Avocat en construction et copropriété

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L’expertise judiciaire

En matière de construction, l’expertise judiciaire est généralement une étape incontournable. En effet, il est souvent particulièrement difficile pour un profane ou pour un juriste d’évaluer la consistance d’un désordre, son importance, les réparations nécessaires ou de déterminer les responsabilités. 

Il est donc utile de disposer d’un document technique reprenant toutes ces questions et qui pourra éclairer le Tribunal. 

Pourquoi diligenter une expertise judiciaire ? 

La question peut se poser dans la mesure où, souvent, le Maître d’ouvrage dispose d’une assurance Dommages Ouvrage, les entrepreneurs qui sont intervenus sont assurés, de sorte qu’une expertise amiable peut avoir lieu. 

Eh bien, tout simplement parce que devant un Tribunal, une telle expertise amiable… ne vaut rien, ou presque. Tout au plus, elle donne quelques indications au juge. Mais seul un rapport établi par un Expert judiciaire désigné par le Tribunal peut avoir un poids véritable. 

En outre, une expertise amiable est souvent partiale. L’assureur de l’entrepreneur tentera de minimiser les fautes commises par son assuré, l’assureur Dommages Ouvrage essaiera de s’en tirer au meilleur compte. 

Parfois, l’assureur fera tout pour faire traîner le dossier, dans l’espoir que l’affaire soit prescrite. 

Ainsi à moins que le Maître d’ouvrage considère que la réparation proposée par les assureurs est adéquate, ce qui est rare, il a tout intérêt à solliciter une mesure d’expertise judiciaire impartiale.

Comment procéder ? 

La demande d’expertise judiciaire peut se faire avant tout procès, ou en cours de procès si la demande a déjà été formulée. Dans les deux cas, il est très fortement conseillé de consulter un avocat, qui saura parfaitement comment s’y prendre. 

Votre avocat formulera ainsi une demande devant le juge, qui consistera à expliquer quels désordres vous subissez suite à la construction, et à demander la désignation d’un Expert qui aura une mission précise. 

Cette mission consistera généralement à examiner les désordres, déterminer leur cause et les modes de réparation, et donner un avis sur les responsabilités. 

En général, à moins que la demande ne paraisse tout à fait fantaisiste au juge, ce dernier ordonnera l’expertise. 

Avant que les opérations d’expertise ne puissent débuter, le juge ordonnera qu’une consignation soit versée. Il s’agit d’une somme d’argent, momentanément conservée par le service financier du Tribunal, et qui constitue une avance sur les honoraires de l’Expert. 

En pratique, elle est généralement de 1000 à 1500 Euros. La plupart du temps, c’est au Maître d’ouvrage d’avancer ce montant. A la fin de l’expertise, le Tribunal reverser la somme à l’Expert. 

Il faut néanmoins savoir qu’au final, ce sont les personnes responsables des désordres qui règleront l’Expert, de sorte que le Maître d’ouvrage sera dédommagé. 

Déroulement de l’expertise judiciaire

Une fois désigné, l’Expert écrira à toutes les parties concernées pour les convoquer à des réunions, celles-ci se déroulant généralement sur les lieux. 

Lors des réunions, les entrepreneurs concernés se présenteront, assistés de leur avocat et souvent d’un Expert amiable mandaté par leur assureur. Très souvent donc, une réunion d’expertise rassemble un grand nombre de personnes, qui doivent toutes pouvoir accéder aux lieux. 

Il est hors de question pour le Maître d’ouvrage de refuser l’entrée à quelqu’un au motif qu’il ne veut pas tout ce monde dans son appartement. 

Le rôle de l’avocat du Maître d’ouvrage est d’expliquer à l’Expert quels sont les désordres et de lui donner tout document pertinent de nature à lui permettre de comprendre la situation : plans, devis, procès verbaux de réception, factures… L’Expert pourra également examiner avec profit les éventuels rapports rédigés avant son intervention par les experts Dommages Ouvrage ou d’assurance. 

Le rôle des avocats des entrepreneurs et de leurs experts particuliers est au contraire de discuter l’existence des désordres, leur importance, ou leur imputabilité à leur client. Ainsi une expertise peut se dérouler courtoisement, ou de façon plus houleuse. 

Outre son avocat, le Maître d’ouvrage est libre de se faire assister d’un architecte ou d’un expert amiable, à même d’adresser à l’Expert judiciaire des observations techniques pertinentes. En effet, l’avocat a au cours de l’expertise un rôle essentiellement juridique, et ne peut apporter d’assistance technique. 

La fin de l’expertise judiciaire

Une fois que l’Expert estime avoir examiné tout ce qui était nécessaire, il cesse de provoquer des réunions. 

Il adresse généralement aux parties une note de synthèse, dans laquelle il explique la position qu’il compte prendre dans son rapport définitif. 

Les parties ont alors un délai (généralement d’un mois) pour formuler des observations sur cette position, soit pour aller dans le sens de l’Expert, soit pour tenter de le faire changer d’avis. 

Une fois ces observations formulées, l’Expert dépose un rapport qui met en évidence les causes des désordres, les responsabilités et le montant des travaux de reprise nécessaires. 

Dès lors, il appartient à l’avocat du Maître d’ouvrage d’exploiter ce rapport dans une demande formulée au Tribunal afin d’obtenir l’indemnisation des dommages subis. 

Mise à jour : Si vous souhaitez consulter d’autres articles sur l’expertise judiciaire, cliquez sur ce lien et vous serez dirigé vers la liste des billets qui s’y rapportent.

Vices de la construction : méfiez vous des assureurs qui font traîner les dossiers

Parfois, il faut se méfier des assureurs en matière de construction.

Dans des billets précédents, j’avais évoqué la garantie décennale (tout d’abord ici, et ensuite là) qui bénéficie au Maître d’ouvrage. 

J’avais précisé que la garantie décennale pouvait être mise en jeu dans un délai de dix ans à compter de la réception. C’est l’application pure et simple de l’article 1792-4-1 du Code Civil

Lorsqu’un Maître d’ouvrage s’aperçoit des désordres affectant sa construction, son premier mouvement est naturellement de tenter un recours amiable auprès des assureurs afin d’obtenir que l’assureur du constructeur fautif l’indemnise. 

L’assurance est un système merveilleux, les assureurs sont des gens formidables. Sauf que parfois… ils n’ont aucune envie d’indemniser les assurés ou les tiers ayant subi un dommage, et ne bougent pas tant qu’ils n’ont pas une décision judiciaire les condamnant. 

Du coup, certains assureurs n’hésitent pas à faire traîner un dossier plusieurs mois ou plusieurs années, afin qu’au moment où le Maître d’ouvrage, excédé, va finalement consulter un avocat, le délai de dix ans soit écoulé. L’assureur a alors beau jeu d’invoquer la prescription décennale pour refuser toute prise en charge. 

J’ai pu traiter récemment un tel dossier. La construction avait été achevée en 1993 (ce qui avait pour effet de faire s’achever le délai en 2003). Des fissures ont été constatées en 1996 puis 1999. L’assureur du constructeur responsable a fait traîner le dossier en proposant une indemnisation d’environ 1200 Euros, c’est-à-dire de moins de 1% du montant total nécessaire aux travaux de remise en état. Il a ainsi réussi à atteindre le début de l’année 2004 sans qu’une action judiciaire soit engagée. Et aujourd’hui il est diablement difficile de mettre en oeuvre les moyens juridiques nécessaires pour démontrer au Tribunal qu’en réalité, la prescription n’est pas acquise. 

Dès lors, si vous avez des difficultés relatives à la construction, n’attendez surtout pas le bon vouloir de l’Expert d’assurances et, tout particulièrement si vous ne bénéficiez pas d’une assurance Dommages Ouvrage, consultez au plus vite un avocat avant qu’il ne soit trop tard.

La garantie de parfait achèvement

Eglise à Lübeck (Allemagne)Qu’est ce que la garantie de parfait achèvement ?

La garantie de parfait achèvement est un dispositif supplémentaire qui s’offre au Maître d’ouvrage mécontent des travaux réalisés. 

Il convient de rappeler que le Maître d’ouvrage dispose de la garantie décennale, évoquée ici et puis , pour obtenir l’indemnisation des vices cachés qui se révèlent dans un délai de dix ans à compter de la réception. 

Mais tous les vices de la construction ne sont pas cachés, et certains peuvent apparaître très vite. Ils entrent ainsi dans le champ de la garantie de parfait achèvement.

Quels dommages sont concernés par la garantie de parfait achèvement ? 

Il existe deux sortes de dommages concernés. Les premiers sont ceux qui ont été réservés à la réception et qui en tant que tels échappent à la garantie décennale. 

Cela signifie que le Maître d’ouvrage, de préférence assisté de son architecte, a tout intérêt lors de la réception à s’assurer de la conformité des travaux et à ne pas hésiter à inscrire des réserves. En effet, même si ces dernières ne peuvent être couvertes par la garantie décennale, elles le sont par la garantie de parfait achèvement. 

La seconde catégorie concerne les dommages qui se sont révélés dans un délai d’un an à compter de la réception de l’ouvrage. Toutefois, il faut préciser que le délai dans lequel les travaux de reprise doivent être effectués peut déborder du délai d’un an. En effet, une fois que le désordre lui a été dénoncé par le Maître d’ouvrage, il peut trouver réparation après l’expiration de ce délai d’un an. 

Il est ainsi à noter que la garantie de parfait achèvement peut se cumuler avec la garantie décennale lorsqu’elle concerne non pas des réserves mais des désordres cachés. 

Par ailleurs, dans le cas d’un contrat de construction de maison individuelle, le Maître d’ouvrage dispose en outre de la garantie de livraison qui couvre les désordres réservés à la réception ou découverts dans un délai de huit jours à compter de celle-ci. 

Fonctionnement de la garantie de parfait achèvement 

Le fonctionnement de la garantie est simple : sur demande du Maître d’ouvrage faite par courrier recommandé avec avis de réception, l’entreprise est forcée de réparer les désordres qui lui sont dénoncés. 

Si la mise en demeure de réaliser les travaux de reprise n’est pas suivie d’effet, le Maître d’ouvrage peut alors les faire réaliser aux frais et risques de l’entreprise récalcitrante.

Enfin, pour aller plus loin, vous pouvez consulter l’article expliquant pourquoi la garantie de parfait achèvement est vraiment utile, et celui expliquant comment l’actionner.

La garantie de livraison due par le constructeur de maison individuelle

Pour continuer au chapitre des protections dont bénéficie le Maître d’ouvrage, voici, en réponse à un commentaire, un rapide billet concernant la garantie de livraison dont il bénéficie dans le cadre du contrat de construction de maison individuelle.

Il convient de noter que cette garantie s’applique, peu important que le constructeur fournisse les plans de la maison ou pas.

Cette garantie obligatoire protège le Maître d’ouvrage contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution du constructeur de maison individuelle, à prix et délais convenus.

En principe, le garant est un établissement de crédit, qui joue en pratique un rôle de caution. Son rôle consiste ainsi à s’assurer que la maison individuelle sera achevée, sans dépassement du prix convenu à l’origine. Le garant peut ainsi devoir désigner une autre entreprise pour terminer les travaux en cas de carence du constructeur, et prendre en charge les surcoûts.

Puisque la garantie a pour effet de permettre l’achèvement de la maison, elle cesse à la réception de celle-ci, ou, si des réserves ont été formulées dans les huit jours de la réception, à leur levée.

Le mécanisme de cette garantie est donc bien distinct de celui tant de la Dommages Ouvrage que de la garantie décennale, qui ne concernent que les désordres cachés, donc nécessairement non réservés à la réception.

Cette garantie de livraison n’a en effet pas vocation à offrir une protection « longue durée » mais à assurer au Maître d’ouvrage que l’ouvrage sera terminé.

Mais comme un bonheur ne vient jamais seul, il est tout à fait envisageable que des désordres apparaissent plus de huit jours après la réception. Ainsi, après que la garantie de livraison ait été mise en jeu, il est possible de solliciter la réparation des désordres cachés dans le cadre de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale.

L’assurance Dommages Ouvrage

P1020585De quoi s’agit-il ? 

L’assurance Dommages Ouvrage est une assurance à laquelle celui qui fait procéder à une opération de construction, le Maître d’ouvrage, doit impérativement souscrire. Elle a pour but de lui permettre d’être indemnisé rapidement des dommages de la construction, sans qu’il soit nécessaire d’entamer un procès. 

Dans ce cas, l’assureur préfinance l’indemnisation des dommages, pour ensuite se faire rembourser par les véritables responsables des désordres (entreprises de construction…)

Qui souscrit cette assurance ? 

A l’origine, tout Maître d’ouvrage avait l’obligation de souscrire une Dommages Ouvrages. Depuis 1989, cette obligation a été restreinte au propriétaire de l’ouvrage, à son mandataire, au vendeur de l’ouvrage. Les personnes morales sont autant soumises à l’obligation que les personnes physiques. 

Qui profite de la garantie ? 

Naturellement, c’est celui qui a souscrit la garantie qui en bénéficie en cas de dommage. Toutefois, si le souscripteur est par exemple un promoteur qui a vendu les appartements à des particuliers, ceux-ci bénéficient alors de l’assurance. Ainsi, l’assurance se transmet aux propriétaires successifs du bien. 

Cela signifie par ailleurs que le locataire, d’une part, ne doit pas souscrire l’assurance, mais également qu’il n’en est jamais le bénéficiaire. C’est ainsi le bailleur, même en cas de bail commercial, qui reçoit l’éventuelle indemnité. C’est par ailleurs une solution logique, dans la mesure où généralement, le locataire d’un local n’a pas lieu de faire réaliser des travaux de construction, seulement des aménagements. 

Quels dommages sont concernés ?

L’assurance Dommages Ouvrage n’a pas vocation à réparer tous les désordres de la construction. Elle ne concerne en effet que les dommages décennaux. Je vous renvoie au premier billet traitant de ces dommages, ainsi qu’au second, pour plus de détails. 

En outre, l’assurance Dommages Ouvrage ne concerne que les malfaçons, et pas les non façons. Cela signifie qu’elle indemnise des travaux mal réalisés, mais pas des travaux non réalisés par un entrepreneur défaillant. 

Par conséquent, l’assurance Dommages Ouvrage ne concerne que les dommages matériels. Elle n’a pas vocation à indemniser par exemple un trouble de jouissance. 

Quand souscrire l’assurance ? 

L’assurance doit être souscrite avant l’ouverture du chantier. De la sorte, il est certain qu’elle est antérieure aux éventuels désordres. De façon exceptionnelle, elle peut être souscrite après l’ouverture du chantier s’il est certain qu’aucun désordre n’est connu à ce moment du Maître d’ouvrage. 

Il est important de respecter cette condition de forme. En effet, l’assurance étant un contrat n’ayant vocation à s’appliquer que dans le cas de la réalisation d’un aléa, c’est-à-dire d’un dommage, elle ne peut fonctionner si l’aléa est certain, c’est-à-dire le dommage réalisé. 

N’hésitez pas à demander conseil à votre architecte, qui doit vous conseiller et vous informer sur ces points. 

Quand l’assurance Dommages Ouvrage commence t’elle à couvrir le risque ? 

L’assurance Dommages Ouvrage couvre le risque à compter d’un an après la réception, c’est-à-dire à partir de l’achèvement de la garantie de parfait achèvement, qui fera l’objet d’un billet ultérieur. 

Fonctionnement de l’assurance et délais obligatoires

Tout d’abord, en cas de dommage, le Maître d’ouvrage doit faire une déclaration de sinistre à son assureur dans les deux ans au maximum de la réalisation du sinistre. Une fois le délai de deux ans dépassé, l’assureur peut refuser sa garantie. Il est ainsi prudent de faire la déclaration par courrier recommandé avec accusé de réception afin de donner une date certaine à la déclaration. 

Ce délai de deux ans peut présenter un très grand intérêt. En effet, supposons qu’un dommage survienne juste avant la fin du délai décennal, ce qui empêche d’intenter une action décennale par manque de temps. Le Maître d’ouvrage dispose alors, malgré tout, d’un délai de deux ans pour saisir son assurance Dommages Ouvrage. 

Toutefois, l’assureur n’ayant pas vocation à supporter le sinistre mais à le répercuter ensuite sur les constructeurs, il est sage d’agir le plus vite possible pour lui permettre d’exercer ses propres recours. 

La réception de la déclaration par l’assureur fait alors courir des délais. 

A compter de la réception de la déclaration, l’assureur a ainsi un délai de 60 jours maximum pour notifier à son assuré sa position, de garantie ou de non garantie. 

Si l’assureur accepte de garantir le dommage, il dispose d’un délai de 90 jours maximum toujours à compter de la réception de la déclaration de sinistre pour formuler une offre d’indemnité. 

Si l’assuré accepte l’offre, il faut que l’indemnité soit réglée dans un délai de 15 jours. 

Ainsi, toute l’opération est enserrée dans un délai total d’environ trois mois et demi. 

Le Maître d’ouvrage qui a reçu l’indemnisation de son assureur peut alors en disposer pour réaliser les travaux. 

En revanche, si l’assureur ne respecte pas les délais imposés ou fait un offre manifestement insuffisante, l’assuré peut financer lui-même les dommages, son assureur voyant l’indemnité majorée d’un intérêt double de l’intérêt légal. Dès lors, c’est au juge saisi du litige de décider le montant définitif de l’indemnité. 

Ainsi, le Maître d’ouvrage qui préfinance lui-même la réparation des désordres a tout intérêt à se montrer raisonnable dans le choix du mode de réparation, afin d’avoir une bonne chance que l’assureur soit condamné à le rembourser intégralement. 

Toujours est-il que si l’assureur préfinance l’indemnisation des désordres, il lui reste alors à obtenir des responsables des dommages la restitution des sommes qu’il a versées.

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter ces articles:

La garantie décennale au secours du maître d’ouvrage (II)

IMG_1115Comme annoncé, voici la seconde partie de la synthèse consacrée à la garantie décennale, et plus précisément, aux conditions qu’il faut remplir pour qu’elle puisse être mise en oeuvre. 

Ces conditions sont édictées par l’article 1792 du Code Civil qui dispose : 

« Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ».

Tout d’abord, la garantie décennale ne concerne que les « ouvrages ». Avant la réforme qui a abouti à l’article 1792 précité, on parlait d’édifices, ce qui était plus restrictif. L’ouvrage est une définition large qui englobe l’ensemble de la construction, avec ses éléments constitutifs et d’équipement. 

Il s’agit naturellement de tous les bâtiments, mais également des voies et réseaux divers, opérations immobilières telles que golfs, parcs et jardins, piscines… Constitue un ouvrage toute opération immobilière nouvelle, mettant en oeuvre les techniques du bâtiment. En revanche, cet ouvrage doit être ancré au sol : par exemple, pas de garantie décennale pour un mobil home. 

Autrement dit, si vous faites repeindre votre appartement, n’espérez guère bénéficier d’une garantie décennale. Si vos faites surélever votre pavillon ou faites réaliser une rénovation lourde se traduisant par l’apport d’éléments nouveaux, cette garantie peut être mise en oeuvre. 

Ensuite, quels dommages sont concernés par la garantie décennale? La question est d’importance car tous les désordres ne sont pas concernés. En effet, il faut que le désordre ait été caché à la réception de l’ouvrage. Plus précisément, il faut qu’il n’ait pas été apparent. 

Le critère du caractère apparent du dommage est cependant très strict : on considère qu’est un dommage apparent celui que tout maître d’ouvrage profane aurait pu constater, tant dans sa manifestation que dans ses causes et ses conséquences. Autrement dit, ne sera considéré comme dommage apparent que celui qui saute aux yeux. 

Par exemple, la piscine devait avoir dix mètres de longueur et elle n’en a que huit. En revanche, si le matériau recouvrant les parois de ladite piscine n’est pas convenablement étanche, le Maître d’ouvrage est dans l’incapacité de le voir et le dommage sera considéré comme caché, donc susceptible de concerner une garantie décennale. Plus compliqué, supposons l’existence d’une fissure clairement visible. Si les conséquences dommageables n’apparaissent qu’ensuite, le maître d’ouvrage pourra recourir à la garantie décennale. 

Attention : le point de départ de la garantie débute à la réception de l’ouvrage. Ainsi, il n’est guère avisé pour un Maître d’ouvrage de refuser la réception au motif qu’il considère que subsistent quelques défauts d’achèvement. Il sera mieux protégé lorsque la garantie aura commencé. Il est donc préférable de réceptionner l’ouvrage et d’inscrire les réserves sur le procès verbal (l’assistance de l’architecte est vivement conseillée à ce stade). Certes, les désordres réservés échappent à la garantie décennale, puisqu’ils ne sont plus cachés mais apparents, mais le Maître d’ouvrage a d’autres moyens, qui feront l’objet d’un billet ultérieur [Edit : voir le billet sur la garantie de parfait achèvement et celui sur la garantie de livraison de la maison individuelle] d’obtenir la levée des réserves, qui en toute hypothèse sont nécessairement minimes, sinon il n’y aurait pas réception.

Cela ne veut cependant pas dire qu’il faut réceptionner à tout prix. Si l’ouvrage n’est manifestement pas terminé, il est préférable de refuser la réception.

Enfin, le désordre caché affectant l’ouvrage doit compromettre sa solidité ou le rendre impropre à sa destination. Ces deux conditions sont alternatives, de sorte qu’il suffit qu’une seule soit remplie pour que la garantie décennale puisse être mise en jeu. Naturellement, elle peut l’être si les deux conditions sont cumulativement remplies. 

L’atteinte à la solidité de l’ouvrage. Les tribunaux refusent de prendre en compte les désordres mineurs comme des fissures minuscules. Le critère d’atteinte à la solidité ne se réfère pas, fort heureusement, à une telle atteinte à la solidité de l’ouvrage que ce dernier court un risque d’effondrement. Il concerne plutôt la stabilité et le caractère durable de l’ouvrage. 

Le critère est ainsi rempli si des fissurations en façade rendent l’ouvrage moins étanche et plus vulnérable aux assauts du temps. En revanche, une fissure purement esthétique n’est pas prise en compte. 

L’impropriété de l’ouvrage à sa destination. Voici un critère un peu plus complexe. Là encore, la solution retenue n’est pas maximaliste, et il ne faut pas que l’ouvrage soit totalement inhabitable pour que le critère soit retenu. 

En outre, l’importance du vice en soi est hors de propos. L’impropriété à destination a pu résulter d’un écrou mal serré. Autrement dit, un seul vice caché, même minime, peut entraîner l’impropriété. 

Cette impropriété de l’ouvrage à sa destination peut se manifester de façons extrêmement variées. Une chambre dont l’étanchéité est mal faite et dans laquelle il fait très froid est impropre à sa destination. Il en va de même pour l’absence d’étanchéité de la toiture, ou des fissures présentes dans le carrelage de tout un appartement. 

En revanche, certains vices ne portent pas atteinte à la destination de l’ouvrage. C’est une fois de plus le cas des fissures mineures, au caractère purement esthétique et aisément réparables. 

Ainsi, si le Maître d’ouvrage a la chance, dans son malheur, que l’ensemble de ces conditions soient remplies, il a de fortes chances d’obtenir en justice l’indemnisation de son préjudice. Celle-ci correspondra naturellement aux sommes nécessaires aux travaux réparatoires, mais également, le cas échéant, aux préjudices de jouissance ou autres qui auront été occasionnés par le dommage. Par exemple, il est fréquent qu’entre dans le préjudice, si les travaux nécessaires excluent l’habitation des lieux, le montant des frais de logement et de bouche des occupants momentanément délogés. 

Enfin, il faut savoir que de tels litiges sont d’une grande technicité, de sorte que le Tribunal ne se détermine pratiquement jamais d’après les simples dires des parties. La mise en jeu de la garantie décennale donne quasi systématiquement lieu à une expertise judiciaire afin que le Tribunal puisse être éclairé, par un technicien compétent et impartial, sur la consistance des désordres et les conséquences de ces derniers. Eu égard à la longueur de cet article, le déroulement d’une expertise donnera lieu à un billet ultérieur.

La garantie décennale au secours du maître d’ouvrage (I)

Le problème des travaux de construction défectueux ne date pas d’hier. Déjà dans Astérix et Cléopâtre, Numérobis est l’exemple même du constructeur raté, dont les réalisations bancales menacent de s’effondrer au moindre souffle. 

Heureusement, le maître d’ouvrage a qui commandé des travaux et qui constate que ces derniers ont été mal réalisés est aujourd’hui mieux protégé qu’il y a deux millénaires. 

En effet, il dispose de plusieurs moyens pour obtenir réparation du préjudice qu’il subit, dont le plus important est la mise en jeu de la garantie décennale. 

Quel est le principe de la garantie décennale ? Cette garantie a pour effet que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit des dommages affectant ce dernier, et ce pendant une durée de 10 ans à compter de sa réception. 

L’intérêt de ce mécanisme est que le Maître d’ouvrage est ainsi raisonnablement certain que le dommage qu’il subit sera indemnisé. En effet, le Maître d’ouvrage peut ne s’adresser qu’à un seul constructeur, même s’il n’a commis aucune faute, pour être totalement indemnisé. 

Prenons un exemple. Un particulier veut faire construire un pavillon. Interviennent alors un architecte, une entreprise générale A, sa sous traitante chargée du gros oeuvre l’entreprise B, ainsi qu’un bureau de contrôle. 

L’ennui, c’est que l’entreprise B chargée du gros oeuvre n’a pas convenablement monté un des murs de la maison qui joue et se lézarde, à tel point que la porte fenêtre adjacente ne s’ouvre plus. La faute commise par l’entreprise ne concerne que ce mur, a été ponctuelle. L’architecte et le bureau de contrôle n’ont eu aucune chance de constater le problème et n’ont rien à se reprocher, et pas davantage l’entreprise A, qui ne réalisait pas elle-même ces travaux. 

Se rendant compte du problème, le Maître d’ouvrage s’adresse à l’entreprise B, et découvre (ce qui est très fréquent) qu’elle est en liquidation judiciaire : il n’obtiendra certainement rien d’elle pour réparer ses fondations. Ainsi, sans le mécanisme de la garantie décennale, il serait bien dépourvu, et devrait prouver à grand peine qu’un autre des constructeurs du pavillon a commis une faute qui a entraîné le dommage des fondations : mission impossible. 

Avec la garantie décennale, les choses sont plus simples. Le Maître d’ouvrage pourra s’attaquer à l’architecte, à l’entreprise A, au bureau de contrôle, et aux assureurs de toutes ces personnes. 

Si le dommage est prouvé, et s’il remplit les conditions, toutes des personnes mises en cause seront condamnées ensemble à indemniser le Maître d’ouvrage à hauteur des sommes attribuées par le Tribunal. Ainsi, le Maître d’ouvrage pourra demander à un seul des constructeurs de lui régler l’intégralité du montant. 

Ensuite, ces constructeurs s’arrangeront entre eux pour déterminer qui est véritablement responsable des désordres. Selon toute probabilité, c’est l’assureur de l’entreprise fautive B qui supportera finalement la charge de l’indemnisation du Maître d’ouvrage. 

Modifions un peu notre exemple. Supposons que le Maître d’ouvrage, au lieu d’avoir convoqué architecte et entreprises, ait acheté la maison à un promoteur, qui avait lui-même contracté avec l’ensemble de ces intervenants. Il suffira tout simplement au Maître d’ouvrage de s’attaquer au promoteur, qui se verra forcé d’indemniser son acquéreur, et devra ensuite aller demander des comptes aux intervenants sur le chantier, et notamment, par exemple, à l’assureur de l’entreprise B. 

Ainsi, la garantie décennale offre véritablement au Maître d’ouvrage la possibilité d’être indemnisé et ainsi de faire réparer les dommages qui apparaîtraient sur son bien dans les dix ans de son achèvement. 

Toutefois, cette garantie, pour pouvoir être mise en oeuvre, suppose naturellement qu’un certain nombre de conditions soient remplies. Elles seront évoquées au cours d’une note ultérieure.

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