné, l’Expert écrira à toutes les parties concernées pour les convoquer à des réunions, celles-ci se déroulant généralement sur les lieux. 

Lors des réunions, les entrepreneurs concernés se présenteront, assistés de leur avocat et souvent d’un Expert amiable mandaté par leur assureur. Très souvent donc, une réunion d’expertise rassemble un grand nombre de personnes, qui doivent toutes pouvoir accéder aux lieux. 

Il est hors de question pour le Maître d’ouvrage de refuser l’entrée à quelqu’un au motif qu’il ne veut pas tout ce monde dans son appartement. 

Le rôle de l’avocat du Maître d’ouvrage est d’expliquer à l’Expert quels sont les désordres et de lui donner tout document pertinent de nature à lui permettre de comprendre la situation : plans, devis, procès verbaux de réception, factures… L’Expert pourra également examiner avec profit les éventuels rapports rédigés avant son intervention par les experts Dommages Ouvrage ou d’assurance. 

Le rôle des avocats des entrepreneurs et de leurs experts particuliers est au contraire de discuter l’existence des désordres, leur importance, ou leur imputabilité à leur client. Ainsi une expertise peut se dérouler courtoisement, ou de façon plus houleuse. 

Outre son avocat, le Maître d’ouvrage est libre de se faire assister d’un architecte ou d’un expert amiable, à même d’adresser à l’Expert judiciaire des observations techniques pertinentes. En effet, l’avocat a au cours de l’expertise un rôle essentiellement juridique, et ne peut apporter d’assistance technique. 

La fin de l’expertise judiciaire

Une fois que l’Expert estime avoir examiné tout ce qui était nécessaire, il cesse de provoquer des réunions. 

Il adresse généralement aux parties une note de synthèse, dans laquelle il explique la position qu’il compte prendre dans son rapport définitif. 

Les parties ont alors un délai (généralement d’un mois) pour formuler des observations sur cette position, soit pour aller dans le sens de l’Expert, soit pour tenter de le faire changer d’avis. 

Une fois ces observations formulées, l’Expert dépose un rapport qui met en évidence les causes des désordres, les responsabilités et le montant des travaux de reprise nécessaires. 

Dès lors, il appartient à l’avocat du Maître d’ouvrage d’exploiter ce rapport dans une demande formulée au Tribunal afin d’obtenir l’indemnisation des dommages subis. 

Mise à jour : Si vous souhaitez consulter d’autres articles sur l’expertise judiciaire, cliquez sur ce lien et vous serez dirigé vers la liste des billets qui s’y rapportent.

Bienvenue au Palais (le retour)

C’est tellement simple de se retrouver dans le palais de justice de Paris, qu’à l’entrée, on a d’aimables appariteurs qui nous expliquent, plan et petits schémas à l’appui, comment se rendre en divers endroits du lieu pour pouvoir suivre nos audiences ou faire des formalités.

Par ailleurs, pour ceux qui ont une audience ou veulent accéder au palais par jour de beau temps, je conseille de se présenter raisonnablement à l’avance : même si l’entrée du public n’est plus la celle de la Sainte Chapelle, et il faut généralement faire la queue un certain temps.

Attention à bien sélectionner l’entrée du Tribunal, et pas celle de la Sainte Chapelle.

Ci-dessous, voici un exemplaire du fameux plan, vierge de toute indication, et dont chaque appariteur possède un bloc épais.

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