Avocat en construction et copropriété

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Piqûre de rappel sur l’article 700 et votre avocat

Piqûre de rappel sur l'article 700 et votre avocatOn m’interroge souvent sur l’usage de l’article 700 du CPC, autrement dit, est-on forcé de le donner à son avocat quoi qu’il advienne ? 

La réponse est NON. Et j’ai fait un article sur le sujet, à lire ici

Donc, non, votre avocat n’a pas systématiquement le droit de demander que l’article 700 que vous avez obtenu lui soit versé, surtout s’il a déjà été payé de ses honoraires ! C’est en réalité totalement contraire à la philosophie de la chose, d’ailleurs. 

Donc, ne vous laissez pas faire. 

Image par UNICEF Sverige

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Avez vous demandé à votre avocat ?

D3524D9A-1A2D-478E-A28D-FEDDC859AE4B.image_600Ceci est un billet d’humeur : vous voici prévenus. 

Ce blog suscite un certain nombre de commentaires, qui sont par principe bienvenus. L’échange est une des raisons de ce site. 

Mais certains commentaires permettent, très clairement, de constater que la personne qui pose la question a déjà un avocat, par exemple parce que la question a trait à une procédure devant le TGI (où la représentation par avocat est obligatoire), ou à une expertise judiciaire (rarement mise en oeuvre sans avocat) voire parce que le commentateur cite l’existence de son avocat. 

Dans ce cas là, je me demande franchement la raison pour laquelle la personne pose sa question ici, et ne la pose pas à son avocat. IL EST LÀ POUR ÇA. (Oui je sais qu’il est moyennement poli d’écrire en majuscules sur Internet). 

Donc, si vous avez un avocat, vous lui posez la question, c’est tout simple. Votre avocat a une obligation de conseil et d’information ; il doit répondre à vos interrogations. Pour ma part je m’efforce toujours, en fin de rendez vous ou lorsque je rédige un courrier, de vérifier que mon client, une fois le rendez vous fini ou le courrier lu, a des réponses à toutes ses questions ; je l’invite à m’en poser si tout n’est pas clair. 

Cela ne me gêne pas spécialement de répondre aux questions posées ainsi en commentaire, mais votre premier interlocuteur est votre avocat, pas la rédactrice inconnue d’un blog… 

Et si votre avocat ne répond pas à vos questions, ce n’est pas normal, puisque je répète, il est notamment là pour ça. Dans ce cas il y a un problème et il faut vous poser la question de savoir si cet avocat est vraiment fait pour vous. 

Mais, pour conclure : si vous avez un avocat et qu’il vous paraît compétent (autrement dit que vous n’avez pas spécialement de griefs à son égard) posez lui vos questions. Il (ou elle, statistiquement…) vous répondra forcément bien mieux que moi qui ne connaît rien à votre situation. 

Image par nimishgogri

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Du bon usage du verbe « stipuler »

« Stipuler », c’est un mot qui a un peu la classe américaine. Tout le monde aime bien l’utiliser quand ça parle de droit, ça fait chic : « la loi / le contrat / le jugement stipule… ». 

Ce qui est dommage, c’est que ce mot a un sens bien défini, et que lorsqu’on a la malchance de l’utiliser à mauvais escient face à quelqu’un qui en connaît le véritable sens, ça fait un peu désordre. 

Donc, essayons de l’utiliser à bon escient. 

« Stipuler », selon le dictionnaire juridique de Serge Braudo, est « est le fait par une ou plusieurs personnes de fixer par écrit l’objet et la portée de leurs engagements ». 

Autrement dit, la stipulation n’a de sens que dans un document où quelqu’un précise ce à quoi il s’oblige. Souvent, on parle de « stipulation contractuelle » puisque dans un contrat, chacune des parties précise ce à quoi elle s’engage. 

Ainsi une stipulation est toujours le fait d’une personne, et se rapporte à ses obligations. 

Donc Primus peut stipuler qu’il s’est engagé par écrit à livrer un bien à Secundus. Mais Primus ne stipule pas qu’il a bien envie de manger une pizza ce midi (même si je suis consciente que le verbe stipuler est rarement utilisé en ce type d’occasions). 

Donc, maintenant vous aurez compris pourquoi une loi, ou un jugement ne stipulent pas, puisque ces écrits ne précisent pas leurs engagements. La loi précise les engagements des autres, le jugement prononce des condamnations. 

Si vous voulez évoquer un texte de loi, ou une quelconque règle, utilisez donc les termes : «énonce», «précise», «dispose». 

Et voilà de quoi meubler avec panache cinq minutes d’un dîner en ville.

Tout pour rien

Il est rare que je fasse un billet d’humeur. Ce blog a pour vocation de présenter des points de droit de façon accessible, pas de déverser ma bile. Mais, quelque part, ma mauvaise humeur a aussi un caractère informatif. Je m’explique. 

Dans un précédent billet, j’évoquais les rapports entre le temps passé par l’avocat à traiter le dossier et le type de travail réalisé, le tout en corrélation avec la facturation. 

Pour dire les choses clairement, lorsqu’on travaille comme moi au temps passé, sauf dossier simplissime (si, si, ça existe) la qualité du travail est la conséquence directe du temps passé dessus. 

Je ne parle pas du temps passé à bayer aux corneilles et que l’on facturerait au client, je parle du temps, passé ou non, à faire certaines prestations, et à les faire bien.

Il peut s’agir par exemple de lire les pièces du client et les pièces adverses, plus ou moins vite. Une lecture attentive permet en principe de ne rien laisser passer, voire de trouver des éléments qui pourront se révéler très utiles. Ce type de lecture attentive peut aussi permettre de déterminer quelles pièces il est judicieux de produire, et quelles pièces il vaut mieux garder pour soi. Une lecture rapide prendra certes moins de temps, et donnera lieu à facturation inférieure. Il n’est pas garanti toutefois que cela soit dans l’intérêt du client, puisqu’on risque de passer à côté de quelque chose, ou pire, en communiquant trop d’éléments, de donner des arguments à l’adversaire.

Il s’agit également du temps de recherches. 

Là, une clarification s’impose. L’avocat, même spécialisé dans un domaine, ne connaît pas TOUT. Il ne connaît pas TOUS les articles du Code Civil, TOUS les arrêts concernant une question… Il sait que ces éléments existent. Ceux qui sont la base de son travail (articles incontournables, « grands » arrêts…), l’avocat les a en tête ou juste sous la main. Pour le reste, surtout pour des questions pointues, une recherche s’impose. 

Alors, certes, on peut tenter de zapper le temps de recherche, mais du coup, au lieu de fournir des arguments étayés sur des textes, on ne fournira que des affirmations? Or une argumentation non fondée ne vaut pas cher devant un Juge. 

Cela peut également concerner le temps consacré à la rédaction des écritures, et à organiser ces dernières. 

Un exemple simple : en principe, il vaut mieux viser ses pièces au fur et à mesure des écritures, en rapport à une liste établie en fin de document, afin que le Juge, lorsqu’il les lit, sache immédiatement quel document les justifie, argument par argument. Cela nécessite de prendre le soin, au fur et à mesure, de lister les pièces, de les rappeler – souvent à plusieurs reprises – dans le corps des écritures. Accessoirement, ça fait gagner un temps fou lors de la préparation du dossier pour la plaidoirie. Mais il s’agit d’une petite prestation chronophage. Faut-il pour autant l’éviter, afin de ne pas la facturer au client ? 

De la même façon, si l’on veut que les écritures que l’on produit soient efficaces, il faut leur consacrer le temps nécessaire, afin de formuler les bons arguments, dans l’ordre, sans omettre de procéder à une qualification juridique qui puisse emporter la conviction du Juge. Cela prend aussi du temps ; faut il dès lors bâcler ses écritures afin d’aller plus vite, moins bien, et de facturer moins ?

Je ne suis pas sûre que le client, au final, soit satisfait. 

Le client veut toujours la prestation qui va lui permettre de gagner, et là c’est normal. Ce qui est moins normal, c’est le client qui veut la prestation qui va lui permettre de gagner, mais pour le prix d’un travail bâclé.

Que fait-on des sommes allouées au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile?

article 700J’ai déjà exposé dans des billets précédents (ici et là)comment on peut tenter de faire supporter à l’adversaire les frais que l’on a exposé dans un procès et notamment les honoraires d’avocat.

Supposons que le juge ait considéré qu’il était équitable que votre adversaire supporte vos frais et ait condamné ce dernier à vous régler une somme, disons par exemple 3.000 Euros. 

A qui reviennent ces 3.000 Euros ? La réponse est simple : à vous, partie au procès. En effet, cette somme est censée indemniser les honoraires d’avocat que vous avez réglés afin d’obtenir qu’un jugement soit rendu. 

Cette somme n’a donc pas vocation, automatiquement, à donner lieu à une facturation supplémentaire par votre avocat. 

Le schéma classique est que vous avez déjà réglé des honoraires à votre avocat, correspondant à l’avancement de ses diligences au fur et à mesure du procès. Prenons des exemples. 

Premier exemple, vous lui avez déjà réglé 2.500 Euros et votre avocat ne vous demande plus aucune somme. La condamnation de 3.000 Euros vous permet donc d’être entièrement indemnisé, et même d’y gagner un peu.

Attention, ce cas de figure n’arrive pratiquement jamais. Le cas le plus fréquent est celui où l’article 700 alloué est inférieur à ce que vous avez réglé. 

Ainsi, deuxième exemple, si vous avez réglé 4.000 Euros à votre avocat avant le jugement, et celui ci ne vous facture plus rien ensuite, vous en êtes « de votre poche » de 1.000 Euros. 

Malheureusement, ce cas de figure est le plus fréquent. Les juges allouent rarement des sommes correspondant aux montants véritablement réglés, notamment parce qu’il est rare que les avocats donnent tous les justificatifs permettant au Juge d’apprécier les sommes déboursées. Et même si ces justificatifs sont remis au juge, le résultat est toujours aléatoire. 

Troisième exemple, vous avez déjà réglé 2.800 Euros à votre avocat et il vous facture ses ultimes diligences après le jugement pour 500 Euros. Ce cas de figure n’est pas exceptionnel car même après le jugement l’avocat peut effectuer des diligences (exécution du jugement…) Dans ce cas, vous en êtes de votre poche de 300 Euros. 

Quatrième exemple, que l’on m’a soumis récemment, et qui a justifié la rédaction de ce billet. Immédiatement après le jugement, l’avocat adresse au client une facture de précisément 3.000 Euros. 

Ma première réaction est de m’étonner. Comme je l’indique plus haut, les condamnations prononcées au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ont vocation à indemniser le client à raison des honoraires d’avocat déjà réglés, pas de susciter de la part de ce dernier une facturation complémentaire. 

L’avocat n’a pas vocation à récupérer automatiquement toutes les sommes allouées au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile. 

Maintenant, il faut être un peu plus nuancé et se référer, en outre, à la convention d’honoraires qui en principe a dû être établie par l’avocat. 

Supposons que vous avez déjà réglé à votre avocat diverses sommes, et qu’il facture ces 3.000 Euros sans justification particulière et sans que cela ne corresponde à des diligences identifiées. Si les sommes déjà réglées correspondent aux diligences réalisées par l’avocat pour parvenir au jugement, voire l’exécuter, cette facturation complémentaire est totalement anormale. En effet, dans ce cas de figure, l’avocat prétend récupérer purement et simplement ces sommes sans qu’elles ne correspondent à un travail réalisé ou à un accord spécifique avec le client. 

Au contraire, supposons que vous aviez convenu avec votre avocat qu’il vous facture ses prestations pour un montant très bas (par exemple 600 Euros) et qu’il était convenu que toute condamnation prononcée au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile lui revienne. Dans ce cas, la facturation complémentaire de 3.000 Euros est normale. Toutefois, un tel accord ne se présume pas et doit en principe être prévu dans la convention. 

Dernier cas de figure, votre avocat a réalisé pour un total de 4.000 Euros de prestation mais, notamment parce que vous n’aviez pas dans l’immédiat de quoi le payer, n’en a facturé que 1.000 Euros. Une fois le jugement rendu, il vous adresse une facture de 3.000 Euros, qui correspond au solde de ce qui lui est dû et surtout, qui se réfère à des diligences réalisées. Dans ce cas, cette facturation est normale et doit être honorée. 

* * * 

En conclusion, les condamnations prononcées au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile sont à dissocier des honoraires de l’avocat. On paie les honoraires, d’un côté, on perçoit les condamnations, de l’autre. Et si votre avocat s’est montré convaincant sur ce point, et avec un peu de chance, les condamnations perçues compensent les honoraires réglés. 

Image par smlp.co.uk’s

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Qualité, rapidité, bon marché ?

477A2C52-187F-42B5-B953-3AC2AC76100B.image_600Je lisais il y a quelque temps un article, au sujet de la création de site Internet en général, qui expliquait qu’il est pratiquement impossible d’obtenir rapidement un travail de qualité à bon marché. 

Cela paraît logique. Si on veut un travail rapide et pas cher, il est probable que la qualité s’en ressentira. Mais par contre, on peut obtenir de la qualité très vite si on est prêt à y mettre le prix. Et si l’on n’est pas pressé, on doit pouvoir obtenir un travail de qualité pour un coût raisonnable. 

Pour un travail de développement Web, par exemple, ce raisonnement est logique. On peut travailler bien et immédiatement, mais cela suppose généralement de laisser de côté ce que l’on faisait à ce moment là : ce service a un coût. On a donc la vitesse et la qualité, à prix élevé. 

Cela ne signifie pas que laisser du temps pour faire le travail fait baisser le prix, mais qu’imposer des délais plus courts ne peut que l’augmenter. Autrement dit, sur les trois qualités évoquées dans le titre, on ne peut en avoir que deux à la fois.

Je me demandais également si ce type de raisonnement peut s’appliquer à un avocat. 

Je suppose que c’est également ce que nombre de mes lecteurs se demandent : pourquoi ne pas avoir un service top niveau, rapide, et surtout, pas cher ?

Pour répondre à cette question, il faut d’abord voir comment l’avocat va travailler sur le dossier qui lui est confié. Il va tout d’abord devoir évaluer la complexité du dossier et le temps nécessaire à le traiter.

Et là, en réalité, on constate que l’alternative concerne essentiellement le prix ou la qualité. En effet, supposons qu’un dossier nécessite quinze heures de travail. Il est envisageable dans ce cas qu’une seule personne assume ces quinze heures, ou que trois personnes travaillent en même temps, de sorte que les quinze heures totales de travail seront abattues en seulement cinq heures.

Toutefois, au total, le temps passé sera le même et donc, très vraisemblablement, quelle que soit l’option retenue, la facture sera la même à la fin. En outre, sauf pour les dossiers présentant un haut niveau de complexité, et pouvant être « saucissonnés » en plusieurs tâches, il n’est pas nécessairement facile ni même possible que plusieurs personnes travaillent sur le même dossier. Tout au plus, pendant que l’avocat A fait le travail de fond (étude, rédaction d’écritures…) l’avocat B peut faire des recherches sur des points précis permettant à A d’aller plus vite. 

Ainsi, la variable « temps » ne me semble pas tellement à prendre en compte ; elle n’influe pas véritablement sur la note finale. Soit on peut traiter le dossier dans le délai fixé, et on facture de façon identique à un dossier confié depuis des mois, soit on ne peut pas et on conseille au client d’aller consulter quelqu’un d’autre. 

Restent ainsi les deux critères de qualité et de prix. 

A part pour les dossiers très simples (pas plus d’une dizaine de brefs documents à examiner…) la qualité du travail est la conséquence directe du temps passé à traiter le dossier. Or nombre d’avocats facturent leur prestation au temps passé. Donc, plus un dossier est complexe plus il nécessite de temps afin d’être correctement traité. Donc, la prestation est facturée d’autant plus cher. 

Incidemment, c’est bien la raison pour laquelle il est particulièrement difficile de traiter les dossiers au forfait, puisque généralement l’avocat ignore avant de découvrir le dossier le temps qui lui sera nécessaire pour le traiter. Or en principe, au moment où il traite le dossier, les conditions financières de son intervention sont déjà fixées

Autrement dit, en général, pour un avocat, un travail rapide n’est pas nécessairement un travail de qualité. Quand je parle de travail rapide, attention, je ne parle pas du fait que l’avocat est réactif et vous fournit rapidement la prestation demandée, mais j’évoque le temps passé, et facturé. 

Il est absolument nécessaire, si on veut faire un travail de qualité, de prendre le temps nécessaire, afin d’examiner de près les documents du dossier. En effet, parfois, la réussite ou l’échec dépend d’un détail ou de quelques lignes dans un contrat, voire même d’un seul mot. Il est également utile, même dans les domaines où l’avocat est spécialisé, de prendre le temps de faire des recherches complémentaires, par exemple pour trouver LA décision similaire au cas d’espèce et dont la solution est favorable au client. 

Donc, sauf pour les dossiers vraiment très simples, il est particulièrement difficile d’offrir un service de qualité à très bon marché. 

Bien entendu, il est possible pour un avocat d’offrir des prestations réalisées en peu de temps, donc relativement peu onéreuses, mais d’une qualité médiocre. Cela consiste tout simplement à accorder au dossier un temps inférieur au temps nécessaire. 

Maintenant, le client qui confie son dossier à son avocat veut rarement qu’on lui propose une prestation médiocre, ce qui est normal. La prestation médiocre ne permet pas, généralement, de mettre toutes les chances de son côté. 

Et voilà comment je développe un long billet, uniquement pour dire que si vous ne voulez pas que votre avocat bâcle votre dossier, il faut y mettre le prix. 

Reste à savoir pourquoi le tarif horaire de l’avocat est généralement assez élevé. Sur ce point, plutôt que de paraphraser, je vous conseille la lecture d’un ancien billet d’Eolas expliquant les raisons du cout élevé des services d’un avocat. 

Photo par pau.artigas

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Après le premier rendez vous avec un avocat: suis-je obligé de lui confier mon dossier?

Il faut savoir que la relation avec l’avocat est fondée sur la confiance mais aussi sur la liberté. 

Un client qui a perdu confiance en son avocat ou qui ne souhaite plus travailler avec lui pour une quelconque raison n’est aucunement contraint de garder cet avocat. (Symétriquement, un avocat n’est pas contraint de continuer à travailler avec un client).

Mais cette liberté du client ne s’exerce pas uniquement après que la collaboration avec son avocat ait déjà commencé. 

Dès après un premier rendez vous, le client peut considérer que l’avocat ne lui convient pas : pas spécialisé dans le domaine qui l’intéresse, trop cher, trop loin, une tête qui ne lui revient pas…

Dans ces conditions, le client n’a aucune obligation de commencer à travailler avec l’avocat et peut très bien aller voir ailleurs. 

Seule difficulté qui se posera à cette occasion : la facturation du premier (et dernier, finalement, rendez-vous). 

Je ne prétends pas connaître la pratique de tous les avocats, mais un peu de bon sens peut résoudre ce type de difficulté, selon la situation qui s’est présentée. 

En caricaturant, on voit mal l’avocat facturer le client qu’il a vu 20 minutes, à qui il n’a pas donné de conseil en particulier, ce premier rendez-vous s’étant véritablement résumé à un premier contact, infructueux, donc. Toutefois, dans un tel cas l’avocat saura gré au client de lui indiquer rapidement ce qu’il en est. 

En revanche, le sourcil de l’avocat se froncera quelque peu devant le client qui, au cours d’un entretien d’une heure et demie ou deux heures, a rapidement décrit son problème puis a demandé de façon très précise à l’avocat son avis, argumenté, sur le dossier. Autrement dit, l’avocat ne va guère apprécier qu’un client lui demande une consultation, certes orale, mais qui sera gratuite puisque le client s’évanouira ensuite dans la nature. Il semble logique que ce type de rendez vous donne lieu à facturation. 

Et pour couper courts aux éventuels commentaire du type « oh, vous pouvez la faire la consultation, c’est rien pour vous« , je réponds immédiatement que la consultation nous coûté des années d’études et d’expérience, et que nous sommes censés en vivre. Si on veut donner des consultations gratuites, on le fait officiellement à la mairie.

Maintenir l’attention, c’est important.

19ème chambre de la Cour d’Appel (vous savez, celle qui est très facile à trouver).

Deux affaires de construction sont prévues ce jour, qui comprennent toutes au moins une demi douzaine de parties, et donc autant d’avocats qui vont défendre leur bout de gras.

Je suis un peu en retard à cause d’une précédente audience, mais pas de panique, j’ai prévenu la Cour, normalement, personne ne m’en voudra et ce d’autant que mon affaire n’est pas la seule.

J’arrive un peu essouflée (4ème étage et dédale de couloirs à maîtriser…).

Ouf, c’est la première affaire du rôle qui se plaide. J’écoute distraitement en compulsant mon propre dossier, rien à signaler. Les avocats de l’autre affaire plaident les uns après les autres et présentent leurs arguments.

Dans la salle, certains lisent, d’autres somnolent, certains discutent à voix basse. L’affaire traîne un peu en longueur.

Justement, là, une plaidoirie s’achève. L’un des deux confrères qui conféraient en messe basse se relève brusquement et va se placer à la barre.

Il commence sa plaidoirie avec une certaine bonhomie de bon aloi.

Au bout de quelques secondes, regard vaguement étonné des magistrats, beaucoup plus étonné des autres avocats de la salle qui lancent des «Pssst!» au confrère qui plaide.

Celui-ci se retourne vers la salle, perplexe.

« Eh bien, quoi ? »

« Confrère…. Vous plaidez la mauvaise affaire, vous êtes dans l’autre dossier ! »

Une affaire de…

Une affaire deAujourd’hui, j’attendais mon tour en audience, et écoutais vaguement l’affaire qui passait avant la mienne, devant un magistrat que je connais (pour le pratiquer souvent) et apprécie. Apparemment, une histoire compliquée de copropriété où un copropriétaire avait fait une construction « sauvage » sans modification du règlement de copropriété. 

La discussion s’échauffant, j’écoutais mieux. Le magistrat, qui restait toujours très zen, fit taire un moment les trois avocats qui se crêpaient le chignon et leur tint à peu près ce langage : 

« Bon, écoutez maîtres, dans votre affaire, ces histoires d’action possessoire et compagnie, j’y connais rien*. Et puis votre problème est passionnant en droit, mais il est impossible de trouver une solution qui ne sera pas juridiquement contestable. Quoi que je décide, ça risque d’être un jugement de Salomon, vous irez en appel et vous aurez raison. 

Votre affaire, là, vous en avez pour dix ans et vous irez au moins en Cassation. 

Non, franchement, là, c’est une affaire à la con. Vous préférez pas plutôt aller en médiation ? »

Au final, il a réussi à les convaincre de demander à leurs clients de se calmer un peu et d’envisager une solution amiable. 

Chapeau, parce que si la médiation est décidée, et qu’elle aboutit, elle aura permis de régler un litige vieux de plusieurs années, et aura économisé des sommes non négligeables tant aux parties (frais d’avocat et cie…) qu’au contribuable (frais de gestion de longs procès). 

Qui dit que le juge est un fonctionnaire plan-plan ? 

*Il est dans une chambre spécialisée en construction, ce n’est pas aberrant.

L’autre jour, en expertise

Et voilà, ceci est mon centième message.

Pour fêter dignement ce (non)événement, j’aurais pu écrire un article long et documenté sur, disons, la responsabilité des constructeurs ou les beautés du référé prud’homal…

Eh bien non. Il s’agira d’une anecdote, un tout petit rien amusant qui m’est arrivé récemment.

Je me rendais à une expertise très conflictuelle où, lors de la précédente réunion, l’épouse du maître d’ouvrage, lui-même avocat, s’était montrée particulièrement odieuse avec l’ensemble des intervenants.

Notamment elle avait mal pris le fait que l’une des intervenantes, qui était en toute fin de grossesse, ait pu manifester le souhait de rester assise pendant la réunion, et avait fait plusieurs remarques acerbes et totalement déplacées à ce sujet.

Elle avait été tellement odieuse, en fait, que si l’Expert n’avait été quelque peu « particulier » lui-même, et occupé à hurler (littéralement) contre certains autres intervenants, cela l’aurait terriblement desservie auprès de lui.

Le maître d’ouvrage son époux, avocat lui-même comme je le précisais, et qui était arrivé en milieu de lapremière réunion d’expertise, s’était montré plus modéré et pertinent que Madame.

Donc, je me rendais à une deuxième réunion, qui vu le déroulement de la première, promettait d’être intéressante.

Madame lance quelques piques, comme la dernière fois.

Et à ce moment, alors que, au hasard des déplacements, j’étais assez près d’elle et de son époux, j’entends ce dernier lui murmurer sur un ton furieux: « Tu avais promis de te taire ! »

Charmant.

La Professionnelle

Je devais aller plaider une affaire devant la Cour d’Appel. La partie adverse était une dame âgée, dont, à mon avis, la mauvaise foi n’avait d’égal que le montant de son compte en banque.

Après avoir trouvé la salle d’audience (un exploit en soi !) j’entre, et avise justement une dame couronnée d’une abondante auréole de cheveux blancs qui remue des papiers en marmonnant, révisant manifestement un dossier.

Diantre. Serait-ce mon adversaire ?

Nullement, m’indique mon contradicteur lorsqu’il arrive.

Curieuse, je m’interroge sur l’identité de cette femme, seule personne de la salle à ne pas porter de robe et qui donc n’était ni avocat, ni avoué.

Son affaire est appelée avant la mienne. Le litige la concernant porte apparemment sur une facture de l’ordre de mille Euros, qu’elle refuse catégoriquement de régler bien qu’elle ait manifestement sollicité la prestation de l’artisan.

Ce dernier, excédé par la mauvaise foi de la plaideuse, a décidé de se battre jusqu’au bout et tente de franchir l’un après l’autre les nombreux obstacles procéduraux que fait surgir cette dame entre sa facture et le chèque correspondant.

En effet, l’affaire de ce jour là devant la Cour avait manifestement été précédée d’un terrible imbroglio juridique, impliquant notamment des décisions relatives à la mise sous tutelle de l’intéressée.

L’inconnue se lève et plaide en premier. Elle est assistée d’un avoué, ce qui est pour quelques temps encore obligatoire devant la Cour, mais n’a pas pris d’avocat et assure elle même sa défense.

Ses explications sont longues, embrouillées, développées sur le ton de la dignité offensée et franchement énervée.

A dire vrai, je ne comprends guère ses arguments, et vu la tête des magistrats de la Cour, j’ai l’impression de ne pas être la seule.

La Cour, justement, est visiblement agacée – la présidente demande à plusieurs reprises à la plaideuse d’écourter, d’en venir au fait.

Cette dernière achève enfin sa diatribe.

J’ai bien écouté, et pourtant, je n’ai toujours pas tout compris.

L’avocat de l’artisan créancier se lève et développe à son tour ses arguments.

Visiblement, la plaideuse, il la pratique depuis un certain temps. Il lance quelques piques qui, si elles s’intègrent sans heurt dans sa plaidoirie, sont manifestement destinées à la faire réagir.

Ça marche.

Sur son siège, la dame âgée trépigne, de plus en plus visiblement. A plusieurs reprises, elle se lève à demi, puis enfin se dresse vivement en plein milieu de la plaidoirie adverse et tente de répondre inopinément à cette dernière, interrompant l’avocat adverse.

La Présidente intervient et intime l’appelante* de se taire et de se rasseoir. Son avoué passe de la consternation au désespoir le plus total ; il tente sans succès de faire taire sa cliente qui ponctue la plaidoirie de son adversaire d’interjections variées.

La plaideuse ne se rend pas compte que ses interventions la desservent. L’avoué, si, et sa mine s’allonge.

La plaidoirie de l’affaire s’achève enfin, la date à laquelle le jugement sera rendu est donnée. La plaideuse sort de la salle d’un air offensé.

On en a parlé un peu, ensuite, entre avocats. Un pareil numéro, cela n’arrive pas tous les jours. Et puis mon affaire a été appelée et je n’y ai plus pensé.

Je ne pensais pas la revoir. Erreur.

L’autre matin, j’avais une affaire au Tribunal d’instance du 13ème arrondissement de Paris.

Elle était là, pas changée d’un iota, encore en train de compulser fébrilement ses papiers. Elle donnait même des renseignements, remarquablement précis, à quelques justiciables apparemment un peu perdus dans la jungle judiciaire.

Hélas, ce jour là elle s’est contentée de demander un renvoi, d’un air empressé et sans hésiter une seconde sur la façon de s’y prendre. Elle a franchi la longueur de la salle d’audience d’un pas conquérant, faisant claquer ses talons sur le sol, en brandissant comme un glaive sa carte d’identité et quelques papiers. Puis elle est repartie, peut être vers une autre audience.

Une vraie professionnelle des tribunaux.

*Pardon, mais je ne pouvais pas laisser passer celle là…

Le temps de la procédure administrative

La justice est longue. Très longue, parfois. Quand on est en défense, cela peut être avantageux puisqu’on obtient, de facto, des délais. Quand on est en demande, cela peut être proprement insupportable.

Le Tribunal Administratif semble par bien des aspects spécialement lent. Et le fait qu’il ait reçu des instructions pour traiter en première priorité les dossiers de reconduites à la frontière ne le rend pas plus véloce.

Cette réflexion, assez banale au demeurant, résulte de la survenance de deux « anniversaires ».

Tout d’abord, l’année dernière, à la même période, au mois d’août, j’essayais désespérément d’obtenir du Tribunal Administratif qu’il fixe une date pour plaider une affaire de régularisation d’étranger sur le territoire français.

L’étranger en question est présent en France depuis plusieurs années et marié avec une femme ressortissante de l’union européenne. Normalement, il devrait obtenir un titre de séjour en sa qualité d’époux de cette femme.

Pourtant il attend ses papiers depuis pratiquement quatre ans. Une procédure est en cours, l’affaire est en état d’être plaidée. Mais aucune date n’est fixée, car les tribunaux administratifs sont totalement engorgés par les procédures reconduites à la frontière et n’ont le temps de rien traiter d’autre.

Comme l’année dernière à la même époque j’essaye d’obtenir une date d’audience. Je viens de reformuler la même demande pour la énième fois auprès du Tribunal, qui me fait toujours la même réponse. Le client devra encore attendre ses papiers.

Premier anniversaire : voici un an que j’attends simplement une date d’audience.

L’autre anniversaire est relatif à un appel interjeté en août 2006 contre une décision rendue par un Tribunal Administratif, et ce devant une Cour Administrative d’Appel.

En août 2007 : pour le 1er anniversaire du dossier, j’ai rédigé des conclusions récapitulatives (mes premières écritures dataient d’août 2006).

Août 2008 : 2ème anniversaire du dossier : je viens de recevoir la décision. Entre ces deux dates, il ne s’est rien passé, puisqu’à l’été 2007 je répondais aux quelques arguments formulés par l’adversaire et que ce dernier n’a pas répliqué. J’ai ainsi traité ce dossier tous les étés depuis deux ans, sans rien faire entretemps.

Bref, si vous voulez porter un litige devant le Tribunal Administratif, mieux vaut n’être point pressé.

Don Quichotte à Nanterre

Parfois, alors que la profession juridique n’est pas tous les jours très drôle, on a quand même quelques moments d’amusement inattendus. 

C’est ainsi que ces derniers jours, j’avais le bonheur d’aller plaider, en plein mois d’août (chic…) une affaire toute simple devant le Juge des référés de Nanterre. 

Il s’agissait, dans le cadre d’une expertise déjà entamée, de demander au Juge qu’il déclare les opérations d’expertises communes à l’assureur de l’entreprise, de façon à ce qu’il puisse intervenir à l’expertise, et éventuellement en subir les conséquences (c’est bien d’avoir des adversaires solvables). 

Demande hyper classique, qui peut susciter, de la part de l’avocat de l’assureur, deux types de réponses. 

Soit le confrère voit bien que la demande est fondée, et il fait des «protestations et réserves», ce qui revient, sous couvert d’une formule d’usage, à acquiescer à la demande. Dans cette hypothèse, a priori, le demandeur est pratiquement certain que sa requête lui sera accordée

Souvent, cela donne des audiences un peu surréalistes où, après que le demandeur ait exposé son affaire, les avocats en défense se contentent tous de lancer « PR » à la cantonade. 

Ou alors l’avocat adverse pense que la demande n’est pas fondée, et développe alors une défense digne de ce nom. Là, l’issue de la demande est plus incertaine. 

L’autre matin, donc, j’arrive en salle des référés, et avise mon contradicteur, que je connais déjà pour l’avoir rencontré dans nombre d’autres procédures. 

On discute un peu, et il m’indique qu’il compte s’opposer à ma demande pour divers motifs qu’il me détaille. 

Légère inquiétude. En effet, si le confrère faisait «protestations et réserves», j’étais pratiquement sûre d’obtenir ce que je voulais. Mais s’il s’oppose, bien que je pense ma demande solide, il existe toujours un risque d’échec. 

Du coup, le temps que notre affaire soit appelée (une bonne heure d’attente, normal…) je potasse de nouveau mon (maigre) dossier et rassemble quelques arguments que j’espère percutants. 

Notre affaire est appelée. 

Je plaide mon dossier, je m’accroche, je démontre le bien fondé de ma demande et l’opportunité de cette dernière. J’explique, j’argumente, je tente de couper sous le pied l’herbe de mon perfide contradicteur en battant en brèche d’avance les arguments qu’il ne va pas manquer de formuler. 

Enfin, je lui laisse la parole. 

– « Protestations et réserves », dit-il. 

Stupéfaction de ma part : 

– « Mais vous m’aviez dit que vous vous opposiez à ma demande !? »

Regard un peu surpris du confrère. 

– « Ben oui, mais je plaisantais… »

Rires de la présidente et de la greffière devant ma mine stupéfaite, et 

des avocats des premiers rangs qui ont pu entendre nos échanges. La présidente sourit en disant qu’elle m’accorde ma demande.

Regard gêné du confrère qui n’a pas imaginé que je prendrais sa blague au sérieux (ses arguments juridiques étaient loin d’être idiots). 

Moi aussi, j’éclate de rire devant le cocasse de la situation : j’ai plaidé l’affaire comme une acharnée … pour rien.

L’expertise, parfois aussi, ce n’est pas rigolo du tout

L'expertise parfois ce n'est pas rigolo du toutL’expertise, dont j’ai expliqué les principes et le déroulement, est généralement une réunion technique, où chacun essaie de défendre sa version des choses. La plupart du temps courtoise, l’expertise est parfois… animée, voire carrément houleuse.

Pourtant, à ce jour, l’expertise dont je me souviens le mieux n’a pas été houleuse. A vrai dire, elle m’a plutôt fait penser à un hallali.

Dans cette affaire, il s’agissait du cas d’un monsieur, à la retraite, dont la maison était située sur un terrain riche en sources naturelles.

La maison voisine allant être détruite pour faire place à un nouvel immeuble, il a pris des mesures pour déterminer précisément l’état de sa maison avant les travaux voisins. Mesures prudentes, car parfois il est très difficile de déterminer l’origine exacte d’un dommage.

Il a ainsi convoqué, avant le début de la construction voisine, un huissier et un géologue, pour constater respectivement l’état précis de sa maison et les flux d’eaux passant en dessous et autour.

Puis l’immeuble d’à côté s’est construit.

Vers la fin des travaux, le retraité a constaté que des fissures parcourent sa maison.

Il a alors pensé que les travaux voisins avaient certainement eu pour effet d’assécher le sous-sol et notamment le sien (ce qui était exact) et ce d’une façon définitive (ce qui ne l’était pas, l’eau ayant été remise en circulation après la fin de la construction. On peut comprendre que l’eau ait été stoppée par pompage pendant la construction, on imagine mal des fondations pouvant facilement être construites sur une mare.)

Bref notre retraité a estimé que l’assèchement du sous-sol avait eu pour effet la création de fissures dans sa maison, et d’une façon plus générale, avait mis en danger la solidité de celle-ci.

La construction voisine achevée, il a ainsi fait un procès à tous les constructeurs (le promoteur, l’architecte, le bureau d’études, le plombier, le chauffagiste, le maçon, l’ingénieur béton, sans oublier le syndicat des copropriétaires et j’en passe… et tous les assureurs de ces derniers) pour qu’ils viennent assister à l’expertise.

Mon client était un des constructeurs principaux du nouvel immeuble.

Je suis assez ennuyée. Monsieur le retraité demande des sommes folles pour la réparation de la maison, chaque partie concernée est venue avec avocat, conseil technique, parfois assistance façon hôtesse de l’air, voire inspecteur d’assurance.

Le moment où je découvre que la jolie blonde est l’assistante du représentant du syndic de copropriété voisin est d’ailleurs cocasse. Je fais en effet le tour des participants, pour savoir qui ils sont ou qui ils représentent. Je commence de gauche à droite et avise cette fille taille mannequin, parfaitement blonde, bronzée, maquillée, l’air fort jeune. Et quand je lui demande poliment qui elle représente, le type à l’air bougon debout à côté d’elle m’aboie qu’elle, c’est son assistante et que c’est à lui qu’il faut parler. Ce charmant monsieur avait visiblement peur que l’on n’apprécie pas bien son importance.

Bref, nous sommes bien une bonne vingtaine, minimum.

Les constations commencent. On observe, effectivement, des fissures çà et là. Surtout au premier étage, un peu au rez-de-chaussée. Vingt personnes en sous-sol, ça fait du peuple.

L’ambiance est mi bon enfant, mi tendue.

Bon enfant car on se retrouve principalement entre avocats, et nos ingénieurs venus nous donner des conseils techniques se retrouvent aussi entre eux. Parfois, les blagues fusent.

C’est parfois amusant de faire des expertises dans des maisons. Dans cette affaire, tout le pavillon était un hymne en technicolor à la Famille. Que des photos des enfants, petits enfants, papa, maman, tout le monde, partout.

L’ambiance était quand même un peu tendue parce qu’une affaire comme ça peut coûter des centaines de milliers d’euros de réparations, et mon client était quand même sur la première ligne de ceux dont la responsabilité risquait d’être retenue.

Et c’est là que se produit le miracle (ou la catastrophe, c’est selon).

Après avoir fait toutes ses constatations, l’expert retourne s’installer autour de la table.

Et explique en moins d’une minute au retraité stupéfié et furieux que si sa maison avait bougé en raison de la construction voisine, les fondations auraient bougé en premier, et présenteraient des fissures très caractéristiques, dont il ne trouve pas trace, et que par conséquent, les fissures constatées ça et là à l’étage n’ont aucun, mais strictement aucun rapport avec la construction voisine.

Le pauvre Monsieur tente tant bien que mal de dire que quand même, il a des fissures, qu’une de ses fenêtres ne s’ouvre plus sans s’abîmer, qu’une porte au sous-sol a dû être rabotée quatre fois mais qu’elle ne s’ouvre toujours que très mal.

Rien n’y fait. L’expert impassible lui explique que comme ses fondations sont intactes (heureusement pour lui, d’ailleurs), les fissures n’ont aucun rapport avec l’objet de l’expertise et qu’il n’est pas habilité à se prononcer à leur sujet. Rideau.

A ce moment, en ce qui me concerne, je ressens un léger malaise. Je ne devrais pas : en quelques mots, l’Expert vient d’exonérer totalement mon client, alléluia.

Et pourtant, à voir mon pauvre retraité, inquiet pour sa maison, (laquelle grande et de bonne facture est tout à fait appréciable), qui se démène pour expliquer qu’il subit un dommage, et l’expert, agacé, qui au bout d’un moment, lui cloue le bec, je ne suis pas fière de moi.

Cette expertise, c’est indéniablement une victoire. Le client a été totalement mis hors de cause, d’une façon qui semble on ne peut plus justifiée, ce qui est très satisfaisant.

Et pourtant, j’en ressors avec un goût amer dans la bouche.

Photo Credit: Edward.rhys via Compfight cc

Procès à deux balles

Aujourd’hui s’est déroulée au Conseil de Prud’hommes l’affaire la plus effarante qui soit. 

Audience de référés, salle bondée, l’après midi promet d’être long. 

Une affaire est appelée, un salarié contre son employeur, comme souvent. Le salarié a travaillé deux jours et puis l’employeur, non satisfait de son travail, l’a renvoyé avant la fin de la période d’essai, comme il en a le droit. Le salaire dû a été réglé. 

Alors, que fait-on ici ? Eh bien, c’est un problème de prime de panier. La prime de panier est une indemnité qui est versée au salarié qui prend son repas sur son lieu de travail. 

La prime a été réglée. Sauf que pendant la brève relation de travail, son montant a changé… Et l’employeur n’a pas réglé l’intégralité de la prime correspondant aux deux jours travaillés. 

L’employé, conscient de ses droits, a assigné en référé devant le Conseil. Il n’a manifestement pas eu l’idée soit de passer un coup de fil à la comptabilité de son employeur pour récupérer son dû. Non, il a directement entamé une action judiciaire. 

Pour 2,58 euros. Oui, vous avez bien lu. 

Ah, et une paille, il a demandé aussi 1.500 euros de dommages et intérêts. Eh oui, quoi, il avait subi quand même un énorme préjudice, pensez vous, on peut en faire des choses avec 2,58 euros ! 

Son patron, chef de PME, bouillait de rage en attendant son tour, qui est arrivé à 17 heures. Il était là depuis 13 heures. 

Le magistrat était très mécontent qu’une telle affaire puisse faire l’objet d’un procès, et on le comprend. Et d’autant plus mécontent que le salarié, insatisfait que le juge fasse les gros yeux en entendant sa demande principale et de dommages et intérêts, a refusé de prendre le chèque que son ex-employeur avait apporté avec lui. 

L’employeur est ainsi reparti avec le chèque de 2,58 euros. 

Tout ça pour ça. Un procès à deux balles, je vous dis.

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