Avocat en construction et copropriété

Les dommages intermédiaires

dommages intermédiairesAh, le beau sujet de construction pointu que les dommages intermédiaires. 

Pointu, parce que peu de gens savent ce que sont ces dommages, ni même qu’ils existent. Ce qui est un peu dommage pour le Maître d’Ouvrage victime de malfaçons, parce que parfois c’est la seule façon d’obtenir une indemnisation. 

Pour permettre de comprendre de quoi il s’agit, il faut faire un rapide rappel du régime d’indemnisation des dommages de la construction. Je ne vais pas entrer dans les détails, vu que j’ai déjà rédigé un nombre conséquent de billets sur la question et que j’invite le lecteur curieux à suivre les liens que je vais indiquer. (Attention, cela va être le genre d’article avec une introduction très longue et un développement sur le coeur du sujet très bref. Et maintenant, débutons l’introduction.)

Succinctement, en matière de désordre à la construction, il faut tout d’abord déterminer s’il intervient avant ou après la réception.

Les désordres constatés avant réception, mais après achèvement des travaux, sont des réserves à la réception notées sur le Procès Verbal de réception. Ces réserves doivent faire l’objet de réparations par l’entreprise, qui y est contractuellement engagée. Notons également que ces réserves entrent dans le cadre de la garantie de parfait achèvement.

En outre, cette garantie de parfait achèvement, due par l’entreprise, couvre aussi tous les dommages constatés dans l’année qui court à compter de la réception, peu important l’importance des dommages. 

Il faut noter en revanche que concernant les dommages apparents au moment de la réception et non portés au Procès Verbal de réception, ils sont réputés acceptés par le Maître d’Ouvrage, sauf à ce qu’il ait été assisté d’un Maître d’Oeuvre. En effet, l’architecte qui oublie de mentionner comme réserves des dommages apparents engage sa responsabilité. 

Par ailleurs, une fois la réception intervenue, débutent les garanties biennale et décennale. 

Concernant la garantie décennale, je rappelle qu’elle n’a vocation à être mobilisée que si les désordres revêtent une certaine importance. Autrement dit, il faut que, soit ils portent atteinte à la solidité de l’ouvrage (fissures, enfoncement des fondations…), soit ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination (le chauffage qui ne fonctionne pas). 

Observons enfin que la garantie décennale peut être mobilisée pour des désordres qui remplissent ces conditions et qui auraient été signalés dans l’année de parfait achèvement, et qui par conséquent entrent aussi dans la garantie de parfait achèvement (merveilleux, deux garanties pour le prix d’une). 

(Fin de l’introduction ; je vous avais dit que ce serait long.)

Ceux qui en sont arrivés à ce point de la lecture vont donc arriver d’eux-mêmes à la conclusion qui s’impose : mais que se passe t’il pour les désordres qui se révèlent après la réception, après la période d’un an de garantie de parfait achèvement, mais qui n’ont pas un tel niveau de gravité qu’ils mobilisent la garantie décennale ? 

Sur le principe, jusqu’à il y a environ 30 ans, il ne leur arrivait rien et le Maître d’Ouvrage n’avait que ses yeux pour pleurer, par exemple parce que son bel immeuble était entièrement fissuré sur toutes ses façades, mais que ces fissures n’étaient qu’inesthétiques et ne mettaient pas en jeu la solidité de l’immeuble et ne compromettaient pas sa destination. 

Pour remédier cette difficulté a été mise en place la théorie des dommages intermédiaires, ayant justement pour objet de remédier à cette difficulté. 

La règle est relativement simple : le Maître d’Ouvrage peut obtenir une indemnisation du constructeur à raison de ces dommages s’il prouve une faute contractuelle imputable au constructeur, qui lui cause un préjudice. 

La distinction est d’importance, puisqu’en matière de garantie décennale, il existe une présomption de responsabilité, donc le Maître d’Ouvrage n’a rien à prouver, seulement l’existence du désordre, et qu’en matière de réserves à la réception et de garantie de parfait achèvement, là aussi, il suffit de prouver que les désordres existent et n’ont pas été repris. 

Donc, en matière de dommages intermédiaires, le Maître d’Ouvrage doit apporter la preuve de ce que l’entrepreneur a commis une faute en réalisant le chantier (ce qui généralement va relever d’une expertise judiciaire). 

Autre point d’importance, en matière de décennale, l’entreprise est obligatoirement assurée. Tel n’est pas le cas en matière de dommages intermédiaires. Ce qui signifie qu’en cas de condamnation, le Maître d’Ouvrage ne pourra pas bénéficier de la garantie de l’assureur de son entrepreneur et ne pourra s’en prendre qu’à ce dernier. 

Raison de plus, pour l’entreprise, pour prendre auprès de son assureur une garantie spéciale pour les dommages intermédiaires, ce qui est une sécurité non négligeable. 

Photo par Paul Bica

Licence Creative Commons

14 Comments

  1. Marie Laure Fouché

    A mon sens, oui, car il n’est pas normal que vous subissiez cet affaissement. Et ce n’est pas parce que vous n’avez pas pris d’architecte que vous êtes réputé Maître d’Œuvre ! Si vous souhaitez une brève consultation téléphonique sur cette question (10 minutes) ou écrite (de quelques lignes à une page environ selon la question),
    Rendez-vous sur la plateforme dédiée.

  2. Philippe

    Bonjour Maître,

    J’ai fait construire une extension à mon pavillon, il y a 7 ans. je ne suis pas passé par un architecte mais directement par un entrepreneur (constructeur) . J’ai constaté un affaissement de la dalle. L’expert de l’assurance du constructeur n a pas jugé que ceci était recevable pour la décennale. Je n’ai pas pris de dommages ouvrage car les assurances contactées demandaient un architecte.
    J’ai contacté un expert indépendant qui m’a indiqué que bien que pas grave, ceci était dû au fait qu’il n’y a pas de mur partie ancienne (appuie sur 3 côtés). J’avais signé un contrat avec 4 murs mais l’entreprise m’a dit au moment de la construction que 3 murs convenaient .
    L’expert me dit que n’ayant pas souscrit de DO, je suis à la fois M Ouvrage et M Oeuvre et donc je suis responsable, donc pas de recours.
    Pensez-vous que je puisse néanmoins saisir le tribunal pour réparer le préjudice (dévalorisation du bien, travaux de correction…) à titre de dommages intermédiaires ?

    Merci pour votre aide.

  3. campo

    Bonjour,
    Une entreprise est intervenue afin de réaliser des terrasses autour de la piscine. Les ouvriers ont pris le soin de protégercelle ci avec une bâche scotchée sur les margelles. Lors du retrait de la protection en fin de travaux, j’ai bien constaté
    que les margelles étaient devenues bi-colores mais pensant qu’il s’agissait simplement de scotch à nettoyer aucune réserve n’a été notifié sur le PV de réception, seul un mail a été transmis le lendemain. Depuis ce jour le professionnel
    n’a jamais repris contact avec nous malgré de nombreux appels téléphoniques.
    Ai-je un recours?

  4. volante

    Merci Maître pour vos résumés fort intéressants

    Si vous avez besoin d’un expert pour appuyer vos assignations en référé
    vous pouvez faire appel a mes services

    Concernant les sous traitants non agrées par le maître d’ouvrage et non assurés en décennale vis à vis de l entreprise principale tout cela se complique…..

    Patrice VOLANTE
    Expert près la Cour d’Appel de Nîmes

  5. Marie Laure Fouché

    Seule solution, saisir la justice. Si vous souhaitez une brève consultation téléphonique sur cette question (10 minutes) ou écrite (de quelques lignes à une page environ selon la question),
    Rendez-vous sur la plateforme dédiée.

  6. Bellattre

    Bonjour maître comment faire pr arrêter la garantie décennale qui ce termine debut juillet 2018 suite à plusieur vice cacher dans une maison !

  7. Marie Laure Fouché

    Pas beaucoup. Il vaudrait mieux demander un complément d’expertise judiciaire.

  8. JULIAT

    Bonjour,

    Quel poids peut avoir une expertise à l’amiable avec convocation de la partie adverse, suite à une expertise judiciaire qui n’a pas relevé toutes les malfaçons
    malgré les dires de mon avocat ?

    D’avance merci

  9. Marie Laure Fouché

    Pour une infiltration sur WC 4 ans après, la décennale pourrait effectivement intervenir.

  10. marchal

    bonjour maître
    j ai effectué des travaux de plomberie climatisation tout c est bien passer jusqu’à ce que le client 4 ans après et 4 ans d utilisation me dise qu’il a une fuite d eau sur un wc suspendue
    ma question ;es que nos travaux sont garantie durant la garantie décénale?
    et as qu’il y a une vétusté sur nos travaux pour la réparation ?
    et es que le client doit prendre aussi ses précautions et avoir un contrat d entretient climatisation même avec une entreprise spécialisé autre que la mienne ?
    merci de me lire cela m aidera a l avenir car il y a certes des entreprises peut sérieuse mais aussi des clients incorrecte et procédurier
    cdt marchal laurent

  11. Nadège

    Bonjour Maître,
    Qu’en est-il des malfaçons/dommages constatés lors de la construction ? Est-il possible de placer le règlement des appels de fonds dans un compte séquestre en attendant le règlement par le constructeur des problèmes ou devons-nous attendre la réception ?
    (nous avons un engagement écrit du constructeur à remplacer les « éléments jugés non viables » de la construction suite à une maison bois qui a subis 45 jours d’intempéries sans protection, mais la couverture sera posée semaine prochaine – donc la maison sera hors d’eau – alors que certains murs sont à changer.)
    Cordialement,

  12. LEFERD

    Bonjour Maître,
    J’ai fait changer des fenêtres en aluminium en 2013. Depuis je rencontres des difficultés ( fermeture défaillante, sifflement et air qui passe en cas de froid ou de vent). Mon assureur a mandaté un expert qui a conclu en faveur du poseur, en soulignant un défaut d’entretien de la VMC. Depuis des travaux de rénovation ont été effectués, le problème souligné perdure ce qui contredit (tardivement) l’expertise pré citée.Je demande aujourd’hui à la société d’intervenir dans le cadre du SAV en soulignant la garantie contractuelle. Cette dernière m’informe que le déplacement me coutera 77€ et devra être réceptionné avant le rendez vous, les ouvriers n’étant pas en capacité de recevoir de l’argent. Le déplacement est exclu de cette garantie ? Cette société fait preuve de mauvaise foi depuis le début, je dois lutter pour les faire venir. Merci pour vos conseils.

  13. Marie Laure Fouché

    Vous avez certainement intérêt à agir en justice au plus vite, car d’ici deux mois votre problème sera potentiellement prescrit…

  14. Lucas

    Bonjour Maître. En 2005, nous avons fait construire une maison individuelle que nous avons réceptionnée en mars 2006. Début 2009, des fissures ont commencé à survenir dans le carrelage au niveau du séjour et du couloir. Le constructeur a fait changé les 7 ou 8 carreaux abimés du séjour avec des carreaux en surplus, mais ceux du dégagement sont restés tels quels, faute de carrelage, le modèle n’existant plus. Or, les fissures du couloir ont continué à s’aggraver et présentent depuis 2 ans des affleurements et des failles dangereusement coupantes, tandis que plusieurs carreaux déjà changés dans le séjour se fendent à leur tour, ainsi que d’autres, situés sur la même ligne droite. D’autres, disséminés sur toute la surface du séjour et de la cuisine, se décollent.
    Après plusieurs échanges de courriers, nous avons enfin obtenu l’ouverture d’un dossier de sinistre par la garantie décennale qui a commis un expert. Dans ses conclusions, celui-ci note que « les fissures sont dues à l’absence de joint de dilatation sur la surface du rez-de-chaussée. A noter que cette surface est en diagonale, ce qui est un facteur défavorable en matière de dilatation. Elles sont dues aussi à des phénomènes de retrait de chape de ciment. Les décollements de carreaux sont dus à un défaut de mise en œuvre : absence ou irrégularité du scellement ou du collage » (scellement à l’origine et collage pour ceux qui ont été changés) . Nous venons de recevoir un courrier de l’assurance qui accepte d’indemniser le sinistre pour le couloir, mais refuse de prendre en charge le reste, alors qu’il s’agit d’un problème qui touche l’ensemble du carrelage posé d’un seul tenant sur 4 pièces. Nous nous retrouvons avec un vice caché dont les répercussions s’aggravent de semaine en semaine et de plus en plus vite. Après le 17 mars 2016, les autres carreaux affleureront à leur tour, d’autres se décolleront et se fissureront et nous n’aurons plus aucun recours. Pouvez-vous nous dire quels sont nos recours ?
    Cordialement

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