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Réflexions sur l’état de la justice en 2022 – conseil de lecture

L’observation récurrente que j’entends, de la part de mes clients, c’est que la justice, c’est long.

Très, très long.

Et c’est vrai, parfois il faut attendre des années entre le moment où on commence le procès, et celui où il se termine.

Et puis, selon mon expérience personnelle, qui concerne la justice civile (par opposition à la justice administrative ou à la justice répressive), dans l’ensemble les jugements rendus sont de qualité. Manifestement, les juges font le maximum pour rendre des décisions claires et conformes au droit applicable.

On n’est pas toujours d’accord avec eux (forcément, surtout si le juge vous donne tort!) mais dans l’ensemble c’est quand même plutôt satisfaisant.

Du moins, c’est ce que l’on peut glaner, quand on est avocat, et qu’on n’a, forcément, pas une idée précise de ce qui se passe dans les tribunaux, et comment les juges et les greffiers s’organisent.

C’est pourquoi j’ai trouvé extrêmement intéressants les deux articles dont les liens suivent. Il sont rédigés par un magistrat, Michel Huyette, qui anime un blog que je recommande.

Les deux articles traitent donc de l’état des juridictions en 2021 et 2022, avec un point de vue « de l’intérieur » dont on bénéficie rarement.

Monsieur Huyette, ainsi, explique en détail pourquoi il est parfois aussi difficile pour les juges de rendre une justice de qualité dans des délais raisonnables, eu égard au contexte actuel, qui dure depuis des années, d’une justice qui manque de moyens à un niveau qui est proprement stupéfiant.

Le premier article porte sur la façon dont on nous présente des chiffres, sans contexte, afin de faire croire que tout va bien, alors que tel n’est toujours pas le cas.

Le second porte sur la question délicate de la qualité du travail des magistrats.

Bonne lecture, c’est édifiant.

Comment forcer des travaux sur parties communes en copropriété

travaux sur parties communesComme je l’expliquais dans de précédents articles, pour faire des travaux sur parties communes, il faut une autorisation de l’Assemblée Générale, et il ne faut pas être pressé.

Ce qu’il faut toutefois savoir, c’est que si l’Assemblée Générale vous refuse vos travaux pour des motifs non sérieux, vous avez une possibilité de contourner ce refus, en saisissant le juge.

Reprenons du début. Si vous voulez faire des travaux qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, vous devez obtenir une autorisation de l’Assemblée Générale à la majorité absolue de l’article 25 de la loi de 1965.

Si vous voulez avoir toutes les chances d’obtenir votre autorisation, il est conseillé, en même temps que vous demandez votre inscription de résolution à l’Ordre du Jour, de communiquer au syndic, pour insertion dans les documents annexes à l’Ordre du Jour, tous les documents utiles: descriptif détaillé, devis de l’entreprise, attestation d’assurance de l’entreprise, éventuellement assurance Dommages Ouvrage…

Nous allons partir du principe que votre projet est viable, bien ficelé et ne peut causer de nuisances aux autres copropriétaires. Comme par exemple l’ouverture dans un mur porteur d’une porte, pour rassembler deux logements en un seul.

Et pourtant l’Assemblée Générale refuse, pour des motifs qui semblent davantage relever de la mesquinerie ou de la jalousie que d’un raisonnement étayé.

Dans ce cas, vous bénéficiez de la possibilité de contourner ce refus en saisissant le juge sur la base de l’article 30 de la loi du 10 juillet 1965 selon lequel:

« Lorsque l’assemblée générale refuse l’autorisation prévue à l’article 25 b, tout copropriétaire ou groupe de copropriétaires peut être autorisé par le tribunal de grande instance à exécuter, aux conditions fixées par le tribunal, tous travaux d’amélioration visés à l’alinéa 1er ci-dessus ; le tribunal fixe en outre les conditions dans lesquelles les autres copropriétaires pourront utiliser les installations ainsi réalisées. Lorsqu’il est possible d’en réserver l’usage à ceux des copropriétaires qui les ont exécutées, les autres copropriétaires ne pourront être autorisés à les utiliser qu’en versant leur quote-part du coût de ces installations, évalué à la date où cette faculté est exercée ».

Pour que cet article puisse s’appliquer, il faut:

  • Que les travaux objet de l’autorisation n’aient surtout pas été déjà réalisés,
  • Que ceux-ci constituent une amélioration (même seulement pour le copropriétaire concerné, ça n’a pas à être une amélioration pour tous),
  • Que le dossier présenté à l’Assemblée Générale soit complet afin que le juge puisse peser les tenants et les aboutissants du projet et n’hésite pas à l’approuver, en lieu et place de l’Assemblée Générale, s’il est correct (et qu’il est manifeste que c’est sans raison légitime que l’Assemblée Générale l’a refusé).

D’une façon générale, les travaux qui feront l’objet de l’autorisation n’auront vocation qu’à bénéficier au copropriétaire qui les demande.

Toutefois, s’il s’agit de travaux pouvant bénéficier à tous (installation d’un ascenseur…) les autres pourront être autorisés à en bénéficier pour peu qu’ils participent à leur installation.

Donc si l’Assemblée Générale refuse votre projet tout n’est pas perdu, et surtout ne faites pas les travaux sans autorisation. Par contre, le mécanisme que je viens de décrire va prendre, au minimum, des mois à fonctionner.

Il est imprudent d’acheter un lot de copropriété où des travaux sur parties communes seront nécessaires et urgents

copropriétéLorsqu’on veut acheter un logement ou des bureaux en zone urbaine, il est pratiquement impossible de le faire autrement que via l’achat d’un lot de copropriété. Et très souvent, le nouveau propriétaire envisage de faire des travaux dans son lot nouvellement acquis.

Si ces travaux consistent à re-décorer, changer la salle de bains, mettre un coup de peinture…, aucun problème. Il s’agit de travaux sur parties privatives, qui sont libres. Tant que les droits des autres copropriétaires ne sont pas atteints. Attention à ne pas changer votre moquette pour du parquet et diminuer l’isolation phonique de votre voisin du dessous.

Par contre, si vous envisagez des travaux sur parties communes, la situation est différente, comme je l’ai expliqué dans un précédent article.

En substance, si ces travaux modifient l’aspect extérieur de l’immeuble (changer la couleur de volets…) ou affectent les parties communes (percement d’un plancher pour créer un duplex à partir de deux appartements l’un au dessus de l’autre), l’autorisation de l’Assemblée Générale des copropriétaires est indispensable.

Et c’est à ce stade que parfois, cela coince.

Ainsi je déconseille d’acheter un lot où des travaux seront absolument nécessaires, rapidement.

Il est très risqué de faire ces travaux sans rien demander à personne, de façon « sauvage ». En premier lieu, il y a des chances que cela se sache quand même et vous aurez potentiellement tout un tas d’ennuis. En second lieu, cela pourrait créer des problèmes constructifs, comme par exemple le cas où vous avez ouvert une porte dans un mur porteur sans prendre trop de précautions et que les étages au dessus se fissurent.

Le problème, juridique, et le suivant: si vous faites vos travaux (sur parties communes ou en façade de l’immeuble) sans autorisation, le Syndicat des Copropriétaires est en droit de demander la remise en état antérieur.

Il peut effectivement entériner vos travaux à une prochaine Assemblée Générale si les copropriétaires sont sympathiques, mais la copropriété peut parfaitement refuser cette acceptation a posteriori. Et là vous aurez beau saisir le juge pour obtenir une autorisation (ou vous défendre si le Syndicat des Copropriétaires vous attaque) vous serez contraint, s’il est décidé que vous deviez obtenir une autorisation préalable, de remettre en état.

Il existe certes un mécanisme (sur lequel je reviendrai dans un billet ultérieur) qui permet de contourner le refus de l’Assemblée Générale d’autoriser vos travaux. Mais cela suppose de saisir le juge, et surtout, cela suppose que les travaux en question n’aient pas été déjà faits. Si c’est le cas le juge ne peut pas les autoriser.

Or, même si vous respectez les règles et, devant un refus (borné) de l’Assemblée Générale d’autoriser vos travaux, vous saisissez le Tribunal, cela prendra du temps (plusieurs mois au minimum, plus logiquement plusieurs années entre le moment où vous demandez l’inscription de vos travaux à l’Ordre du Jour et le moment où le juge rend une décision).

Autrement dit, si vous êtes en présence de copropriétaires un peu têtus, obtenir le droit de faire des travaux sur parties communes ou en façade de l’immeuble peut prendre un très long délai. Ce qui est gênant si ces travaux sont indispensables pour la jouissance de votre bien.

C’est la raison pour laquelle je déconseille d’acquérir des lots de copropriété dans lesquels vous êtes obligé, pour votre jouissance normale (personnelle ou professionnelle, d’ailleurs) de faire des travaux requérant une autorisation préalable de la copropriété. Vous risqueriez de devoir patienter des mois ou des années avant de l’obtenir.