Avocat en construction et copropriété

Catégorie : Commercial

Comment mettre fin à un contrat en cours : méthodes et risques

Comment mettre fin à un contrat en cours: méthodes et risquesLa problématique de la fin du contrat pour faute de l’autre partie semble relativement simple. Deux parties sont convenues d’un contrat. Généralement, cela signifie qu’une l’une partie s’oblige à réaliser une prestation ou fournir un produit, tandis que l’autre s’oblige à payer.

Si le contrat est d’exécution instantanée, il n’y a guère de difficultés. Par exemple, lorsque vous achetez votre baguette de pain, si votre boulanger, finalement, refuse de vous la remettre, vous n’avez qu’à garder votre argent.

La situation est un peu plus compliquée lorsque l’exécution de la convention prend un certain délai. L’exemple des travaux réalisés par une entreprise de construction est particulièrement pertinent: en général, des travaux durent de plusieurs jours à plusieurs mois, et l’exécution de ces prestations peut être émaillée de difficultés.

Or, parfois, ces difficultés sont telles que le Maître d’Ouvrage va songer à mettre fin à la relation contractuelle avec l’entreprise, par exemple parce que celle-ci réalise des travaux entachés de malfaçons, ou par exemple qu’elle abandonne le chantier.

Le problème est qu’en principe, un co-contractant n’est pas censé mettre fin lui-même au contrat qu’il a conclu. En effet, l’autre co-contractant est en droit de compter sur ce contrat, et sur le fait qu’il soit mené à bien jusqu’au bout.

Dans notre exemple, l’entreprise a le droit de faire sa prestation jusqu’à la fin, et le Maître d’Ouvrage ne peut pas, sur une lubie, décider qu’il en ira différemment: il s’est engagé vis-à-vis de l’entreprise et doit respecter cet engagement.

Cela ne veut pas dire pour autant qu’un co-contractant reste coincé avec l’autre, alors que ce dernier ne respecte pas ses propres engagements.

Se pose alors la question de la résolution du contrat et des moyens à mettre en oeuvre.

Sur le principe, pour mettre fin au contrat, il faut saisir le juge, et les textes dans leur rédaction actuelle ne permettent pas, en principe, de faire autrement. Soulignons sur ce point que la réforme sur les contrats qui sera en vigueur au 1er octobre 2016 va modifier la situation, et inscrire dans la loi les solutions dégagées par la jurisprudence.

Ainsi, la règle est la suivante: lorsque vous voulez mettre fin à un contrat, vous devez saisir le juge à cet effet. C’est la solution la plus sûre, mais certainement pas la plus rapide ni la plus économique.

Il est donc possible d’envisager de procéder à la résolution du contrat par notification à la partie adverse, autrement dit, à une résolution unilatérale.

Toutefois, c’est une solution qui comporte des risques. En effet, la règle en la matière est que celui qui procède à cette résolution le fait à ses risques et périls. Cette règle, qui résulte actuellement de la jurisprudence, va être inscrite dans le Code Civil sous le nouvel article 1226 à compter du 1er octobre 2016.

Plus précisément, il faut savoir que celui qui met fin à son contrat sans raison légitime s’expose à indemniser le co-contractant lésé, si cette résolution n’est pas suffisamment motivée par la faute du co-contractant.

Pour être considéré comme ayant résolu le contrat de façon justifiée, le co-contractant doit s’appuyer sur une faute de l’autre partie suffisamment grave pour qu’elle justifie qu’il soit impossible de continuer le contrat.

Par exemple, si votre entrepreneur n’est pas venu travailler un matin, mais s’est présenté seulement en début d’après midi pour ses travaux, à une reprise, ce n’est clairement pas une faute suffisamment grave pour résoudre le contrat.

En revanche, s’il a complètement abandonné le chantier, nous sommes a priori (et sous réserve des conditions particulières de chaque litige, naturellement) dans le cadre d’une faute suffisamment grave pour mettre fin au contrat.

Une fois que cette faute est constatée, encore faut-il respecter une procédure qui vous donne toutes les chances de ne pas avoir de problèmes ensuite.

En l’espèce, cela signifie qu’il faut mettre en demeure le co-contractant d’exécuter ses obligations. Si ce dernier ne donne pas une suite satisfaisante à cette mise en demeure, on pourra considérer que celui qui a procédé à la mise en demeure est en droit de résoudre le contrat aux torts exclusifs de l’autre. Ce mécanisme est lui aussi consacré par le futur article 1226 du Code Civil.

En revanche, si l’on procède à la résolution du contrat sans justifier de la faute de l’autre partie, on risque d’avoir à l’indemniser pour la perte injustifiée du contrat qui correspond à un manque à gagner.

Il faut donc manier la résolution unilatérale d’un contrat avec précaution, et s’attacher à, d’une part, caractériser clairement la faute du co-contractant qui rend impossible la continuation du contrat, et d’autre part, respecter les formes afin de mettre toutes les chances de son côté. Sachant qu’il reste toujours possible pour l’autre partie de contester le bien fondé de cette résolution unilatérale devant un Tribunal.

 

 

Responsabilité contractuelle : les obligations de moyen et de résultat

J’évoquais dans un article récent la différence entre la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle.

Responsabilité contractuelle : les obligations de moyen et de résultatDans le présent billet, je souhaite développer un peu plus le principe de responsabilité contractuelle et ce qu’il recouvre, en abordant la distinction entre les obligations de moyen et de résultat.

Comme je le précisais dans l’autre article, le principe de la responsabilité contractuelle est assez simple : cette responsabilité est engagée si la personne qui s’est obligée, par contrat, à faire quelque chose, ne respecte pas cette obligation, sachant qu’elle ne peut dégager sa responsabilité que si elle prouve une cause étrangère, généralement une force majeure (qui fera l’objet d’un autre article).

Ceci étant, il y a deux degrés possibles pour définir l’obligation d’une partie, il s’agit ainsi des obligations de résultat et des obligations de moyens.

L’obligation de résultat impose à la partie concernée de réaliser la prestation telle qu’elle l’a promis. Par exemple, le peintre qui doit refaire votre appartement doit y parvenir : il doit refaire les peintures selon les règles de l’art, et selon le choix que vous avez formulé (fini, couleurs…). Autre exemple, un transporteur a généralement une obligation de résultat de transporter un bien ou une personne d’un point A à un point B.

La seule façon pour un de ces prestataires de s’affranchir de ces impératifs est de prouver la cause étrangère : l’immeuble dans lequel se situait votre appartement s’est effondré et il ne peut y être réalisé de travaux ; un glissement de terrain a détruit le pont sur lequel devait passer le train.

Ainsi, dans le cadre d’une obligation de résultat, la partie doit impérativement réaliser la prestation à laquelle elle s’est obligée ; la raison est que cette prestation dépend entièrement d’elle et qu’il n’y a aucune raison, si le prestataire s’engage à faire telle ou telle chose, qu’il n’y parvienne pas s’il y met les moyens nécessaires.

En revanche, l’obligation de moyens impose à la partie concernée de tout mettre en oeuvre pour accomplir sa mission, mais ne lui impose pas d’obtenir un résultat.

Un exemple simple est celui de la prestation d’un architecte. Certes, il a une obligation de résultat dans la partie de sa mission concernant la conception : il doit à son client le Maître d’ouvrage de concevoir un ouvrage réalisable, conforme aux normes et aux règlements applicables. En revanche, une partie de sa mission relève de l’obligation de moyens.

Ainsi, généralement, une partie de la mission de l’architecte consiste à assister le maître d’oeuvre lors de la levée des réserves signalées à la réception de l’ouvrage. Or ces réserves doivent être levées par l’entreprise (qui a pour cela une obligation de résultat, justement) et non par l’architecte.

Dans ce cas, la seule obligation de l’architecte, c’est de tout mettre en oeuvre pour que les entreprises fassent le nécessaire, notamment en les mettant en demeure et en conseillant au Maître d’ouvrage de ne pas payer le solde des travaux avant complète levée des réserves. Si les réserves ne sont pas levées, le Maître d’ouvrage peut tout à fait tenter d’engager la responsabilité de l’architecte. Toutefois, si celui-ci prouve qu’il a pris ces mesures (mise en demeure…) sa responsabilité ne pourra pas être engagée. Le Maître d’ouvrage ne pourra rechercher sa responsabilité que s’il prouve que l’architecte n’a pas mis en oeuvre les moyens nécessaires à la réalisation de son obligation.

Dès lors, il est intéressant de bien avoir en tête la différence entre les obligations de moyen et de résultat pour bien comprendre ce à quoi votre co-contractant s’est obligé à votre égard, et s’il est pertinent, en cas de problème, d’envisager d’engager sa responsabilité.

Mon débiteur est en redressement ou liquidation judiciaire : que faire ?

7F42F675-9827-4E45-ADAC-11B718CAB590.image_600Question délicate, qu’on me pose de temps à autre. En effet, en matière de construction, il n’est pas rare qu’une entreprise, fraîchement créée, se retrouve à déposer le bilan sans crier gare. Les entreprises de construction fragiles sont légion, d’où l’importance de bien se renseigner avant de signer un marché de travaux afin d’éviter des déconvenues, et de préférence de prendre un architecte

En effet, si vous êtes en plein milieu de chantier, que votre entreprise dépose le bilan et quitte les lieux, vous êtes dans une très mauvaise situation, et encore plus si vous l’avez réglée une somme plus élevée que ce que justifierait l’avancement des travaux. 

Donc, lorsqu’une entreprise est votre débitrice dépose le bilan, que faire ? 

Je préfère donner la réponse tout de suite : pas grand chose malheureusement. 

Je m’explique. 

Lorsqu’une entreprise dépose le bilan, c’est qu’elle est en état de cessation des paiements. Cet état est donc le déclencheur de l’ouverture d’une procédure collective. Toute entreprise qui est dans cet état doit déposer une déclaration d’état de cessation des paiements. 

Cet état de cessation des paiements se définit par l’impossibilité de l’entreprise de faire face au passif exigible avec l’actif disponible. En deux mots, elle n’a pas assez d’argent ou de ressources facilement réalisables pour faire face aux créances qui sont venues à termes et qu’elle doit payer maintenant. 

Autrement dit, si l’entreprise subit une mesure de procédure collective, c’est que les coffres sont vides… 

Donc, évidemment, la situation du créancier de l’entreprise est fortement fragilisée. 

En outre, lorsqu’une entreprise est en procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire) les poursuites qui pourraient être engagées contre elle cessent.

Autrement dit, le créancier n’a pas le droit d’assigner en justice l’entreprise pour être payé, et s’il l’a fait avant l’ouverture de la procédure, celle-ci arrête tout. 

La seule solution pour espérer obtenir quelque chose est de déclarer sa créance auprès du représentant des créanciers désigné par le Tribunal. 

Et encore… 

En effet, il faut souligner que s’il reste des sommes dans les caisses, ou que l’administrateur judiciaire de la société arrive à en trouver (par exemple en vendant du matériel, ou un bien immobilier…) celles ci seront attribuées selon un ordre de préférence précis. 

Pour simplifier, seront d’abord payés le Trésor Public, les organismes de type URSSAF, puis ensuite les créanciers ayant assorti leur créance d’une sûreté (hypothèque…) et enfin, s’il reste quelque chose, seront payés les créanciers simples qui n’avaient pris aucune sûreté particulière. 

Autrement dit, sauf si l’entreprise était de belles dimensions et qu’il y avait de l’actif à réaliser (immobilier…) vous avez peu de chances d’obtenir le règlement de la créance.

Photo par Dennis Jarvis

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La rupture brutale des relations commerciales établies (III)

6B5FBC12-5D3A-4090-94B4-B77B9FC26ADD.image_600Eh bien, nous arrivons au bout. Après avoir vu ce qu’il en est des critères de la brusque rupture, d’abord ici et ensuite , il est temps de traiter du préjudice subi et de la façon de l’indemniser en matière de rupture brutale des relations commerciales établies. 

Comme je l’indiquais précédemment, le préavis que doit respecter l’auteur de la rupture a pour but de permettre à son partenaire commercial de trouver de nouveaux débouchés. 

Ainsi, l’indemnisation, dans le cadre d’une action en rupture brutale des relations commerciales établies, a pour objet de compenser l’absence de préavis de la part de l’auteur de la rupture et de permettre ainsi un repositionnement de l’entreprise victime de la rupture. 

Le préjudice est naturellement dans un premier temps constitué par la perte du chiffre d’affaires relatif au partenaire auteur de la rupture. 

Toutefois, ce n’est pas ce chiffre d’affaires qui constitue le préjudice subi, mais bien la perte de marge brute correspondant au chiffre d’affaire généré avec l’ex partenaire commercial responsable de la rupture, et ce pendant la durée qui aurait dû être celle du préavis. 

En l’espèce, dans l’hypothèse d’une action judiciaire, il primordial pour la victime de la rupture de communiquer à son avocat un document certifié par son expert comptable et permettant de prouver la marge brute mensuelle réalisée grâce à l’activité suscitée par l’auteur de la brusque rupture avant la dégradation des relations commerciales. 

Il sera également possible de faire valoir à titre de préjudice la perte d’investissements réalisés dans le cadre de la relation d’affaires avec l’auteur de la rupture, ou les licenciements et frais de fonctionnement des équipes privées d’activité. Enfin, il peut être demandé l’indemnisation du préjudice de perte d’image. 

Alors, quel que soit le côté de la barrière derrière lequel vous vous trouver, si vous êtes victimes d’une telle rupture, ou que vous envisagez de cesser de travailler avec un de vos partenaires habituels, il est fortement conseillé de consulter un avocat afin de déterminer la marche à suivre afin de prendre les décisions les plus adaptées à vos intérêts. 

Image par Orin Zebest

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La rupture brutale des relations commerciales établies (II)

EA182319-3971-4D32-AE43-415665A7E03D.image_600Comme promis, voici la suite des développements concernant la rupture brutale des relations commerciales établies. 

Passons donc aux deux autres critères. 

Sur l’absence de préavis écrit 

Sur ce point, il est important de savoir tout d’abord que nul ne peut être contraint de poursuivre un lien contractuel ad vitam aeternam. C’est la règle de l’interdiction des contrats perpétuels. 

Ainsi, toute personne qui a conclu un contrat doit pouvoir s’en retirer. De la sorte, Papeterie a absolument le droit de cesser de travailler avec Dubois. L’important, c’est que Papeterie opère cette cessation des relations commerciales dans le respect des obligations inscrites dans la loi, avec loyauté. 

Dès lors, si Papeterie veut cesser de travailler avec Dubois, elle doit nécessairement le lui notifier par écrit. C’est ainsi la troisième condition. 

Cette règle s’explique notamment par le fait que l’absence d’écrit est de nature à caractériser le caractère brutal de la rupture. Ainsi, l’absence d’écrit est un indice du caractère brutal de la rupture. 

En revanche, il faut retenir que la loi n’impose pas que la notification de la rupture contienne une motivation. 

En effet, comme je l’indiquais plus haut, un partenaire commercial est libre de rompre une relation et n’a pas à en justifier. 

Il faut cependant bien comprendre, à ce sujet, que dans certains cas, le partenaire commercial qui rompt la relation peut motiver sa décision, et que parfois cette motivation justifie la rupture de sorte que celui qui subit cette dernière ne sera pas indemnisé. 

Cela s’explique par une raison simple, à savoir la faute de celui qui subit la rupture. 

Dans mon exemple, Papeterie notifie la rupture avec effet immédiat à Dubois, et motive cette rupture par le fait que cette entreprise lui a livré des matériaux inutilisables, ou encore a cessé de la livrer sans raison. Autrement dit, la faute de Dubois peut tout à fait justifier la rupture de la part de Papeterie. 

Ainsi, celui qui rompt les relations commerciales doit notifier le préavis par écrit. Mais il doit également, dans cette notification écrite, prévoir une durée de préavis suffisamment longue. 

Sur la durée du préavis 

Ainsi, la rupture n’est valable que si la durée du préavis est suffisamment longue eu égard aux relations commerciales passées. C’est la quatrième condition. 

Tout d’abord, le préavis peut être fixé dans le contrat liant les partenaires commerciaux. Si ce n’est pas le cas, il appartient au Juge saisi du litige d’apprécier souverainement le caractère raisonnable du délai. 

Deux hypothèses, donc. Commençons par le cas d’un préavis prévu dans le contrat. 

Si tel est le cas, le préavis contractuellement prévu devra être respecté. S’il est un peu court à votre avis, tant pis. En général, la Cour de Cassation considère en effet qu’il faut respecter la durée du préavis qui a été convenu entre les parties, à moins qu’il ne soit ridiculement court (préavis de deux semaines alors que les relations commerciales durent depuis trente ans). 

En l’absence de tout préavis prévu contractuellement, le juge saisi du litige statue en tenant compte de la durée des relations commerciales, de la nature des produits et services concernés, de l’importance financière des relations commerciales ou encore des investissements réalisés au profit de l’auteur de la rupture. 

En effet, le préavis a pour objet de permettre au partenaire commercial délaissé de prendre ses dispositions afin de se diversifier ou de solliciter une nouvelle clientèle. 

En outre, le Juge pourra également tenir compte du temps nécessaire à réorienter l’activité vers de nouveaux clients et de l’état de dépendance économique de celui qui subit la rupture. 

Arrêtons nous un instant sur cette question de l’état de dépendance économique car il peut conditionner l’importance des sommes obtenues en justice. 

Rien ne vaut l’illustration par l’exemple, aussi, retournons du côté de Papeterie et de Dubois. 

Premier exemple : Papeterie occasionne un tiers du chiffre d’affaires de Dubois. Le juge indemnisera Dubois qui est dans une situation «moyenne» de dépendance économique. 

Second exemple : Papeterie est le seul et unique client de Dubois. La rupture des relations signifie alors pour Dubois la clé sous la porte. 

Là, il faut distinguer. 

Supposons que Papeterie a fait en sorte que Dubois ne travaille que pour elle (par le biais d’un accord d’exclusivité, par exemple). En cas de rupture brutale, le juge sera impitoyable pour Papeterie, car elle a créé une relation de dépendance très forte pour ensuite agir à l’encontre de Dubois avec une grande déloyauté. 

Supposons au contraire que Papeterie soit le seul client de Dubois, mais parce que Dubois, par paresse, ne s’est pas donné la peine d’aller chercher d’autres clients. Certes, le juge indemnisera Dubois… mais moins que dans les autres cas. 

En effet, le juge considèrera que dans cette hypothèse, Dubois a en quelque sorte a concouru à son propre préjudice en s’exposant au risque de brusque rupture de la part de Papeterie. 

Ainsi, celui qui s’est délibérément placé « sous la tutelle » d’une grande entreprise et dont la dépendance relève d’un choix stratégique sera moins indemnisé. 

A ce stade, il convient de s’interroger sur la forme que doit prendre l’indemnisation, et sur la caractérisation du préjudice. 

Mais il se fait tard, et ceci fera l’objet d’un dernier billet sur la question. 

Image CarbonNYC

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La rupture brutale des relations commerciales établies (I)

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Voyons aujourd’hui les règles relatives à la rupture brutale des relations commerciales établies.

Vous avez très certainement entendu parler du déréférencement et des difficultés qu’il entraîne pour les producteurs privés soudainement de débouchés. 

Ainsi, du jour au lendemain, la centrale d’hypermarchés qui commercialisait vos yaourts bio a décidé de vous retirer de ses rayons et soudain, vous n’avez plus de clients ou presque. 

Ce comportement a suffisamment ému l’opinion publique – et à juste titre – pour que des dispositions soient intégrées dans la loi afin de protéger le producteur qui subit ainsi de la part de son principal client une rupture brutale des relations commerciales. 

Mais ce qu’il faut savoir, c’est que cette loi est rédigée en des termes suffisamment larges pour qu’elle puisse profiter à bien d’autres que les fournisseurs des supermarchés. 

Ainsi, elle concerne toute relation commerciale établie depuis un certain temps (qui se compte quand même en années) entre une personne qui fournit des biens et des services et son client qui décide brusquement de ne plus travailler avec elle. 

Celui qui perd ainsi son client principal peut être un commerçant exerçant en son nom, une société, voire même une association : tant qu’il y a relation commerciale établie, la loi a vocation à s’appliquer. 

Ainsi, le partenaire commercial qui se voit imposer une telle rupture est en droit de solliciter l’indemnisation du préjudice qu’il subit, à condition de prouver qu’il remplit les critères édictés par la loi, dans le cadre d’une action en rupture brutale des relations commerciales établies. 

Ces critères sont au nombre de quatre : existence d’une relation commerciale établie, suivie par une rupture brutale, intervenue sans notification écrite, comportant la mention d’un préavis tenant compte de la durée des relations commerciales. 

Si ces critères sont présents, il convient alors de s’interroger sur la forme et le montant de l’indemnisation, et sur le type de préjudice à indemniser. 

Sur l’existence d’une relation commerciale établie 

La première condition consiste à prouver l’existence de la relation commerciale. Le texte de loi protégeant la victime de la brusque rupture s’applique quel que soit le type de relation commerciale : fourniture de produits, prestations de services… 

La qualification juridique du ou des contrats conclus entre les partenaires commerciaux importe peu : il peut ainsi s’agir d’un seul et unique contrat à durée indéterminée ou d’une série de contrats ponctuels à durée déterminée. 

Le critère déterminant est ici le caractère stable, suivi et régulier de la relation commerciale. 

Prenons un exemple concret. L’entreprise Dubois fournissait depuis des années à la société Papeterie des morceaux de bois pour que cette dernière puisse fabriquer son papier. 

Il faudra alors démontrer, à l’aide de contrats, factures, etc…, l’existence de la relation suivie entre les deux entreprises. 

Sur la rupture brutale 

La seconde condition consiste à établir qu’il y a eu rupture, et surtout qu’elle a été brutale. 

La rupture sera qualifiée de brutale si elle intervient sans que soit respecté un préavis suffisant compte tenu de l’ancienneté de la relation commerciale. 

Autrement dit, il s’agit de la rupture du jour au lendemain, qui est tellement rapide qu’elle empêche sa victime de se retourner pour trouver de nouveaux débouchés. 

Les juridictions retiennent ainsi régulièrement la rupture « imprévisible, soudaine et violente ». C’est ainsi la déloyauté du partenaire commercial qui est stigmatisée et sanctionnée. 

Cette rupture peut être totale ou partielle : la réduction drastique du courant d’affaires entre Dubois et Papeterie peut suffire. 

En principe elle est aisée à prouver : soudain, plus de contrats, plus de factures… et parfois l’auteur de la rupture envoie un courrier qui également peut prouver la réalité de la rupture. 

Que voici déjà un long billet. Je traiterai ainsi dans un billet ultérieur des deux autres critères de la rupture brutale des relations commerciales établies. 

Image Toronja Azul

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La procédure devant le Tribunal de Commerce

Comme je l’annonçais dans un précédent billet, voici un bref article relatif à la procédure devant le Tribunal de Commerce. 

L’Assignation devant le Tribunal de Commerce, contrairement à celle devant le Tribunal de Grande Instance, précise une date. 

Toutefois, il ne s’agit pas d’une date à laquelle l’affaire pourra être plaidée. En effet, il s’agit de la date d’une première audience de procédure devant le Tribunal de Commerce. 

En effet, devant cette juridiction, à l’instar du Tribunal de Grande Instance, la procédure connaît d’abord une phase d’échange d’écritures et de pièces, sans pour autant qu’il n’existe officiellement un « mise en état ». 

Ainsi, à la première audience, le dossier sera renvoyé à une nouvelle audience de procédure afin de permettre la communication de ses pièces par le demandeur, et, s’il l’a déjà fait, de permettre au défendeur de répliquer aux arguments exposés dans l’Assignation. Lors de cette audience ultérieure, si tous les arguments ont été échangés, l’affaire pourra être reportée à une nouvelle audience, lors de laquelle le Juge devant statuer sur l’affaire sera désigné. 

Enfin, une fois qu’il sera désigné, l’affaire pourra être plaidée. 

Il s’agit donc d’une procédure quelque peu simplifiée, mais assez proche de la procédure devant le Tribunal de Grande Instance, et qui elle aussi est relativement longue, un délai moyen de 6 semaines s’écoulant entre chaque audience de procédure. 

Il faut toutefois rappeler que devant le Tribunal de Commerce, il existe une procédure rapide dite de « bref délai » évoquée dans ce billet.

Pourquoi ne puis-je pas payer mes factures personnelles sur le compte bancaire de mon EURL ?

C’est une question que se posent nombre de gérants d’EURL… Et encore, quand ils se la posent, et ne piochent tout simplement pas dans ledit compte bancaire, avec les meilleurs intentions du monde, d’ailleurs. 

Généralement, le gérant de l’EURL (qui est également souvent son associé unique) considère qu’il peut faire ce qu’il veut de son argent, après tout il l’a gagné et il est seul associé. 

L’ennui c’est que l’EURL demeure une société, avec une personnalité morale, clairement distincte de la personnalité de son unique associé et gérant. 

L’argent de la société doit demeurer bien distinct de l’argent du gérant 

Donc, si le gérant paie une facture personnelle (loyer, restaurant, EDF…) c’est à dire une facture relative à un bien ou service sans relation avec l’activité professionnelle, il s’agit d’un abus de biens sociaux, c’est à dire : 

« Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement »

L’usage contraire à l’intérêt de la société est ici constitué par le fait d’utiliser ses fonds sans qu’il s’agisse de payer une dette de la société ou d’investir dans l’objectif d’obtenir un enrichissement de la société. Il s’agit d’un appauvrissement de cette dernière sans contrepartie. 

Attention, même dans une EURL, l’intérêt social (de la société, donc) est distinct de celui du gérant. 

La mauvaise foi résulte de l’utilisation des biens de la société pour une autre fin que l’exploitation de la société, en pleine connaissance de cause. 

Donc il est fortement déconseillé d’utiliser les fonds de la société à des fins personnelles. 

En cas de fin de mois difficile pour l’associé de l’EURL – et si les comptes de la société le permettent – il est préférable de décider, dans les formes, via une décision sociale, de la rémunération du gérant (si c’est la même personne que l’associé unique), et d’utiliser ensuite cette rémunération pour régler les factures personnelles.

Le délibéré

On m’a demandé récemment s’il était normal qu’en référé, la décision de justice ne soit pas rendue tout de suite. On m’a également demandé pourquoi le délibéré (le temps que met le juge à rendre sa décision) était aussi long.

Il est vrai que parfois le délibéré se compte en mois et que ce temps d’attente peut être angoissant.

Il faut toutefois savoir quelques éléments simples.

Tout d’abord, en référé, il faut savoir qu’il est très, très rare que la décision soit rendue immédiatement, sur le siège, comme on dit.

Cela arrive parfois en matière de référé provision (je l’ai vu plusieurs fois devant le Tribunal de Commerce) ou bien lorsque l’affaire est simplissime et que l’adversaire ne s’oppose pas aux demandes du requérant. Cela peut arriver par exemple en matière d’expertise, lorsque le demandeur sollicite qu’une partie participe désormais à l’expertise, et que cette partie ne s’y oppose pas.

La plupart du temps, toutefois, le juge a besoin d’un temps de réflexion pour prendre sa décision (ce qui est heureux) et indique qu’il rendra ladite décision à une date pouvant aller, en générale, d’une à quatre semaines. Croyez moi, c’est très rapide.

Et pourquoi, tant en référé que pour les autres procédures, le client s’étonne t’il de ne pas recevoir au jour dit du délibéré de nouvelles de son avocat, qui l’appellerait pour lui dire ce qu’il en est ?

Tout simplement parce que au jour dit, la décision, en pratique, n’est pas toujours rendue. Les greffes des tribunaux sont horriblement encombrés, et cela peut prendre beaucoup de temps pour qu’une décision prise par le juge soit tapée et mise en forme, pour ensuit être signée par le juge.

Ensuite, même lorsque la décision a bien été rendue le jour dit, lorsque l’avocat téléphone au greffe, il s’entend poliment mais fermement répondre qu’aucun délibéré n’est dit au téléphone, et qu’il faut nécessairement attendre l’envoi postal du jugement.

Tout simplement.

Alors, chers clients, non, votre avocat ne met pas nécessairement de la mauvaise volonté à vous annoncer le résultat des affaires qu’il traite pour vous.

Simplement, la plupart du temps, quand il ne dit rien… C’est qu’il n’a pas encore la décision et donc n’a encore rien à dire.

© 2024 Marie Laure Fouché

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