Avocat en construction et copropriété

Étiquette : le Palais

Durée d’une procédure devant le TGI de Paris

Capture d’écran 2015-02-16 à 17.52.47J’ai fait récemment un article concernant les audiences de procédure devant les tribunaux civils.

Je pense qu’il est intéressant de le compléter par un rapide billet concernant la durée d’une procédure devant le Tribunal de Grande Instance de Paris. En effet, la question de la durée que peut prendre un procès est vitale, et souvent mal comprise du justiciable.

Il faut savoir que la durée d’une procédure devant le TGI de Paris (je parle de ce que je connais…) dépend de deux critères, un procédural, un pratique.

Le critère procédural, c’est qu’il faut tout simplement respecter les règles de procédures édictées par le Code de Procédure Civile, celles précisément que j’ai rappelées dans mon précédent billet.

Et là, forcément, vu qu’il s’agit d’aller d’audience de procédure en audience de procédure, cela prend un certain temps.

Sachant en outre que l’idée est de permettre à l’avocat, souvent surchargé, de s’organiser d’une audience sur l’autre (traduction : avoir le temps de sortir le dossier et de lui consacrer au moins une demi journée pour établir des conclusions).

Dans ces conditions, on comprend que sauf grande urgence, les audiences de procédure ne soient jamais espacées de moins d’un mois.

Même s’il faut bien dire qu’un tel espace d’un mois est assez illusoire dans la juridiction parisienne, hélas.

Ainsi, le TGI de Paris est terriblement surchargé, avec un nombre d’audiences fixes, et le budget de la justice ne permet pas vraiment d’engager de nouveaux juges pour faire face à l’afflux de dossiers. Autrement dit, le nombre des litiges augmente en permanence, et le tribunal doit y faire face avec, au mieux, des moyens constants, voire avec des moyens qui régressent (Et tout ça, sans parler des conditions matérielles de travail très difficiles des greffiers et juges…)

Autant dire que, malheureusement, cela ne va pas dans le sens d’une diminution des délais.

Ainsi, il faut toujours plusieurs mois pour qu’une affaire dont le tribunal est informé fasse l’objet de la toute première audience de procédure. Dans deux dossiers que j’ai pu traiter récemment, j’ai constaté un délai de 3 à 5 mois entre le placement de l’assignation et cette première audience.

Ensuite, l’écart entre audiences de procédures est d’au mieux 2 mois, plus souvent 3.

Ainsi, dans une affaire concernant une assemblée générale de copropriété que je conteste et qui a eu lieu fin 2014, le tribunal ayant reçu l’assignation en septembre 2014, la première audience a eu lieu début février 2015, et la prochaine sera début mai. Je ne pense pas que l’on plaide l’affaire avant la fin 2015.

Autant dire qu’il vaut mieux ne pas être pressé et tenir compte, dans sa stratégie, de ces délais.

Maintenir l’attention, c’est important.

19ème chambre de la Cour d’Appel (vous savez, celle qui est très facile à trouver).

Deux affaires de construction sont prévues ce jour, qui comprennent toutes au moins une demi douzaine de parties, et donc autant d’avocats qui vont défendre leur bout de gras.

Je suis un peu en retard à cause d’une précédente audience, mais pas de panique, j’ai prévenu la Cour, normalement, personne ne m’en voudra et ce d’autant que mon affaire n’est pas la seule.

J’arrive un peu essouflée (4ème étage et dédale de couloirs à maîtriser…).

Ouf, c’est la première affaire du rôle qui se plaide. J’écoute distraitement en compulsant mon propre dossier, rien à signaler. Les avocats de l’autre affaire plaident les uns après les autres et présentent leurs arguments.

Dans la salle, certains lisent, d’autres somnolent, certains discutent à voix basse. L’affaire traîne un peu en longueur.

Justement, là, une plaidoirie s’achève. L’un des deux confrères qui conféraient en messe basse se relève brusquement et va se placer à la barre.

Il commence sa plaidoirie avec une certaine bonhomie de bon aloi.

Au bout de quelques secondes, regard vaguement étonné des magistrats, beaucoup plus étonné des autres avocats de la salle qui lancent des «Pssst!» au confrère qui plaide.

Celui-ci se retourne vers la salle, perplexe.

« Eh bien, quoi ? »

« Confrère…. Vous plaidez la mauvaise affaire, vous êtes dans l’autre dossier ! »

Dans la jungle de l’audience de référé

Comme je l’ai déjà indiqué dans d’autres billets, en matière de référé, il n’est pas obligatoire de prendre un avocat. (Attention, je dis que ce n’est pas obligatoire, pas que c’est inutile, au contraire… Pour un avocat, avoir pour adversaire un personne se défendant seul, c’est généralement très intéressant).

Toujours est-il que si vous devez vous présenter en audience de référé à PARIS, voici quelques trucs qui vous permettront de vous en sortir vivant.

J’ai l’air d’exagérer ? Oui, bien sûr, un peu. Mais pour un particulier, l’audience de référés parisienne, ce n’est pas de la tarte.

D’abord, repérer la salle. Attention, à ma connaissance, il peut y avoir pas moins de cinq salles dans laquelle cela peut se dérouler. Heureusement, elles sont proches les unes des autres (vu la taille du palais de justice, c’est pourtant pas évident).

D’une façon générale, ce sera dans la salle spéciale « des référés » (oui, elle s’appelle comme ça) qui est dans la grande salle, pas loin de l’accueil.

Un indice : si vous êtes en défense et avez été assigné, regardez sur le texte de l’assignation, la bonne salle est souvent indiquée. De toutes façons, demandez à l’accueil, c’est plus simple. Et si vous êtes en défense, sans avocat, je vais considérer que vous connaissez votre affaire et que vous n’avez pas besoin d’aide.

Un conseil, soyez à l’heure. En effet, si l’audience est à 9 heures (c’est généralement le cas) les affaires commencent tout de suite et ça va très vite, parfois. Si vous arrivez à 9h10, il n’est pas impossible que votre affaire soit déjà finie.

Une fois la salle repérée, entrez. Si c’est la Salle des Référés, ne vous étonnez pas d’avoir du mal à y entrer en raison de la queue qui se prolonge jusqu’à la porte.

Ce sont tous les avocats arrivés avant vous, certains avec parfois trois quarts d’heure ou une heure d’avance pour avoir une chance d’arriver dans les premiers.

Pas de panique, il vous faut vous signaler à l’huissier. Ce n’est pas très difficile, c’est la personne en robe, assise à droite et que tous les avocats vont voir.

Mettez vous à la queue et attendez votre tour. Quand vous arrivez devant l’huissier, dites dans quelle affaire vous êtes, donnez votre nom, montrez lui l’assignation du demandeur. Surtout, SURTOUT, n’oubliez pas d’amener l’assignation avec vous. Sinon, l’huissier ne parviendra peut être pas à savoir qui vous êtes et dans quelle affaire vous intervenez.

Une fois que vous vous êtes signalé, installez vous tranquillement et attendez le début de l’audience. N’hésitez pas à vous installer sur les bancs, pas trop au fond. Il faut que vous puissiez entendre les affaires êtres appelées, et vu le brouhaha, ce n’est pas toujours facile.

Attention, les affaires pourront commencer à être jugées alors même que les avocats (et vous, généralement) faites la queue pour vous signaler à l’huissier. Tendez l’oreille et assurez vous que l’affaire appelée n’est pas la vôtre.

Sachez que généralement, les affaires sont appelées au nom du demandeur. Mémorisez donc bien le nom de celui qui vous a assigné, c’est lui qu’on appellera, pas forcément vous.

Autant les affaires peuvent passer très rapidement, autant elles sont nombreuses. Armez vous de patience, vous pouvez vous retrouver à attendre une heure ou une heure et demie. Si vous lisez un livre ou un magazine, écoutez bien les dossiers appelés pour éviter de laisser passer votre affaire.

Lorsqu’on vous appelle, levez vous, approchez vous du Président. Celui ci (ou, statistiquement, celle-ci) va vous demandez qui vous êtes ; répondez.

Une fois l’identification des parties terminées, le demandeur aura la parole. Il faut le laisser parler sans l’interrompre ; vous aurez ensuite la possibilité d’expliquer votre point de vue sans être interrompu.

Une fois que tout le monde se sera exprimé, le magistrat indiquera à quelle date la décision sera rendue, et il suffira alors d’attendre cette dernière.

Voilà. Avec ces quelques explications, j’espère que vous ne vous sentirez pas trop perdus lorsque vous franchirez la porte capitonnée de la salle des référés.

Une affaire de…

Une affaire deAujourd’hui, j’attendais mon tour en audience, et écoutais vaguement l’affaire qui passait avant la mienne, devant un magistrat que je connais (pour le pratiquer souvent) et apprécie. Apparemment, une histoire compliquée de copropriété où un copropriétaire avait fait une construction « sauvage » sans modification du règlement de copropriété. 

La discussion s’échauffant, j’écoutais mieux. Le magistrat, qui restait toujours très zen, fit taire un moment les trois avocats qui se crêpaient le chignon et leur tint à peu près ce langage : 

« Bon, écoutez maîtres, dans votre affaire, ces histoires d’action possessoire et compagnie, j’y connais rien*. Et puis votre problème est passionnant en droit, mais il est impossible de trouver une solution qui ne sera pas juridiquement contestable. Quoi que je décide, ça risque d’être un jugement de Salomon, vous irez en appel et vous aurez raison. 

Votre affaire, là, vous en avez pour dix ans et vous irez au moins en Cassation. 

Non, franchement, là, c’est une affaire à la con. Vous préférez pas plutôt aller en médiation ? »

Au final, il a réussi à les convaincre de demander à leurs clients de se calmer un peu et d’envisager une solution amiable. 

Chapeau, parce que si la médiation est décidée, et qu’elle aboutit, elle aura permis de régler un litige vieux de plusieurs années, et aura économisé des sommes non négligeables tant aux parties (frais d’avocat et cie…) qu’au contribuable (frais de gestion de longs procès). 

Qui dit que le juge est un fonctionnaire plan-plan ? 

*Il est dans une chambre spécialisée en construction, ce n’est pas aberrant.

La Professionnelle

Je devais aller plaider une affaire devant la Cour d’Appel. La partie adverse était une dame âgée, dont, à mon avis, la mauvaise foi n’avait d’égal que le montant de son compte en banque.

Après avoir trouvé la salle d’audience (un exploit en soi !) j’entre, et avise justement une dame couronnée d’une abondante auréole de cheveux blancs qui remue des papiers en marmonnant, révisant manifestement un dossier.

Diantre. Serait-ce mon adversaire ?

Nullement, m’indique mon contradicteur lorsqu’il arrive.

Curieuse, je m’interroge sur l’identité de cette femme, seule personne de la salle à ne pas porter de robe et qui donc n’était ni avocat, ni avoué.

Son affaire est appelée avant la mienne. Le litige la concernant porte apparemment sur une facture de l’ordre de mille Euros, qu’elle refuse catégoriquement de régler bien qu’elle ait manifestement sollicité la prestation de l’artisan.

Ce dernier, excédé par la mauvaise foi de la plaideuse, a décidé de se battre jusqu’au bout et tente de franchir l’un après l’autre les nombreux obstacles procéduraux que fait surgir cette dame entre sa facture et le chèque correspondant.

En effet, l’affaire de ce jour là devant la Cour avait manifestement été précédée d’un terrible imbroglio juridique, impliquant notamment des décisions relatives à la mise sous tutelle de l’intéressée.

L’inconnue se lève et plaide en premier. Elle est assistée d’un avoué, ce qui est pour quelques temps encore obligatoire devant la Cour, mais n’a pas pris d’avocat et assure elle même sa défense.

Ses explications sont longues, embrouillées, développées sur le ton de la dignité offensée et franchement énervée.

A dire vrai, je ne comprends guère ses arguments, et vu la tête des magistrats de la Cour, j’ai l’impression de ne pas être la seule.

La Cour, justement, est visiblement agacée – la présidente demande à plusieurs reprises à la plaideuse d’écourter, d’en venir au fait.

Cette dernière achève enfin sa diatribe.

J’ai bien écouté, et pourtant, je n’ai toujours pas tout compris.

L’avocat de l’artisan créancier se lève et développe à son tour ses arguments.

Visiblement, la plaideuse, il la pratique depuis un certain temps. Il lance quelques piques qui, si elles s’intègrent sans heurt dans sa plaidoirie, sont manifestement destinées à la faire réagir.

Ça marche.

Sur son siège, la dame âgée trépigne, de plus en plus visiblement. A plusieurs reprises, elle se lève à demi, puis enfin se dresse vivement en plein milieu de la plaidoirie adverse et tente de répondre inopinément à cette dernière, interrompant l’avocat adverse.

La Présidente intervient et intime l’appelante* de se taire et de se rasseoir. Son avoué passe de la consternation au désespoir le plus total ; il tente sans succès de faire taire sa cliente qui ponctue la plaidoirie de son adversaire d’interjections variées.

La plaideuse ne se rend pas compte que ses interventions la desservent. L’avoué, si, et sa mine s’allonge.

La plaidoirie de l’affaire s’achève enfin, la date à laquelle le jugement sera rendu est donnée. La plaideuse sort de la salle d’un air offensé.

On en a parlé un peu, ensuite, entre avocats. Un pareil numéro, cela n’arrive pas tous les jours. Et puis mon affaire a été appelée et je n’y ai plus pensé.

Je ne pensais pas la revoir. Erreur.

L’autre matin, j’avais une affaire au Tribunal d’instance du 13ème arrondissement de Paris.

Elle était là, pas changée d’un iota, encore en train de compulser fébrilement ses papiers. Elle donnait même des renseignements, remarquablement précis, à quelques justiciables apparemment un peu perdus dans la jungle judiciaire.

Hélas, ce jour là elle s’est contentée de demander un renvoi, d’un air empressé et sans hésiter une seconde sur la façon de s’y prendre. Elle a franchi la longueur de la salle d’audience d’un pas conquérant, faisant claquer ses talons sur le sol, en brandissant comme un glaive sa carte d’identité et quelques papiers. Puis elle est repartie, peut être vers une autre audience.

Une vraie professionnelle des tribunaux.

*Pardon, mais je ne pouvais pas laisser passer celle là…

Don Quichotte à Nanterre

Parfois, alors que la profession juridique n’est pas tous les jours très drôle, on a quand même quelques moments d’amusement inattendus. 

C’est ainsi que ces derniers jours, j’avais le bonheur d’aller plaider, en plein mois d’août (chic…) une affaire toute simple devant le Juge des référés de Nanterre. 

Il s’agissait, dans le cadre d’une expertise déjà entamée, de demander au Juge qu’il déclare les opérations d’expertises communes à l’assureur de l’entreprise, de façon à ce qu’il puisse intervenir à l’expertise, et éventuellement en subir les conséquences (c’est bien d’avoir des adversaires solvables). 

Demande hyper classique, qui peut susciter, de la part de l’avocat de l’assureur, deux types de réponses. 

Soit le confrère voit bien que la demande est fondée, et il fait des «protestations et réserves», ce qui revient, sous couvert d’une formule d’usage, à acquiescer à la demande. Dans cette hypothèse, a priori, le demandeur est pratiquement certain que sa requête lui sera accordée

Souvent, cela donne des audiences un peu surréalistes où, après que le demandeur ait exposé son affaire, les avocats en défense se contentent tous de lancer « PR » à la cantonade. 

Ou alors l’avocat adverse pense que la demande n’est pas fondée, et développe alors une défense digne de ce nom. Là, l’issue de la demande est plus incertaine. 

L’autre matin, donc, j’arrive en salle des référés, et avise mon contradicteur, que je connais déjà pour l’avoir rencontré dans nombre d’autres procédures. 

On discute un peu, et il m’indique qu’il compte s’opposer à ma demande pour divers motifs qu’il me détaille. 

Légère inquiétude. En effet, si le confrère faisait «protestations et réserves», j’étais pratiquement sûre d’obtenir ce que je voulais. Mais s’il s’oppose, bien que je pense ma demande solide, il existe toujours un risque d’échec. 

Du coup, le temps que notre affaire soit appelée (une bonne heure d’attente, normal…) je potasse de nouveau mon (maigre) dossier et rassemble quelques arguments que j’espère percutants. 

Notre affaire est appelée. 

Je plaide mon dossier, je m’accroche, je démontre le bien fondé de ma demande et l’opportunité de cette dernière. J’explique, j’argumente, je tente de couper sous le pied l’herbe de mon perfide contradicteur en battant en brèche d’avance les arguments qu’il ne va pas manquer de formuler. 

Enfin, je lui laisse la parole. 

– « Protestations et réserves », dit-il. 

Stupéfaction de ma part : 

– « Mais vous m’aviez dit que vous vous opposiez à ma demande !? »

Regard un peu surpris du confrère. 

– « Ben oui, mais je plaisantais… »

Rires de la présidente et de la greffière devant ma mine stupéfaite, et 

des avocats des premiers rangs qui ont pu entendre nos échanges. La présidente sourit en disant qu’elle m’accorde ma demande.

Regard gêné du confrère qui n’a pas imaginé que je prendrais sa blague au sérieux (ses arguments juridiques étaient loin d’être idiots). 

Moi aussi, j’éclate de rire devant le cocasse de la situation : j’ai plaidé l’affaire comme une acharnée … pour rien.

La confraternité entre avocats

La confraternité entre avocatsJ’ai eu l’occasion de voir, ici et là, des commentaires désabusés formulés par des justiciables mécontents de leur avocat, et qui étaient des variations sur « mon avocat s’est entendu avec l’autre, à mon détriment, c’est dégoûtant ». Du coup, je pense qu’une petite mise au point sur les relations entre avocats et sur la confraternité s’impose. 

La confraternité entre avocats est à la fois une obligation déontologique qui nous est imposée, mais aussi un outil précieux dans notre profession. 

Obligation déontologique, parce que l’avocat doit respecter, dans son exercice, outre les règles de dignité, conscience, indépendance, probité et humanité qui constituent son serment, les principes d’honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie (oui, tout ça à la fois). Cela est notamment précisé à l’article 1.3 du Règlement Intérieur national de la profession d’avocat. 

Cela signifie qu’en toute circonstance, l’avocat doit traiter l’autre avocat avec politesse, courtoisie, comme un égal qu’il est, et, en quelque sorte, comme il aimerait lui-même être traité. L’idée, c’est que l’autre avocat est membre du même ordre, et qu’il mérite des égards. 

Cette confraternité fera, tant que cela ne nuit pas aux intérêts du client (qui passent avant la confraternité, j’y reviendrai), qu’un avocat ne s’opposera pas à une demande de renvoi formulée par un confrère qui n’a pas pu préparer sa défense, préviendra son confrère adverse de l’assignation qu’il délivre pour lui donner le temps de se préparer, l’avertira de tout appel interjeté contre une décision. 

La confraternité est ainsi de nature à permettre un débat loyal. 

Toutefois, la confraternité, qui a pour objet de permettre l’établissement de relations de confiance entre avocats, ne doit jamais primer à l’intérêt du client. 

Par exemple, si l’avocat initie une procédure de référé, c’est généralement qu’il y a urgence. Aussi, il serait contraire à l’intérêt du client d’accepter un renvoi, malgré la demande du confrère. 

De façon similaire, certaines procédures sur requête (qui feront l’objet d’un billet ultérieur), dont la caractéristique principale est la surprise, se font sans présence de l’adversaire, et il est évidemment totalement hors de question d’avertir le confrère préalablement ! 

Voici pour le volet « obligation déontologique ». Et le volet « avantage précieux », me direz vous ? 

En réalité, je l’ai déjà abordé lorsque j’ai précisé que la confraternité permettait un débat loyal dans un climat de confiance. 

Ainsi, dans un cadre contentieux, où par définition, vue qu’on en est au procès, les parties ne se parlent plus guère, l’intervention de deux professionnels qui parlent le même langage, ont chacun le souci de l’intérêt de leur client, et qui peuvent raisonnablement compter sur la loyauté de l’autre, peuvent entamer des discussions qui ne pourraient avoir lieu entre leurs clients respectifs. 

De la sorte, une solution amiable qui n’avait pu intervenir entre les parties seules, peut être concrétisée entre leurs avocats. 

Sur ce point, il convient de préciser que le client a le dernier mot. Autrement dit, s’il refuse l’accord proposé, jamais son avocat n’ira à l’encontre de ses instructions. Il pourra tout au plus lui expliquer pourquoi il pense que ce refus est inopportun, lui conseiller d’accepter, mais pas davantage. 

Les principes régissant les rapports entre avocats permettent donc de faciliter la solution amiable – donc plus rapide et moins onéreuse – des litiges. 

Aussi, dans tout litige, discutez avec votre avocat de la possibilité d’en finir à l’amiable, il est particulièrement bien placé pour cela. 

Et rappelez vous bien que votre avocat… est avant tout VOTRE avocat. Il est là pour vous défendre envers et contre tout, et ne laissera jamais ses bonnes relations pour un de ses confrères interférer avec son devoir de vous assister au mieux. 

Si véritablement, vous avez le sentiment que votre avocat ne roule pas à 100% pour vous… il est peut être temps d’en changer.

Procès à deux balles

Aujourd’hui s’est déroulée au Conseil de Prud’hommes l’affaire la plus effarante qui soit. 

Audience de référés, salle bondée, l’après midi promet d’être long. 

Une affaire est appelée, un salarié contre son employeur, comme souvent. Le salarié a travaillé deux jours et puis l’employeur, non satisfait de son travail, l’a renvoyé avant la fin de la période d’essai, comme il en a le droit. Le salaire dû a été réglé. 

Alors, que fait-on ici ? Eh bien, c’est un problème de prime de panier. La prime de panier est une indemnité qui est versée au salarié qui prend son repas sur son lieu de travail. 

La prime a été réglée. Sauf que pendant la brève relation de travail, son montant a changé… Et l’employeur n’a pas réglé l’intégralité de la prime correspondant aux deux jours travaillés. 

L’employé, conscient de ses droits, a assigné en référé devant le Conseil. Il n’a manifestement pas eu l’idée soit de passer un coup de fil à la comptabilité de son employeur pour récupérer son dû. Non, il a directement entamé une action judiciaire. 

Pour 2,58 euros. Oui, vous avez bien lu. 

Ah, et une paille, il a demandé aussi 1.500 euros de dommages et intérêts. Eh oui, quoi, il avait subi quand même un énorme préjudice, pensez vous, on peut en faire des choses avec 2,58 euros ! 

Son patron, chef de PME, bouillait de rage en attendant son tour, qui est arrivé à 17 heures. Il était là depuis 13 heures. 

Le magistrat était très mécontent qu’une telle affaire puisse faire l’objet d’un procès, et on le comprend. Et d’autant plus mécontent que le salarié, insatisfait que le juge fasse les gros yeux en entendant sa demande principale et de dommages et intérêts, a refusé de prendre le chèque que son ex-employeur avait apporté avec lui. 

L’employeur est ainsi reparti avec le chèque de 2,58 euros. 

Tout ça pour ça. Un procès à deux balles, je vous dis.

De l’importance de bien choisir son avocat

J’expliquais dans mon précédent billet l’importance de toutes les petites choses que fait nécessairement un avocat pour bien remplir sa mission.

Il y a un autre aspect considérable du métier, c’est le respect de la procédure. Considérable, parce que parfois les erreurs peuvent coûter très cher. C’est la raison pour laquelle dans ledit billet, j’évoquais à la fin, rapidement car ce n’était pas le sujet, les erreurs de procédure.

J’ai eu l’occasion d’assister en direct à une telle erreur, dans les temps paléolithiques où je faisais mon stage en juridiction. (Chaque élève avocat à l’époque où j’avais cette qualité effectuait au Tribunal un stage de quinze jours à un mois).

J’avais été affectée à la très intéressante 17ème chambre du Tribunal de Grande Instance de PARIS, qui juge les affaires de presse.

C’était rigolo, la plupart du temps, car les affaires étaient constituées, en grande partie, par des plaintes de stars et autres pipoles mécontents que tel ou tel magazine de bon aloi les aient photographiés sans leur avis, en grande partie aussi par des plaintes de Monsieur Le Pen mécontent que tel ou tel magazine de qualité ait dit sur lui des choses qui ne lui plaisaient pas, le reste des affaires étant constitué, à la louche, par des diffamations et autres injures.

Et puis un jour, tranquillement perchée sur l’estrade à côté des juges, j’ai assisté à une pénible déconfiture.

Si mes souvenirs sont bons, il s’agissait d’un délit de presse tout ce qu’il y avait de simple, très certainement une diffamation.

Il faut savoir que droit de la presse et de la diffamation est un droit très spécifique, délicat à manier, qui exige des formes particulières et surtout le respect de délais stricts, par exemple en matière d’introduction de la demande ou encore pour l’offre de preuve des faits allégués en défense.

Les deux avocats se sont présentés à la barre. Cela n’a pas duré longtemps.

L’avocat du diffameur présumé s’est borné, très tranquillement, à énoncer les diverses nullités dont était entachée la procédure intentée par la partie civile.

Pendant ce temps, l’avocat de la partie civile regardait le président d’un air gêné. Le président aussi avait l’air vaguement gêné. Et pour cause, la partie civile avait accumulé les erreurs procédurales.

Naturellement, la procédure a été annulée. Et vu les délais très stricts dans lesquels est enserrée la procédure des délits de presse, une fois la procédure annulée, il était trop tard pour en entamer une autre.

Ce jour là, l’avocat de la partie civile, qui ne savait manifestement plus ou se mettre, a simplement indiqué au président que, spécialisé en droit du travail, il n’avait guère saisi les subtilités du droit de la diffamation.

Son client a été débouté de toutes ses demandes sans même qu’elles aient été examinées.

Attention, je ne suis pas en train de juger ou de me moquer de cet avocat. Notamment parce que je ne connais pas mieux que lui le droit de la presse et que j’aurais probablement fait les mêmes erreurs.

Je ne doute pas, en outre, qu’il devait faire un malheur devant les juridictions prud’homales et connaître sur le bout des doigts les subtilités du code du travail (et ce n’est pas peu dire).

Mais il avait accepté un dossier dans un domaine qu’il ne connaissait pas suffisamment. Et c’est un risque qu’il faut refuser de courir.

La morale de cette histoire ?

Vous, client candide et sûr de votre bon droit, qui allez consulter un avocat, il vous faut absolument vérifier, en lui demandant tout simplement, qu’il connaît le domaine dans lequel vous souhaitez le missionner.

Le droit est aujourd’hui trop vaste pour qu’une seule personne puisse se prétendre experte dans tous ses aspects.

Donc, posez la question, votre avocat est honnête, il vous répondra, ce qui évitera d’éventuelles déconvenues.

Comme c’est charmant.

Audience du tribunal d’instance. Pas moins de quatre avocats se présentent à la barre. Ce n’est pas forcément fréquent, tout ce monde d’autant que l’après midi a surtout vu passer des affaires de loyers impayés.

L’affaire est édifiante. (Et pas uniquement parce que l’avocat de la défense a une voix terriblement soporifique).

Madame, en 1997, souscrit un contrat d’assurance vie. Elle inscrit sa fille en qualité de bénéficiaire dudit contrat.

En 2001, soit quatre ans plus tard, Madame est placée sous tutelle car atteinte de la maladie d’Alzheimer. Monsieur, son mari et père de la bénéficiaire du contrat, est le tuteur. Madame décède en 2005.

A son décès, naturellement, les sommes concernées par l’assurance vie sont reversées au bénéficiaire, Mademoiselle. Ce qui déplaît souverainement à Monsieur.

Ce dernier a donc la bonne idée d’assigner sa fille afin d’obtenir la restitution du montant versé – environ 4000 Euros. Et pour faire bonne mesure, Monsieur engage également la responsabilité de la banque et de l’assureur.

Au soutien de sa demande, il affirme être le véritable bénéficiaire de l’assurance vie et que sa fille aurait modifié frauduleusement le contrat pour y apposer son nom, spoliant ainsi son père.

L’ennui c’est qu’on se rend compte que ce n’est pas le cas : Mademoiselle a toujours été bénéficiaire, depuis le tout début. Flûte. Que faire ?

Alors Monsieur affirme alors qu’en réalité, si feue la mère de Mademoiselle a inscrit cette dernière en qualité de bénéficiaire, c’est… que Mademoiselle l’avait manipulée. Oui, en 1997, elle ne pouvait qu’être déjà atteinte de la maladie d’Alzheimer (on se demande quand même pourquoi quatre années ont été attendues pour mettre la pauvre Madame sous tutelle).

Ainsi, Monsieur n’hésite pas à affirmer que son épouse était déjà bien atteinte, et que cela seul explique qu’elle se soit laissée berner et aie eu la bizarre idée de rendre sa fille bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie. (C’est vrai quoi, quelle idée…)

Autrement dit, Monsieur plaide la démence de Madame afin de profiter du produit de son décès.

Je vous disais bien que c’était charmant.

Bienvenue au Palais (le retour)

C’est tellement simple de se retrouver dans le palais de justice de Paris, qu’à l’entrée, on a d’aimables appariteurs qui nous expliquent, plan et petits schémas à l’appui, comment se rendre en divers endroits du lieu pour pouvoir suivre nos audiences ou faire des formalités.

Par ailleurs, pour ceux qui ont une audience ou veulent accéder au palais par jour de beau temps, je conseille de se présenter raisonnablement à l’avance : même si l’entrée du public n’est plus la celle de la Sainte Chapelle, et il faut généralement faire la queue un certain temps.

Attention à bien sélectionner l’entrée du Tribunal, et pas celle de la Sainte Chapelle.

Ci-dessous, voici un exemplaire du fameux plan, vierge de toute indication, et dont chaque appariteur possède un bloc épais.

Plandupalaisdejusticedeparis

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Sécurité des tribunaux

Il y a quelques temps, l’opinion s’était émue suite à l’agression d’un magistrat par une justiciable mécontente. Tout un débat s’était alors ensuivi sur la nécessaire sécurisation des tribunaux.

La plupart du temps, toute personne (avocats mis à part) doit passer par le détecteur de métal et faire subir le même sort à ses bagages.

A ma connaissance, la consigne est généralement appliquée en Ile de france. A Paris, il faut montrer patte blanche pour entrer au palais et au tribunal de commerce. Idem pour Créteil, Bobigny, Versailles, et un peu plus loin, à Pontoise.

C’est pourquoi j’ai été assez surprise de constater que l’on peut en ce moment entrer au tribunal de Commerce de Nanterre comme dans un moulin – Il y a certes un portail de détection, mais personne ne le surveille et toute personne peut passer à côté sans être inquiétée.

Cela est d’autant plus curieux qu’en revanche, pour accéder au tribunal de grande instance tout proche, un mécanisme proche de l’octroi a été institué.

Lorsque le tribunal considéré ne comporte pas de système de protection particulier (certains tribunaux d’instance, par exemple), la chose ne choque guère. C’est simplement de voir ce poste de contrôle, naguère effectif, laissé à l’abandon, qui est étrange.

Bienvenue au Palais

Palais de Justice de ParisAccueil du Palais de Justice de Paris, salle des pas perdus.

– Alors, Maître pour aller à votre audience, la 15ème chambre B, c’est l’escalier K, premier étage.

– Merci bien !

***

– Dites, monsieur, je ne vois pas la 15ème chambre comme vous m’aviez dit, je n’ai trouvé que la 11ème…

– Ah oui mais c’est parce que les audiences de la 15ème se passent dans la salle de la 11ème !

– Aaaaaah je vois, j’y retourne. Merci.

***

– Ah Maître, ici, dans les locaux de la 11ème, c’est bien la salle habituelle dans laquelle on plaide les affaires de la 15ème, mais là, non, vous voyez, on est en audience pour autre chose.

– Oui, j’entends qu’on parle de Serge July et de Libé, je vous bien que c’est pas de la construction…

– Maître, vous devriez aller voir au greffe de la 15ème, on pourrait vous y renseigner.

– C’est où ?

– Ah c’est facile, c’est au tout dernier étage de l’escalier Renaissance, le petit en colimaçon là bas.

***

– (bruit de respiration sifflante) Bonjour madame, je cherche une audience de la 15ème chambre à 14 heures.

– Ah maître, nous n’avons jamais d’audiences à 14 heures, c’est toujours le matin. C’est embêtant que vous soyez montée jusqu’ici pour rien.

– Ça je ne vous le fais pas dire. Bon…vous pouvez vérifier le numéro de mon affaire et la retrouver ?

– Oui oui…la voilà. Ah mais elle est terminée depuis deux ans !

– Ah. Hum. Attendez, j’ai un autre numéro d’affaire…

– Ah, oui, mais celle là elle est à la 19ème chambre ! Je vais appeler l’accueil pour leur demander.

– Ce ne serait pas plus simple que vous appeliez directement le greffe de la 19ème chambre ?

– Ah oui tiens je n’y avais pas pensé. Allô ? Oui, j’ai une avocate ici qui cherche votre chambre… ah, d’accord il y a bien l’audience à 14 heures. Merci, au revoir. Alors maître, pour ça, vous redescendez trois étages, puis à la statue de saint louis, vous allez jusqu’au tapis rouge bla bla bla bla et c’est à côté du greffe des référés.

– Aaah, le greffe des référés à côté de la grande salle des pas perdus* ?

– Je ne connais pas de salle des pas perdus, Maître.

– Euh, pas grave je trouverai. Merci.

***

– Rebonjour monsieur, c’est encore moi. Il paraît que la 19ème chambre c’est à côté du greffe des référés?

– Oui, mais pas celui là, Maître. Il faut aller à l’autre bout du palais, escalier Z, 4ème étage. Ah, au fait, l’ascenseur est en panne.

– 4ème étage !!! Gnnn. Bon, merci.

***

– (encore des bruits de respiration sifflante) Bonjour Madame, je ne trouve pas la salle de la 19ème chambre, pourtant c’est le 4ème étage de l’escalier Z…

– Ah, oui Maître, c’est normal, c’est à cause des travaux. Tenez, prenez cet imprimé qui explique comment y aller. Oui, faut descendre au 2ème étage, puis suivre le couloir, prendre l’escalier C1, et remonter au 4ème.

– Gggnnnnnnn.

***

– (Bruits de respiration asthmatique) Monsieur le Président, j’ai l’honneur de me présenter devant vous ce jour en défense des intérêts de…

Grrumph.

* La salle des pas perdus c’est the grande salle impossible à manquer au rez-de-chaussée.

Photo Credit: Erik Daniel Drost via Compfight cc

© 2024 Marie Laure Fouché

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