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Comment faire pratiquer une mesure conservatoire ?

Parfois, il peut être utile pour un créancier d’obtenir des garanties sur le règlement des sommes qui lui sont dues dans le cadre d’un litige. Il peut alors être intéressant de tenter de bloquer des sommes d’argent, ou des meubles, en attendant de pouvoir être définitivement payé, en argent ou en nature. 

Il s’agit donc de procéder à une mesure conservatoire, généralement dans l’attente d’un jugement qui permettra ensuite le transfert des fonds ou des biens. 

Toutefois, une telle mesure nécessite que des conditions soient remplies. 

Tout d’abord, condition pratique, il faut essayer de faire en sorte qu’elle puisse être utile. Par exemple, pour la saisie conservatoire de sommes sur un compte bancaire (la saisie a alors lieu entre les mains de la banque, qu’on appelle le tiers saisi) il faut déjà savoir à quelles banque est ledit compte bancaire. D’où l’utilité de toujours garder copie des chèques que l’on vous remet. Pour une saisie de biens meubles, il faut déterminer qui le a en sa possession. 

Passons ensuite aux véritables conditions juridiques permettant la mesure conservatoire. 

Une telle mesure est tout d’abord possible si vous disposez d’un titre exécutoire, c’est à dire la plupart du temps, d’un jugement. C’est logique : puisque le jugement vous autorise à saisir définitivement, il peut également permettre une saisie conservatoire. 

L’utilité de ce mécanisme est cependant limitée ; celui qui dispose d’un jugement préférera généralement le mettre à exécution directement plutôt que de bloquer les sommes sur le compte de son débiteur, ou bloquer des biens entre les mains d’un tiers.

Seconde possibilité, il est possible de faire pratiquer la mesure conservatoire alors que le créancier n’est pas encore en possession d’un titre exécutoire, soit parce qu’il est en cours de procès, soit même que le procès n’a pas encore débuté. 

Dans ces conditions, la mesure doit être autorisée par un juge, qui se décide sur requête, autrement dit sans que le débiteur ne soit présent ou appelé. Là aussi, c’est logique : la mesure conservatoire a notamment pour objet d’éviter la disparition des fonds, on ne vas pas avertir le débiteur de ce qu’on va agir à son encontre. 

Le juge autorisera la requête si deux conditions cumulatives sont remplies : il faut tout d’abord que la créance paraisse « fondée en son principe ». Autrement dit, il faut que l’on démontre au juge que si on présente l’affaire devant les tribunaux, on a de fortes chances de gagner. Il faut ensuite démontrer au juge qu’il existe des circonstances de nature à menacer le recouvrement de la créance. Par exemple, un débiteur qui va partir à l’étranger, une société qui va déposer le bilan, un bien meuble va être vendu et ne pourra être récupéré… Il faut donc démontrer qu’il y a un véritable risque de disparition des sommes ou des biens si on ne les saisit pas à titre conservatoire. 

Si ces deux conditions sont réunies, le juge ordonne la mesure conservatoire et il suffit alors de saisir un huissier pour qu’il l’exécute. 

Attention, si la mesure est autorisée alors qu’aucun procès n’a lieu, il faut engager ce procès dans le délai d’un mois à compter de la réalisation de la mesure. Et au bout de trois mois, une mesure conservatoire autorisée mais non pratiquée devient caduque. Il faut donc se préoccuper de respecter les délais.

La vie après le référé

J’ai déjà expliqué ce qu’est un référé, , et puis .

Mais que se passe t’il une fois la décision de référé rendue ? Pour pouvoir répondre à cette question, il faut tout d’abord se souvenir que les décisions de référé sont par nature provisoires.

Ainsi, lorsqu’on sollicite du président qu’il enjoigne à son adversaire de faire quelque chose, il s’agira alors d’obtenir une mesure conservatoire ou de remise en état. Rien de définitif, en principe.

Lorsqu’on sollicite une somme d’argent, elle ne sera accordée qu’à titre provisionnel.

Cela revient à dire que la décision de référé n’est pas définitive. Elle peut le devenir, en pratique, par la force des choses, mais ce n’est pas sa vocation.

Une fois que la décision de référé est rendue, diverses options sont dès lors possibles.

Prenons un exemple simple. Un quidam a sollicité en référé votre condamnation à lui payer la somme de 1000 Euros correspondant à une facture non réglée. Pas de chance, le juge des référés l’a écouté et vous a condamné.

Naturellement, vous êtes très insatisfait, et pas uniquement parce que vous vous êtes levé du pied gauche, mais parce que vous pensez véritablement que vous ne devez pas payer cette somme.

Que pouvez vous faire ? Eh bien, tout d’abord, payer votre adversaire (sous peine de voir les déménageurs arriver et embarquer vos armoires Billy).

En effet, il faut rappeler que la décision de référé peut être immédiatement exécutée, de sorte qu’il faut payer avant de tenter d’obtenir la restitution de la somme (d’où mon affection pour le référé, qui en cas de bon dossier est une véritable petite opération commando).

Ensuite, vous avez le choix, l’option que vous allez choisir dépendant généralement du contenu de votre dossier. Vous pouvez ainsi soit faire appel du référé, soit faire comme si ce dernier n’avait pas existé (ou presque) et intenter un procès devant le juge du fond.

Ainsi, tout d’abord, vous pouvez penser que même selon les règles du référé, vous auriez dû gagner. Traduction, concernant le paiement d’une somme d’argent : la créance de votre adversaire n’était pas évidente, vu que vous pouviez soulever une contestation sérieuse à son règlement.

Rappelons qu’en matière de référé provision, c’est le seul critère. En présence de ce qui apparaît comme une contestation sérieuse, le juge doit refuser de statuer.

Dans ce cas, vous pouvez interjeter appel de la décision de référé.

Dès lors, l’affaire sera plaidée devant la Cour d’Appel, qui règlera le problème selon les mêmes règles et ainsi se demandera si oui ou non, la créance de votre adversaire est évidente, ou si la contestation que vous soulevez sérieuse.

Il faut savoir qu’en appel, on peut produire de nouveaux éléments. Vous pouvez donc par exemple fournir un document prouvant que vous avez déjà payé la créance réclamée. C’est une solution « évidente », qui a toutes les chances d’aboutir devant la Cour d’Appel statuant sur un référé. Elle constatera ainsi que puisque la créance a été réglée, il y a de façon évidente une contestation sérieuse à ce qu’on demande (une fois de plus, donc) son paiement.

Ainsi, une première solution après une décision de référé consiste tout simplement à en faire appel.

Mais supposons que l’affaire n’est pas si évidente, mais au contraire complexe. Supposons, par exemple, que vous refusez de payer la somme réclamée parce que le travail qui a donné lieu à la facture était mal réalisé. Voici une bonne raison de ne pas payer, mais qui n’est pas «évidente» pour un juge. Vous avez bien tenté de le faire valoir devant le juge des référés, mais faute pour vous d’avoir pu fournir des éléments de preuve, vous n’avez pas été écouté.

Dès lors, il est plus opportun d’aller directement voir le juge du fond, pour qu’il tranche définitivement le litige, qui n’était tranché que de façon provisoire par le juge des référés.

Autant le magistrat des référés est rebuté par la complexité (c’est normal, il est le juge de l’évidence), autant le juge du fond ira fouiller dans les recoins de votre dossier si vous le lui demandez poliment.

Ainsi, la seconde solution après un référé est d’aller directement plaider au fond. Autrement dit, la même affaire sera rejugée selon des règles différentes, et peut être également avec une issue différente.

Notez bien que les deux peuvent se combiner : il est possible d’interjeter appel d’une ordonnance de référé, et, insatisfait du résultat, d’aller malgré tout devant le juge du fond, dont le jugement, lui aussi, pourra faire l’objet d’un appel…

Attention toutefois à la surenchère procédurale : consultez votre avocat avant d’agir, il pourra vous conseiller utilement sur la procédure la plus opportune.

© 2024 Marie Laure Fouché

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