J’exposais dans un précédent article le risque qu’il y avait à substituer une expertise amiable à une expertise judiciaire. Et je mentionnais qu’on ne peut demander une expertise judiciaire à tout moment sans risque.

Il semble donc utile de préciser à quel moment on peut demander une expertise judiciaire.

Essentiellement, il y a deux façons d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire.

Soit avant tout procès, soit pendant le procès. Mais les deux solutions ne se valent pas.

La règle principale est énoncée par l’article 145 du Code de Procédure Civile:

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

Donc la règle habituelle est que lorsqu’on craint de ne pas être en mesure de rapporter une preuve suffisante des dommages techniques subis il est préférable de solliciter une expertise judiciaire.

Mais en application de cet article 145 du Code, il faut la demander avant tout procès. Que cela signifie t’il ? En réalité, cela signifie « avant tout procès au fond ». Pour savoir ce qu’est un procès au fond, vous pouvez aller lire cet article, puis cet article.

Autrement dit, si vous avez par exemple déjà , dans la même affaire, fait un référé (pour plus d’explications sur le référé, voir ici et ici) vous pourrez envisager de demander une expertise. En revanche si vous avez engagé un procès au fond, l’article 145 ne pourra plus s’appliquer.

Pire, vous pourriez vous voir opposer l‘article 146 du Code de Procédure Civile, selon lequel:

« En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve ».

Autrement dit, si vous n’avez pas demandé votre expertise judiciaire préalablement et que vous vous apercevez en cours de procès au fond que vous avez besoin de solliciter une telle mesure, on pourrait vous la refuser au motif que vous faites preuve de carence dans la preuve de vos prétentions.

Il est donc vraiment, vraiment recommandé de demander l’expertise judiciaire avant tout procès.

Cependant, ce n’est pas toujours possible et il existe des cas où vous pourrez contourner l’obstacle.

Ainsi, le Juge de la Mise en État peut ordonner une mesure d’expertise. Pour savoir qui est le Juge de la Mise en État, je vous invite à consulter cet article. Je ferai ultérieurement un article plus précis sur le fonctionnement de la Mise en Etat.

Ceci étant précisé, selon l’article 771 du Code de Procédure Civile :

« Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

(…)

5. Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction ».

Donc, le Juge de la Mise en État, désigné par le Tribunal une fois le procès au fond, peut mettre en oeuvre une mesure d’instruction et notamment une expertise judiciaire.

Supposons que vous soyez non pas demandeur, mais défendeur à l’instance. Dans ce cas, vous ne pouvez pas demander une expertise avant tout procès, puisque vous n’êtes pas à l’origine du procès. Ce qui vous empêchait radicalement de demander l’expertise judiciaire avant tout procès.

En conséquence, si vous avez besoin d’une mesure d’expertise, vous pourrez l’obtenir assez facilement.

De même, parfois, alors que personne n’a demandé d’expertise, le juge considère qu’elle est indispensable et l’ordonne d’office.

Enfin, selon les circonstances, et avec un peu de chance, même si vous êtes demandeur vous pourrez obtenir votre mesure d’expertise judiciaire devant le Juge de la Mise en État. Mais rien n’est certain.

C’est donc la raison pour laquelle, si vous avez un litige relativement technique et que vous envisagez un procès, il faut se poser dès le début la question de l’expertise judiciaire. Après, il pourrait être trop tard.