Avocat en construction et copropriété

Étiquette : contradictoire

Être Avocat, c’est quoi?

Une fois n’est pas coutume, je n’aborderai pas dans ce billet une question de droit, mais quelques informations générales sur le métier d’Avocat, du moins tel que je le pratique.

En effet, en ces temps où l’on parle beaucoup accès à l’université, il me semble utile de faire un article, raisonnablement bref, sur ce métier.

Car il me semble que nombre de lycéens et étudiants divers souhaitent l’exercer, sans avoir vraiment la moindre idée de ce qu’il recouvre, ni de ce que constitue l’exercice du droit.

Ils (elles) se retrouvent donc en première année de droit en ignorant presque tout de ce à quoi cela correspond.

Il peut donc être utile d’avoir une petite idée de la sauce à laquelle on va être mangé.

Les études de droit

S’engager dans des études de droit pour être avocat, c’est avant toute chose apprendre le raisonnement juridique. Certes on va vous demander d’apprendre un certain nombre de choses par coeur, et à vrai dire (du moins à mon époque, dans les temps reculés de la préhistoire où je chassais ma pitance avec mon dinosaure de compagnie) la première année, on ne fait pas vraiment de droit, mais de l’histoire, des relations internationales, de l’étude de la Constitution…

Toutes choses plutôt intéressantes, mais pas vraiment du droit.

À partir de la deuxième année vous allez commencer à vraiment étudier la chose, avec un certain nombres de matières qu’il faudra commencer à gober. Et, ne nous le cachons pas, il y aura énormément de travail de mémoire.

Mais ce que vous devez apprendre à ce moment là, c’est le raisonnement juridique.

D’une façon générale, nombre de mes billets l’abordent. Mais plus spécifiquement, je vous conseille de lire la série de quatre billets qui y sont consacrés, et qui commence par celui-ci.

Vous pourriez aussi lire des articles sur divers grands principe du droit, que l’on trouve tous ici, et par exemple ceux consacrés aux responsabilités contractuelle et délictuelle, au principe selon lequel nul n’est censé ignorer la loi, à la force majeure ou encore au principe (sacré) du contradictoire.

Ainsi, d’une façon générale, faire du droit, c’est connaître la règle concernant une question donnée, et voir comment l’appliquer (ou non) à la situation qui se présente à vous.

Par exemple, il est interdit, par sa faute, de blesser quelqu’un. C’est une application du principe de la responsabilité délictuelle. Cas pratique: j’ai ramassé de cailloux, puis-je les lancer contre mon petit camarade ?

  • Réponse 1 : Non, c’est interdit par la loi
  • Réponse 2 : Sérieusement, relisez les lignes qui précèdent. Indice : la réponse 1 est la bonne.

Donc, une fois que vous aurez fait vos années de droit (a priori, 5 pour avoir un master) vous envisagerez, peut être, de devenir avocat. Mais pas forcément, de études de droit peuvent mener à de nombreuses autres carrières (juriste en entreprise, magistrat, police, médiateur, Président de la République…)

Que fait un Avocat

Alors, être avocat, c’est quoi ? Ce n’est certainement pas brailler « Votronneur » à un juge.

Evidemment, ça dépend de la branche du droit que vous avez choisie (civil, pénal, public, des affaires…) et de votre exercice (collaborateur, voire salarié, dans un cabinet, à votre compte seul ou avec des associés, dans une petite ou une grande structure…)

Pour ma part, j’exerce à titre individuel, en matière civile, et je m’occupe essentiellement de contentieux. Cela veut dire que j’assiste mes clients dans le cadre de leurs procès.

Une telle activité implique notamment un gros travail de dossier.

Attendez-vous à potasser des heures la pile de documents (ou les gigaoctets) remis par vos clients, pour comprendre de quoi il retourne et être capable d’en faire la synthèse, d’en tirer ce qui est intéressant, et au final de rédiger un document plus ou moins long (assignation, conclusions…) mais généralement d’une petite dizaine de pages au moins, pour présenter l’affaire au juge. Ou pour rédiger un contrat, ou un protocole d’accord. La liste est pratiquement infinie.

Il faut donc apprécier de lire beaucoup et d’écrire, beaucoup aussi.

On vous demandera aussi un travail de recherche, pour affiner votre analyse juridique du sujet. Même si vous êtes spécialisé dans un domaine, ça n’empêche pas de chercher souvent des éléments plus précis que ceux que l’on connaît déjà.

Mais être avocat, ce n’est pas que se prélasser dans son fauteuil en compulsant de codes.

Il s’agit aussi, souvent, d’être par monts et par vaux constamment, en expertise le matin et en audience l’après midi. C’est surtout vrai lorsque vous avez une activité contentieuse. Bien moins si vous passez votre journée à rédiger des contrats ou des actes de fusion acquisition.

Donc, il faut faire un gros travail de réflexion qu’il faut ensuite présenter, au juge, au client, à l’adversaire…

Ce qui souvent nécessite une bonne maîtrise de l’oral. Car même si vous avez très bien préparé votre dossier, la plupart du temps, il faudra le plaider. Il est vrai que maintenant, les juridictions s’appuient de plus en plus sur l’écrit, guère sur l’oral. Mais si vous êtes incapable de présenter votre affaire clairement et de façon percutante, cela va certainement indisposer le juge qui risque d’avoir un apriori de départ négatif.

Parfois vous vous retrouverez en conférence de presse, mais c’est quand même très rare. Personnellement, je ne pense pas que ça m’arrive jamais (plus si vous vous orientez vers le pénal). Tout ça pour dire qu’il ne faut pas choisir ce métier pour le feu des projecteurs.

En synthèse, c’est un métier très gratifiant, mais qui peut être difficile voire ingrat.

Avantages et inconvénients 

Les avantages:

  • La maîtrise de votre activité (du moins quand vous êtes votre propre patron)
  • La possibilité de percevoir une bonne rémunération si tout se passe bien
  • Un métier foncièrement intéressant
  • Le lien direct avec la clientèle

Les inconvénients:

  • Le risque de précarité si vous n’arrivez pas à avoir assez d’affaires à traiter. Il ne faut pas croire que tous les avocats sont des nantis, nombreux sont ceux qui essaient de joindre les deux bouts.
  • Une potentielle surcharge de travail et l’épuisement qui va avec, sachant que ce n’est pas incompatible avec la précarité, malheureusement
  • Comme tout entrepreneur, pas d’horaires fixes, on travaille à toute heure selon les choses à faire
  • La gestion, fréquente, de l’urgence, et le stress associé
  • Le risque d’impayés (sauf si vous êtes avocat salarié, c’est peu fréquent mais ça existe)
  • Une couverture sociale très mince (pas d’assurance chômage…), donc un travail sans filet

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Puis-je me contenter d’une expertise amiable?

la voie étroiteJ’ai déjà fait divers billets sur l’expertise judiciaire, et notamment un qui explique qu’il n’est pas forcément judicieux de se passer d’une telle expertise pour des raisons techniques. Mais peut-on envisager de se passer de l’expertise judiciaire et de se contenter d’une expertise amiable ?

La question est d’importance dans la mesure où une expertise judiciaire est longue et coûteuse.

Coûteuse, car il est indispensable de saisir le juge pour que l’Expert judiciaire soit désigné, ce qui implique des coûts de procédure (honoraires de l’avocat pour l’assignation en référé, l’audience, le suivi de l’expertise…) Il est vrai que si l’on demande l’expertise devant le juge des référés, on a le droit de se passer d’avocat; cela ne signifie toutefois pas que ce soit très judicieux car monter un dossier de demande d’expertise ne s’invente pas.

Longue car le délai d’une expertise n’est pratiquement jamais inférieur à un an: entre le temps que la consignation soit payée par le demandeur, qu’il y ait une première convocation, que plusieurs réunions (au moins deux généralement) soient organisées, qu’il y ait des délais (jamais moins d’un mois, souvent plus) pour permettre aux parties d’échanger pièces et argumentaire dans le respect du contradictoire, la mesure s’éternise souvent. Sans compter le délai de l’après expertise et les suites qu’on peut espérer.

Dès lors la tentation d’éviter totalement l’expertise judiciaire pour mettre en place une expertise amiable est grande. Surtout que l’on pourra penser que les conclusions de l’Expert amiable seront tout aussi valables que celles de l’Expert judiciaire, pour fonder une demande en justice.

C’est un tort. Certes, la Cour de Cassation considère que les éléments amiables doivent être pris en considération s’ils ont été discutés contradictoirement (par exemple, arrêt du 18 février 2016).

Mais de façon constamment réaffirmée, elle considère surtout que:

« Si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties« .

Dès lors, penser que l’on peut substituer une expertise amiable à une expertise judiciaire est une fausse bonne idée, vu que l’expertise amiable ne vous permettra pas de disposer de la preuve dont vous avez besoin devant le juge. Autant, en conséquence, faire directement une expertise judiciaire, qui vous permettra ensuite d’avancer sur votre dossier même si là aussi cela prend un certain temps.

Et ce d’autant, comme je l’exposerai dans un autre billet, que l’on ne peut pas demander une expertise à n’importe quel moment sans risque.

Billet d’humeur de procédure et d’expertise

ExpertiseUn billet d’humeur sur la procédure, ciel, allez vous dire, voulez vous nous faire mourir d’ennui ?

Ah, peut être ; on verra bien qui arrive au bout de cet article (qui, il est vrai, sera probablement mieux compris dans toute son amertume par d’autres avocats). 

Pour que vous compreniez bien, je dois d’abord préciser que le code de procédure civile impose une règle particulière en cas d’expertise, si on souhaite que la mission de l’Expert soit étendue à de nouveaux désordres (car je vous rappelle que l’Expert n’est désigné que pour examiner des désordres bien précis, et pas tout ce qui passe par la tête du demandeur). 

Cette règle, énoncée à l’article 245 du code, précise que la mission ne peut être étendue à d’autres désordres sans l’avis de l’Expert. 

En pratique, lorsqu’on prépare l’assignation pour demander l’extension de la mission, on envoie le projet à l’Expert pour lui demander son avis ; il est rare qu’il refuse. Un tel refus n’arrive, par exemple, que si la demande est particulièrement tardive. 

Le jour de l’audience, en même temps que l’assignation et les pièces, on remet au juge l’avis de l’Expert. 

L’usage n’impose pas de le communiquer aux autres parties : c’est après tout un document sans grand intérêt, qui ne suscite guère de discussion ; l’Expert est d’accord ou pas. S’il n’est pas d’accord, l’audience, à la limite, ne peut même pas avoir lieu puisque la demande est vouée à l’échec ab initio. 

Déjà, premier mouvement d’humeur : selon le texte de loi, cet avis de l’Expert doit être fourni si on veut étendre sa mission. PAS si on veut que d’autres personnes deviennent parties à l’expertise : le code reste taisant sur cette question. 

C’est d’ailleurs assez logique : l’Expert en sa qualité de technicien a vocation à donner son avis sur d’autres désordres techniques pour lesquels on sollicite son avis. Par exemple, il serait logique qu’il refuse si on veut qu’il examine des désordres qui n’existent pas, ce qu’il a pu constater… 

En revanche, savoir qui sera mis en cause ou pas est plutôt une question juridique qui échappe à son domaine de compétence. 

Aussi, si on veut que l’assureur du plombier soit mis en cause, en principe, on n’a pas à demander l’avis de l’Expert. 

Eh bien, les juges ont décidé que malgré tout l’Expert devait quand même donner un avis sur la mise en cause d’une nouvelle partie. Cela résulte d’un usage, mais aucun texte légal ne l’impose. Pour éviter les discussions et ne pas faire de vagues, et vu qu’il est très rare, comme je le disais, que l’Expert refuse, les avocats se plient à cette habitude. 

Voici pour les explications. Venons en à ma mauvaise humeur. 

Ainsi, voici quelques temps, je m’avise d’aller solliciter qu’une ordonnance ayant désigné un Expert soit rendue commune à d’autres parties. Je précise que je n’ai pas demandé d’extension de mission à d’autres désordres, seulement une ordonnance commune. 

J’ai néanmoins demandé l’avis de l’Expert comme un petit avocat bien sage que je suis. 

Le jour dit, la magistrate du Tribunal d’Instance qui depuis le début de l’audience arborait une mine aussi réjouie et avenante qu’une cellule de dégrisement me demande de fournir l’avis de l’Expert. 

Je m’exécute, secrètement agacée comme à chaque fois, mais bon. 

Elle demande ensuite si j’ai communiqué copie dudit avis aux autres parties. Bien sûr, je ne l’avais pas fait, ce n’est pas l’usage et ce n’est pas utile sur le plan du contradictoire. 

Et là, Madame le juge me fait toute une histoire et fait mine de refuser d’examiner seulement l’avis de l’Expert, exige que le je retire de mon dossier de plaidoirie (!) et finalement manifeste clairement son intention de refuser ma demande… qui n’était contestée par aucun de mes confrères représentant les futures parties en cause. Je précise que les confrères, accessoirement, avaient sur le coup une mine quelque peu consternée. 

Je n’ai échappé à un renvoi dans mes buts qu’en proposant in extremis d’adresser au juge (et aux autres parties) l’avis de l’Expert après le jugement par voie de note en délibéré*, ce qui m’a été accordé du bout des lèvres. 

Finalement, j’ai quand même pu obtenir mon ordonnance commune assaisonnée à la soupe à la grimace du juge. 

Qui, ainsi, non seulement m’a imposé à l’audience une formalité non prévue par la loi (l’avis de l’Expert), mais également une autre formalité (communiquer l’avis aux autres parties) qui, d’usage, n’est pas accomplie et sans grand intérêt. 

Tout cela m’a mise d’excellente humeur pour la suite. 

Et tout ça… pour une mission d’expertise essentiellement centrée… sur la pose d’un sanibroyeur défectueux. Ya pas de petits procès. 

*Une note en délibéré est un court argumentaire, éventuellement accompagné d’une ou deux pièces justificatives, que l’on peut exceptionnellement adresser au juge et aux parties après la plaidoirie, si le juge l’accorde. C’est assez peu fréquent.

Comment ça se passe, une réunion d’expertise ?

Réunion d'expertiseSupposons que ça y est, le Tribunal a désigné un Expert dans un litige vous concernant, la consignation a été réglée par le demandeur, et l’Expert a fixé une réunion d’expertise. 

Et après, que se passe t’il ? Cela change un peu si vous êtes en défense ou en demande, mais pas énormément. Dans les deux cas, vous aurez reçu un courrier recommandé de l’Expert vous indiquant la date et le lieu de l’expertise. 

Si vous êtes en demande, généralement, ça se passe tout simplement chez vous, dans votre appartement, maison, copropriété, garage, parking… (rayez la mention inutile)

On va faire simple et imaginer qu’il s’agit d’un appartement. 

Tout d’abord, vous allez avoir pas mal de monde chez vous. Dites vous bien qu’en plus de vous-mêmes, votre avocat et l’Expert, viendront deux à trois personnes par partie convoquée : la partie en question, son avocat, et souvent l’Expert technique de ce dernier. 

Par exemple, vous avez fait construire une maison et êtes insatisfaits des travaux de plomberie. Comme vous avez découvert les désordres après la réception, il s’agit probablement d’un désordre décennal.

Aussi, votre avocat aura assigné l’assurance Dommages Ouvrage, le plombier et s’il le connaît, l’assureur décennal du plombier. 

Pour ce qui est de l’assurance Dommages Ouvrage, elle est généralement représentée par un avocat et un Expert technique missionné par la compagnie d’assurance. Idem pour l’assureur du plombier. 

Le plombier viendra probablement, lui aussi flanqué de son avocat. 

Il est cependant à noter que souvent, l’assurance prend en charge la défense de son assuré, ce qui fait un seul avocat et un seul conseil technique pour les deux. 

Aussi, il y aura au moins vous-mêmes, l’Expert, votre avocat, peut être votre propre architecte-conseil, enfin les avocats de l’assureur Dommages Ouvrage, du plombier ainsi que de son assureur, le plombier lui-même, un ou deux conseils techniques. Cela représente tout de suite huit à dix personnes. Et là on parle d’une affaire simple concernant une seule entreprise. Pour chaque nouvelle entreprise mise en cause vous pouvez compter deux à trois personnes de plus, parfois quatre si l’assureur et l’assuré ont chacun un avocat différent. 

Prévoyez si possible un endroit où au moins l’Expert pourra s’installer et poser ses papiers. La table des repas fera l’affaire. Dégagez la, amenez toutes vos chaises. Dans l’idéal, tout le monde pourra s’asseoir (même sur un tabouret). Les derniers arrivés resteront debout façon chaises musicales. Si vous avez de la moquette au sol… prévoyez un bon paillasson à l’entrée. 

Vous trouvez qu’il y a trop de monde ? N’essayez pas d’en laisser à la porte. Toute personne présente doit avoir complet accès à l’Expert et aux désordres, sous peine que l’expertise ne soit pas contradictoire. Ne faites pas comme un demandeur qui, une fois, a tenté de refuser l’accès à une avocate dont il n’aimait pas les talons aiguille sur son plancher. 

Une fois tout ce petit monde présent, l’Expert commencera par rappeler pourquoi il est là, quels sont les désordres, et précisément quelle mission lui a été dévolue. 

Laissez le dire, en principe, votre avocat est présent à ce stade s’il est nécessaire d’interrompre (et il ne s’en privera pas si le besoin s’en fait sentir). 

Une fois qu’il aura fait son exposé, l’Expert donnera la parole aux différents intervenants. En principe, le demandeur s’exprime en premier. Ce sera le moment idéal pour que votre avocat décrive précisément les problèmes rencontrés. En tant que demandeur, vous aurez également la parole. L’Expert est là pour se faire une idée précise du déroulement des choses et est tout disposé à ce qu’on lui donne des explications. 

Dans mon exemple, le plombier, assisté de son avocat, pourra faire des observations, de même que les avocats des assureurs. 

Une fois que l’Expert aura entendu tout le monde, il ira examiner le désordre allégué. Dans mon exemple, la plomberie. Tout le monde le suivra pour jeter un petit coup d’oeil et se faire une idée. S’il y a plusieurs désordres, l’Expert ira de l’un à l’autre, suivi de la petite troupe qui lui posera des questions et fera des remarques. Rien de particulier à ce stade.

Il faut ici préciser un point. Comme je l’indiquais, vous n’avez demandé l’assistance de l’Expert que pour une plomberie défectueuse. Mais, entre temps, pas de chance, votre VMC s’est détraquée. Vous vous dites, merveilleux, l’Expert pourra regarder tout ça aussi. 

Eh bien non. L’Expert ne pourra traiter QUE de la question qui lui a confiée le juge. Si vous voulez qu’il regarde aussi la VMC, il faudra faire une nouvelle demande en justice (pas de panique, rien de bien compliqué). 

Une fois que l’Expert aura vu tout ce qu’il souhaite, il fera généralement ensuite une synthèse rapide et précisera de quels documents il a besoin. En principe, comme votre avocat est consciencieux, il aura déjà communiqué à l’Expert tous les documents utiles qui étaient en votre possession ; cette obligation de communication de pièce concernera surtout les autres. Il est assez mal vu de refuser de communiquer des éléments, et l’Expert tire toutes conséquences d’un tel refus. 

Tout le monde s’en ira à ce moment. En général, une heure et demie à trois heures se seront écoulées, selon la complexité du dommage. 

Quelques jours après la réunion, l’Expert adressera une « note aux parties », à savoir un compte rendu de la réunion, comprenant la demande de documents et souvent la convocation à une autre réunion. 

Une expertise nécessite rarement moins de deux réunions (plus généralement trois ou quatre en moyenne). 

Et la fois d’après…il suffira de recommencer. 

Et une fois que tout cela sera fini, vous pourrez tirer les fruits du travail de l’Expert.

Qu’est ce qu’un référé ? (II)

Qu’est ce qu’un référé ? (II)Abordons désormais le troisième cas de figure du référé que j’évoquais dans ma note précédente. 

Il s’agit du cas dans lequel une personne ou une société souhaite obtenir le paiement d’une somme d’argent ou l’exécution d’une obligation de faire.

C’est, et de loin, la forme de référé que je pratique le plus souvent. En effet, elle est particulièrement adaptée au cas, très fréquent, de factures ou prestations impayées.

Pour obtenir un tel paiement, il suffit de démontrer au juge que l’obligation dont on demande l’exécution (donc, le paiement de la dette) n’est pas sérieusement contestable, cette notion de contestation sérieuse ayant été définie dans le billet précédent. En bref, il faut prouver qu’Untel vous doit de l’argent et ce de façon évidente.

Cela peut aussi bien se faire au tribunal d’instance, de grande instance ou de commerce (pour les créances nées entre commerçants ou sociétés commerciales). Dans le cas où la somme est inférieure à 4000 Euros, c’est le Juge de Proximité qui est compétent.

Quel est l’intérêt d’une telle procédure ? Eh bien, c’est qu’il s’agit d’un référé, qui en tant que tel présente un avantage particulier, celui d’avoir un effet immédiat.

Je m’explique. Afin d’obtenir le recouvrement d’une créance, il existe une procédure spécifique dite d’injonction de payer. Cette dernière présente toutefois un (petit) avantage et un (grave) inconvénient.

L’avantage, c’est qu’elle se fait sans la présence de l’adversaire. Le juge, qui n’entend en conséquence qu’une seule version des faits, peut être plus facile à convaincre.

Mais, précisément puisque la procédure d’injonction de payer ne nécessite pas la présence de l’adversaire, elle prévoit, pour respecter le principe du contradictoire, que celui-ci puisse faire valoir son point de vue a posteriori. Le défendeur, et c’est l’inconvénient, peut s’opposer immédiatement au paiement demandé en portant l’affaire devant le Tribunal compétent, étant précisé que l’huissier qui signifie l’injonction de payer a l’obligation de lui dire qu’il dispose de la possibilité de faire opposition.

Par conséquent, il est très rare qu’une injonction de payer se résolve immédiatement par le paiement des sommes réclamées. Le débiteur, très logiquement s’il veut faire traîner l’affaire, n’a qu’à former opposition pour obtenir de facto un délai.

En revanche, si l’on opte pour la voie du référé, certes, l’adversaire est présent lors de l’audience, et il peut faire valoir son point de vue.

Si votre dossier est bien ficelé, le juge vous donnera raison et rendra une ordonnance condamnant le défendeur à vous régler les sommes demandées.

Et là, il lui sera très difficile d’échapper au paiement. C’est là que réside le grand avantage du référé provision. En effet, même s’il fait appel, il doit payer, l’ordonnance de référé étant exécutoire par provision, c’est-à-dire immédiatement.

Le défendeur peut aussi intenter une action au fond (dont le résultat sera définitif, contrairement au caractère provisoire de la décision de référé). Toutefois, si le juge de référé a estimé qu’il était totalement évident qu’il vous devait les sommes demandées, il est peu probable que le juge du fond décide différemment.

Ainsi, l’avantage du référé est que la décision obtenue, malgré son caractère « provisoire », a des effets immédiats et efficaces.

Dès lors, en matière de référé provision, (comme souvent) le plus important est de présenter au juge un dossier solide de nature à emporter sa conviction.

Concrètement, cela veut dire qu’il faut pouvoir justifier d’un contrat, d’une reconnaissance de dette, d’un devis accepté… L’important est de prouver que l’adversaire s’est engagé à verser les sommes dues. Ainsi, si on demande le règlement de factures, il faut établir qu’on a bien réalisé les prestations donnant lieu à paiement, et fournir les factures en question.

Si le créancier peut rapporter la preuve de l’existence de l’obligation de payer, il a de bonnes chances d’obtenir une issue favorable.

Enfin, il y a un aspect qu’il ne faut pas négliger. Une fois obtenue une décision favorable, il faut pouvoir l’exécuter, c’est-à-dire récupérer les sommes dues par le débiteur.

En prévision de cet aspect essentiel du dossier (car la plus belle décision du monde ne sert à rien si on ne peut l’exécuter), il convient d’apporter tous éléments de nature à faciliter l’exécution de la décision : les coordonnées bancaires du débiteur, son adresse, sa date de naissance si c’est une personne physique, son numéro de RCS si c’est une société…

Si l’ensemble de ces éléments est rapporté, il est généralement possible d’obtenir le règlement des sommes dues dans un délai raisonnable.

Edit : avant d’engager une procédure de référé, envoyer une mise en demeure d’avocat permet parfois de débloquer la situation. Si cela vous intéresse, je vous invite à lire cet article. 

© 2024 Marie Laure Fouché

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