EA182319-3971-4D32-AE43-415665A7E03D.image_600Comme promis, voici la suite des développements concernant la rupture brutale des relations commerciales établies. 

Passons donc aux deux autres critères. 

Sur l’absence de préavis écrit 

Sur ce point, il est important de savoir tout d’abord que nul ne peut être contraint de poursuivre un lien contractuel ad vitam aeternam. C’est la règle de l’interdiction des contrats perpétuels. 

Ainsi, toute personne qui a conclu un contrat doit pouvoir s’en retirer. De la sorte, Papeterie a absolument le droit de cesser de travailler avec Dubois. L’important, c’est que Papeterie opère cette cessation des relations commerciales dans le respect des obligations inscrites dans la loi, avec loyauté. 

Dès lors, si Papeterie veut cesser de travailler avec Dubois, elle doit nécessairement le lui notifier par écrit. C’est ainsi la troisième condition. 

Cette règle s’explique notamment par le fait que l’absence d’écrit est de nature à caractériser le caractère brutal de la rupture. Ainsi, l’absence d’écrit est un indice du caractère brutal de la rupture. 

En revanche, il faut retenir que la loi n’impose pas que la notification de la rupture contienne une motivation. 

En effet, comme je l’indiquais plus haut, un partenaire commercial est libre de rompre une relation et n’a pas à en justifier. 

Il faut cependant bien comprendre, à ce sujet, que dans certains cas, le partenaire commercial qui rompt la relation peut motiver sa décision, et que parfois cette motivation justifie la rupture de sorte que celui qui subit cette dernière ne sera pas indemnisé. 

Cela s’explique par une raison simple, à savoir la faute de celui qui subit la rupture. 

Dans mon exemple, Papeterie notifie la rupture avec effet immédiat à Dubois, et motive cette rupture par le fait que cette entreprise lui a livré des matériaux inutilisables, ou encore a cessé de la livrer sans raison. Autrement dit, la faute de Dubois peut tout à fait justifier la rupture de la part de Papeterie. 

Ainsi, celui qui rompt les relations commerciales doit notifier le préavis par écrit. Mais il doit également, dans cette notification écrite, prévoir une durée de préavis suffisamment longue. 

Sur la durée du préavis 

Ainsi, la rupture n’est valable que si la durée du préavis est suffisamment longue eu égard aux relations commerciales passées. C’est la quatrième condition. 

Tout d’abord, le préavis peut être fixé dans le contrat liant les partenaires commerciaux. Si ce n’est pas le cas, il appartient au Juge saisi du litige d’apprécier souverainement le caractère raisonnable du délai. 

Deux hypothèses, donc. Commençons par le cas d’un préavis prévu dans le contrat. 

Si tel est le cas, le préavis contractuellement prévu devra être respecté. S’il est un peu court à votre avis, tant pis. En général, la Cour de Cassation considère en effet qu’il faut respecter la durée du préavis qui a été convenu entre les parties, à moins qu’il ne soit ridiculement court (préavis de deux semaines alors que les relations commerciales durent depuis trente ans). 

En l’absence de tout préavis prévu contractuellement, le juge saisi du litige statue en tenant compte de la durée des relations commerciales, de la nature des produits et services concernés, de l’importance financière des relations commerciales ou encore des investissements réalisés au profit de l’auteur de la rupture. 

En effet, le préavis a pour objet de permettre au partenaire commercial délaissé de prendre ses dispositions afin de se diversifier ou de solliciter une nouvelle clientèle. 

En outre, le Juge pourra également tenir compte du temps nécessaire à réorienter l’activité vers de nouveaux clients et de l’état de dépendance économique de celui qui subit la rupture. 

Arrêtons nous un instant sur cette question de l’état de dépendance économique car il peut conditionner l’importance des sommes obtenues en justice. 

Rien ne vaut l’illustration par l’exemple, aussi, retournons du côté de Papeterie et de Dubois. 

Premier exemple : Papeterie occasionne un tiers du chiffre d’affaires de Dubois. Le juge indemnisera Dubois qui est dans une situation «moyenne» de dépendance économique. 

Second exemple : Papeterie est le seul et unique client de Dubois. La rupture des relations signifie alors pour Dubois la clé sous la porte. 

Là, il faut distinguer. 

Supposons que Papeterie a fait en sorte que Dubois ne travaille que pour elle (par le biais d’un accord d’exclusivité, par exemple). En cas de rupture brutale, le juge sera impitoyable pour Papeterie, car elle a créé une relation de dépendance très forte pour ensuite agir à l’encontre de Dubois avec une grande déloyauté. 

Supposons au contraire que Papeterie soit le seul client de Dubois, mais parce que Dubois, par paresse, ne s’est pas donné la peine d’aller chercher d’autres clients. Certes, le juge indemnisera Dubois… mais moins que dans les autres cas. 

En effet, le juge considèrera que dans cette hypothèse, Dubois a en quelque sorte a concouru à son propre préjudice en s’exposant au risque de brusque rupture de la part de Papeterie. 

Ainsi, celui qui s’est délibérément placé « sous la tutelle » d’une grande entreprise et dont la dépendance relève d’un choix stratégique sera moins indemnisé. 

A ce stade, il convient de s’interroger sur la forme que doit prendre l’indemnisation, et sur la caractérisation du préjudice. 

Mais il se fait tard, et ceci fera l’objet d’un dernier billet sur la question. 

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