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Pourvoi en Cassation, pourquoi, comment.

Lorsqu’on vient de recevoir un arrêt rendu par une Cour d’Appel, on peut envisager, s’il n’est pas très favorable, un pourvoi en cassation.

Il est donc préférable de comprendre comment fonctionne un pourvoi, et son utilité.

J’ai déjà exposé dans une série d’articles les mécanismes de l’appel et du pourvoi en cassation, et vous pouvez consulter ici celui consacré à la cassation.

D’abord, il faut savoir que généralement, la question du pourvoi se pose après un arrêt de Cour d’Appel.

Toutefois, certaines décisions ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un appel, et seulement d’une instance en cassation, lorsqu’elles concernent un intérêt inférieur à un certain montant. On les appelle les décisions « en dernier ressort ».

Par exemple, devant le Tribunal d’Instance, les décisions seront rendues en dernier ressort lorsque les litiges sont d’un montant inférieur à 4.000 euros.

Ceci étant précisé, revenons au pourvoi en cassation. Pour la suite, pour plus de facilité, on va supposer que l’on envisage la Cassation après un arrêt de Cour d’Appel.

Si l’on a une décision défavorable susceptible de pourvoi, il faut donc s’interroger pour savoir s’il est judicieux de faire un tel pourvoi.

Déjà, il faut savoir que le pourvoi en cassation n’est pas suspensif d’exécution. Donc, si on a été condamné, on ne peut former un pourvoi en cassation pour échapper aux condamnations prononcées par la Cour d’Appel.

Pire, si les condamnations ne sont pas exécutées, le pourvoi pourra faire l’objet d’une radiation.

Donc, si on veut juste gagner du temps pour ne pas exécuter ses condamnations, c’est loupé.

Ensuite, il faut savoir que la Cour de Cassation ne va pas juger l’affaire une troisième fois (après la première instance et la Cour d’Appel), mais va porter une appréciation strictement juridique.

Ainsi, elle ne va pas vérifier si telle ou telle chose est arrivée, mais elle va prendre les faits, tels qu’établis par la Cour d’Appel, et vérifier si la règle de droit a correctement été appliquée, et si les règles procédurales ont été respectées.

On peut prendre un exemple simple tiré du droit de la construction.

Comme je l’ai exposé dans deux articles précédents, la garantie décennale indemnise le Maître d’Ouvrage si le dommage qu’il subit porte atteinte à la solidité de son ouvrage ou le rend impropre à sa destination, selon la définition de l’article 1792 du Code Civil.

Typiquement, si les fondations d’une maison sont mal réalisées, et que des lézardes apparaissent, on va généralement considérer que la garantie décennale doit être mobilisée, puisque la solidité de la maison n’est plus garantie, et qu’elle est impropre à son usage (il pleut à l’intérieur).

En première instance et en appel, le Tribunal et la Cour d’Appel vont d’une part déterminer si oui ou non il y a des dommages, de quelle importance, puis les qualifier, afin de déterminer s’ils rentrent dans les conditions d’application de l’article 1792 du Code Civil, autrement dit, s’il y a atteinte à la solidité de l’ouvrage ou s’il devient impropre à sa destination. Si oui, les responsables du dommage seront condamnés.

Devant la Cour de Cassation, le raisonnement est tout autre.

La Cour de Cassation va ainsi prendre pour acquis ce que la Cour d’Appel a retenu sur la matérialité des dommages. Ainsi, si la Cour d’Appel a décidé que oui, il y a une grosse lézarde imputable à l’entreprise, la Cour de Cassation ne va aucunement le remettre en cause.

Ainsi, le juge du fond (le juge de la Cour d’Appel, donc) est seul à faire une appréciation, souveraine, des faits de la cause.

La Cour de Cassation, pour sa part, va se borner à vérifier que la règle de droit a bien été appliquée.

Elle va donc vérifier si l’existence d’une grosse lézarde est de nature à affecter l’ouvrage dans sa solidité, ou son usage.

Si elle considère que la Cour d’Appel a bien appliqué la règle de droit, la Cour de cassation va simplement rejeter le pourvoi en cassation.

Si en revanche la Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel n’a pas bien appliqué le droit, elle « casse » l’arrêt, en tout ou en partie, et renvoie l’affaire, pour être rejugée, devant une autre Cour d’Appel.

Donc, face à un arrêt de Cour d’Appel défavorable, le bon réflexe n’est pas de contester les faits tels qu’ils ont été retenus par le juge, mais de regarder si on peut considérer que les juges d’appel n’ont pas fait une bonne appréciation du droit. Si oui, on peut tenter le pourvoi en cassation.

Enfin, en conclusion, il faut souligner que l’exposé que je viens de faire est, volontairement, succinct et synthétique. Il existe d’autres motifs justifiant la cassation de l’arrêt, dont l’application est relativement subtile. Donc si véritablement vous voulez contester un arrêt, la solution la plus judicieuse est de solliciter votre avocat afin d’obtenir une consultation sur les chances de succès d’un pourvoi en cassation.

À noter, ce ne sera pas votre avocat habituel qui s’en occupera, mais un avocat spécialisé, qui n’intervient que devant la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat, et qui est rompu à la procédure et aux subtilités de la Cour de Cassation.

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Je forme un pourvoi en Cassation, dois-je payer les condamnations de la Cour d’Appel ?

4991D6C0-FE6F-42BB-8F6B-0E69B29C361A.image_600En matière de pourvoi en cassation, il faut savoir que les règles diffèrent selon le recours exercé. 

Lorsque vous faites appel d’une décision de première instance (jugement du TGI, du TI, du Conseil des Prud’hommes…) en principe, l’appel bloque l’exécution des condamnations de première instance, sauf à ce que ces condamantions bénéficient de l’exécution provisoire. Pour un rappel sur ce qu’est l’exécution provisoire, lire ce billet, et puis celui-là

Rappelons, sinon, qu’une ordonnance de référé est exécutoire par provision (autrement dit, l’exécution provisoire est de droit). 

La règle est différente entre la Cour d’Appel et la Cour de Cassation. 

Si vous formez un pourvoi en Cassation, ce pourvoi n’est pas suspensif d’exécution. 

Les condamnations d’appel DOIVENT être exécutées. Pire, si elles ne le sont pas, le pourvoi peut faire l’objet d’une radiation. 

Cela résulte de l’article 1009-1 du Code de Procédure Civile selon lequel:

« Hors les matières où le pourvoi empêche l’exécution de la décision attaquée, le premier président ou son délégué décide, à la demande du défendeur et après avoir recueilli l’avis du procureur général et les observations des parties, la radiation d’une affaire lorsque le demandeur ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée de pourvoi, à moins qu’il ne lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que le demandeur est dans l’impossibilité d’exécuter la décision ».

Le mécanisme est donc le suivant. Primus a été condamné par la Cour d’Appel.

Insatisfait de cette condamnation, il forme un pourvoi en cassation. Mais il ne paie pas les condamnations prononcées par la Cour d’Appel.

Dans cette hypothèse, Secundus, son adversaire, peut demander à la Cour de Cassation de radier le pourvoi de Primus. Celle-ci le fera généralement, sauf à ce que le fait de forcer Primus à exécuter n’entraîne des « conséquences manifestement excessives », ou que cela soit impossible.

Il n’est donc pas envisageable d’utiliser le pourvoi en cassation comme moyen dilatoire pour ne pas payer ses condamnations.

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Le raisonnement juridique : Première instance, Appel et Cassation (IV)

photo 3Nous touchons à la fin. Après avoir abordé la question du raisonnement juridique tout d’abord iciensuite ici, et enfin là, voici le quatrième billet consacré au sujet. 

Il revient à la distinction opérée dans le premier billet entre les faits et le droit, autrement dit à l’opération de qualification juridique

En effet, le mécanisme de la qualification juridique est illustré par la hiérarchie entre juridictions

Je m’explique. 

Lorsque vous avez un problème que vous voulez voir tranché devant un juge, vous vous présentez devant le Tribunal de Grande Instance, le Tribunal d’Instance, le Tribunal de Commerce ou le Conseil des Prud’hommes (pour demeurer dans les juridictions fréquemment saisies de l’ordre judiciaire). 

Le juge saisi examine les faits qui sont établis, et y applique la règle de droit. 

Si vous n’êtes pas satisfait de la solution (parce que vous avez perdu, ou que vous n’avez pas assez gagné..) vous interjetez appel devant la Cour d’Appel. 

Là, le même débat a lieu, une seconde fois. C’est en effet le droit de tout justiciable de voir son affaire jugée deux fois. On appelle cela le double degré de juridiction

Devant la Cour d’Appel, il faut présenter les mêmes demandes que devant la juridiction de première instance ; sauf exceptions, les demandes nouvelles sont proscrites. En revanche, on peut, à leur soutien, présenter de nouveaux arguments, de nouvelles preuves, de nouveaux faits. 

La similarité entre le juge de première instance et le juge d’appel, c’est que les deux ont le droit de dire si oui ou non, les faits que l’on présente sont prouvés, existent. 

Dans mon exemple de troubles du voisinage, ils ont tous les deux le droit de dire que oui, il est établi que le garage voisin fait du bruit et sent mauvais. 

La situation devient tout autre devant la Cour de Cassation. 

Si on forme un pourvoi devant la Cour de Cassation, c’est logiquement parce que la décision rendue par la Cour d’Appel n’est pas satisfaisante. Mais la façon de juger des magistrats de la Cour de Cassation est toute autre de celle des juges du fond, première instance et appel. 

Eux ne vont pas se préoccuper de savoir s’il existe des bruits ou des odeurs. Ils vont examiner l’arrêt d’appel. Si celui-ci mentionne l’existence de ces bruits et odeurs, ils vont le prendre pour acquis. 

Autrement dit, le juge de la Cour de Cassation n’examine pas la réalité, la présence des faits, mais vérifie ce qu’en a dit le précédent juge. 

Son seul et unique travail est celui de qualification juridique. 

C’est bien la raison pour laquelle la Cour de Cassation est considérée comme une juridiction « suprême », qui construit le droit. 

En effet, son travail est de donner des conséquences juridiques aux faits établis, en accord avec les lois et règlements. Elle vérifie ainsi que compte tenu d’éléments factuels donnés, la bonne conséquence de droit a été déduite par le juge d’appel. 

Par exemple, en matière de trouble de voisinage, elle considèrera ainsi que tel type de trouble, dont l’importance factuelle a été caractérisée par la Cour d’Appel, est un trouble anormal de voisinage… ou non. 

De la sorte la règle est établie. On sait que la Cour de Cassation considère que tel niveau de nuisance sonore est anormal, et que tel autre niveau est normal. Dans un cas, une indemnisation est possible, dans l’autre, non. 

La Cour de Cassation permet ainsi, en quelque sorte, de « ranger » les faits dans des cases juridiques, de façon à permettre de savoir quelle est la conséquence, ou l’absence de conséquence, de tel ou tel fait. 

Aussi, avant de former un pourvoi en cassation à l’encontre de telle ou telle décision d’appel, il convient de procéder à une analyse fine de la décision, pour déterminer si, au-delà des faits, il existe un moyen de dire que la Cour d’Appel n’a pas opéré une qualification juridique adéquate, de sorte que la Cour de Cassation peut, elle, faire cette qualification adéquate. 

Et que se passe t’il une fois que la Cour de Cassation a statué ? Schématiquement, il y a deux possibilités. 

Soit elle considère que la Cour d’Appel a correctement appliqué le droit aux faits qui lui étaient présentés, et elle rejette le pourvoi. Fin de l’histoire. 

Soit au contraire elle considère que la Cour d’Appel n’a pas correctement appliqué le droit, et dit ainsi dans le corps de sa décision la bonne façon de faire. 

Dans un tel cas de figure, la Cour de Cassation ne juge pas l’affaire. 

Elle invite une autre Cour d’Appel à le faire, en suivant ses directives. On dit qu’elle renvoie l’affaire devant la Cour d’Appel, cette dernière étant ainsi appelée la Cour d’Appel de renvoi. 

Dans un tel cas, l’affaire est de nouveau jugée devant une autre Cour d’Appel que celle qui a justifié le pourvoi, et cette autre cour a tout intérêt à respecter l’interprétation de la règle de droit donnée par la Cour de Cassation (même si certaines s’entêtent à juger autrement. Cela peut soit agacer la Cour de Cassation, soit l’inciter à modifier sa jurisprudence…) 

Et voilà comment la règle juridique de la qualification est traduite, dans la réalité, par l’existence de divers niveaux de juridiction, le tout dernier contrôlant la bonne application du droit. 

 

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