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Soyez prudents avec les condamnations provisionnelles dont vous bénéficiez

1424C78E-E82A-4E46-9FEC-5A314A903FFB.image_600Il faut rappeler qu’en matière de référé, toute décision est par essence provisoire ; j’ai déjà évoqué ce point dans ce billet

Autrement dit, ce n’est pas parce que vous avez une décision prise en référé que celle-ci est irrévocable. 

Or le problème se pose avec une acuité particulière lorsque vous êtes partie gagnante à un référé, que vous avez perçu des sommes de ce chef et vous demandez si vous pouvez les utiliser librement. Sur le principe, oui, mais il existe toujours un risque que vous ayez à les rendre, entièrement ou partiellement. 

Il faut d’ailleurs observer que l’ordonnance de référé précise toujours que la condamnation est provisionnelle. 

Passons en revue quelques exemples. 

Premier exemple, une décision de référé peut faire l’objet d’un appel, comme presque toutes les décisions de justice. Donc la décision rendue par la Cour d’Appel peut-être différente de celle rendue en première instance. 

Si vous avez bénéficié d’une condamnation de 10.000 Euros en première instance, et que cette condamnation a été ramenée à 5.000 Euros en appel, vous n’avez droit au final (sauf pourvoi en cassation, mais c’est une autre histoire) qu’à 5.000 Euros. 

Autrement dit, si on vous a déjà versé les 10.000 Euros, il faut en rendre 5.000. Donc, premier conseil, si vous percevez des sommes, et que le référé fait l’objet d’un appel, attendez l’issue de l’appel pour les dépenser, vous aurez peut-être à les rendre. 

Notez que ce conseil est aussi valable pour toute condamnation réglée suite à un jugement de première instance. Tant que le délai pour faire appel n’est pas écoulé, ou, si appel il y a, qu’il n’est pas jugé, il est fort imprudent de dépenser les sommes allouées. 

Second exemple, après une décision de référé, l’affaire est rejugée entre les mêmes parties, et fait donc l’objet d’un nouveau référé. 

En effet, comme la décision de référé est par définition provisoire, si on peut faire valoir un élément nouveau, il peut y avoir un nouveau procès. 

Là il est difficile de faire des pronostics. L’élément nouveau peut ne pas arriver immédiatement, mais plusieurs mois après la première décision… Là aussi il faut faire preuve de prudence dans l’emploi des condamnations payées. Il vaut mieux interroger son avocat qui saura vous donner des conseils en fonction de votre cas particulier. 

Troisième exemple, après qu’une décision de référé ait été rendue, une des parties décide de porter l’affaire au fond. Dans ce cas, l’affaire est entièrement rejugée, dans toute sa complexité, peu important ce qu’a décidé le Juge des référés. 

Il est des lors possible que la condamnation de la partie A qui profitait à la partie B, et qui a été payée par A à B, soit annulée ou modifiée à la baisse. B devra alors rembourser A, totalement ou partiellement selon les termes du jugement. 

Certes, si une condamnation a eu lieu en référé, il y a de bonnes chances qu’elle ne soit pas remise en cause par la suite, puisqu’en principe le Juge de condamne que s’il considère l’obligation évidente. 

Il n’est toutefois pas impossible que ce qui est évident ne le soit plus du tout, si de nouveaux éléments contraires sont communiqués par la suite. 

Il est donc conseillé de se montrer très prudent avec les sommes qui sont versées. Il serait dommage d’avoir à faire un prêt bancaire pour les restituer si le vent tourne…

Une fois le procès au fond engagé, il devient souvent impossible d’engager un référé.

Un procès au fond engagé interdit de faire de référéLa problématique est la suivante : une partie est engagée dans un procès au fond. (J’ai déjà exposé dans ce billet la différence entre la procédure au fond et le référé). Pour une raison quelconque, une des parties au procès au fond veut engager un référé. 

Plusieurs motivations peuvent justifier cette nouvelle procédure. Par exemple, la partie souhaite faire désigner un Expert judiciaire, demander une condamnation provisionnelle… Toutes choses qui en principe se font, généralement, dans le cadre du référé. 

Toutefois, la règle est que si vous êtes déjà engagé dans une procédure au fond devant le Tribunal, vous ne pouvez plus engager de référé. 

Enfin… presque. La règle vaut pour le Tribunal de Grande Instance, pas pour les autres juridictions. 

En effet, vous vous souvenez que devant le Tribunal de Grande Instance, l’affaire suit diverses audiences de procédure (c’est la « Mise en Etat ») présidées par un Juge de la Mise en Etat. 

Or le Code de Procédure Civile précise, lorsque ce Juge est désigné, qu’il devient seul compétent pour allouer une provision au créancier, ordonner toutes mesures provisoires ou encore ordonner toutes mesures d’instruction et notamment une expertise. 

Ce qui veut dire qu’une partie importante du contentieux du référé, consistant à faire ordonner des expertises, demander des condamnations provisionnelles, ou demander des mesures provisoires, passe entre les mains du Juge de la Mise en Etat lorsqu’il est saisi de la procédure au fond.

Donc, en conclusion, ça ne veut pas dire que les possibilités d’actions offertes par le référé sont soudain fermées, mais que c’est devant ce Juge qu’il faut faire la demande. 

Enfin, je rappelle que ceci ne concerne que le Juge de la Mise en Etat. Par définition, donc, ce mécanisme ne s’applique que lorsqu’un tel Juge est désigné. Autrement dit, la procédure de référé reste ouverte lorsque l’instance au fond n’a pas donné lieu à la désignation de ce Juge. 

Dernière observation : attention, tout de même, en matière d’expertise. En principe, lorsqu’on sollicite une expertise devant le Juge des référés, c’est « avant tout procès ». Donc, même si aucun Juge de la Mise en Etat n’a été désigné dans le cadre de l’instance au fond (par exemple parce que vous êtes devant le Conseil de Prud’hommes) la demande d’expertise en référé n’est pas nécessairement recevable, car on n’est plus « avant tout procès ». 

 

La vie après le référé

J’ai déjà expliqué ce qu’est un référé, , et puis .

Mais que se passe t’il une fois la décision de référé rendue ? Pour pouvoir répondre à cette question, il faut tout d’abord se souvenir que les décisions de référé sont par nature provisoires.

Ainsi, lorsqu’on sollicite du président qu’il enjoigne à son adversaire de faire quelque chose, il s’agira alors d’obtenir une mesure conservatoire ou de remise en état. Rien de définitif, en principe.

Lorsqu’on sollicite une somme d’argent, elle ne sera accordée qu’à titre provisionnel.

Cela revient à dire que la décision de référé n’est pas définitive. Elle peut le devenir, en pratique, par la force des choses, mais ce n’est pas sa vocation.

Une fois que la décision de référé est rendue, diverses options sont dès lors possibles.

Prenons un exemple simple. Un quidam a sollicité en référé votre condamnation à lui payer la somme de 1000 Euros correspondant à une facture non réglée. Pas de chance, le juge des référés l’a écouté et vous a condamné.

Naturellement, vous êtes très insatisfait, et pas uniquement parce que vous vous êtes levé du pied gauche, mais parce que vous pensez véritablement que vous ne devez pas payer cette somme.

Que pouvez vous faire ? Eh bien, tout d’abord, payer votre adversaire (sous peine de voir les déménageurs arriver et embarquer vos armoires Billy).

En effet, il faut rappeler que la décision de référé peut être immédiatement exécutée, de sorte qu’il faut payer avant de tenter d’obtenir la restitution de la somme (d’où mon affection pour le référé, qui en cas de bon dossier est une véritable petite opération commando).

Ensuite, vous avez le choix, l’option que vous allez choisir dépendant généralement du contenu de votre dossier. Vous pouvez ainsi soit faire appel du référé, soit faire comme si ce dernier n’avait pas existé (ou presque) et intenter un procès devant le juge du fond.

Ainsi, tout d’abord, vous pouvez penser que même selon les règles du référé, vous auriez dû gagner. Traduction, concernant le paiement d’une somme d’argent : la créance de votre adversaire n’était pas évidente, vu que vous pouviez soulever une contestation sérieuse à son règlement.

Rappelons qu’en matière de référé provision, c’est le seul critère. En présence de ce qui apparaît comme une contestation sérieuse, le juge doit refuser de statuer.

Dans ce cas, vous pouvez interjeter appel de la décision de référé.

Dès lors, l’affaire sera plaidée devant la Cour d’Appel, qui règlera le problème selon les mêmes règles et ainsi se demandera si oui ou non, la créance de votre adversaire est évidente, ou si la contestation que vous soulevez sérieuse.

Il faut savoir qu’en appel, on peut produire de nouveaux éléments. Vous pouvez donc par exemple fournir un document prouvant que vous avez déjà payé la créance réclamée. C’est une solution « évidente », qui a toutes les chances d’aboutir devant la Cour d’Appel statuant sur un référé. Elle constatera ainsi que puisque la créance a été réglée, il y a de façon évidente une contestation sérieuse à ce qu’on demande (une fois de plus, donc) son paiement.

Ainsi, une première solution après une décision de référé consiste tout simplement à en faire appel.

Mais supposons que l’affaire n’est pas si évidente, mais au contraire complexe. Supposons, par exemple, que vous refusez de payer la somme réclamée parce que le travail qui a donné lieu à la facture était mal réalisé. Voici une bonne raison de ne pas payer, mais qui n’est pas «évidente» pour un juge. Vous avez bien tenté de le faire valoir devant le juge des référés, mais faute pour vous d’avoir pu fournir des éléments de preuve, vous n’avez pas été écouté.

Dès lors, il est plus opportun d’aller directement voir le juge du fond, pour qu’il tranche définitivement le litige, qui n’était tranché que de façon provisoire par le juge des référés.

Autant le magistrat des référés est rebuté par la complexité (c’est normal, il est le juge de l’évidence), autant le juge du fond ira fouiller dans les recoins de votre dossier si vous le lui demandez poliment.

Ainsi, la seconde solution après un référé est d’aller directement plaider au fond. Autrement dit, la même affaire sera rejugée selon des règles différentes, et peut être également avec une issue différente.

Notez bien que les deux peuvent se combiner : il est possible d’interjeter appel d’une ordonnance de référé, et, insatisfait du résultat, d’aller malgré tout devant le juge du fond, dont le jugement, lui aussi, pourra faire l’objet d’un appel…

Attention toutefois à la surenchère procédurale : consultez votre avocat avant d’agir, il pourra vous conseiller utilement sur la procédure la plus opportune.