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Étiquette : tribunal de commerce

Petit guide pour se défendre seul à son audience

D’une façon générale, je ne conseille pas du tout de se défendre seul à son audience.

Ce n’est pas un réflexe corporatiste, c’est simplement que moi, avocat, j’aime bien avoir un particulier, non défendu par un avocat, face à moi. C’est généralement plus facile.

En effet, un particulier n’aura, généralement, pas les connaissances de droit, mais aussi de procédure, lui permettant d’avoir toutes ses chances.

Se faire assister d’un avocat vous aide donc à avoir les meilleures chances possibles de gagner votre affaire.

Peut-on toujours se défendre seul ?

Aller seul à son audience, ce n’est pas toujours possible. Vous pouvez le faire devant le Tribunal d’Instance, ou devant le Tribunal de Commerce, ou encore au Conseil des Prud’hommes (pour rester en matière civile).

Mais par exemple c’est impossible devant le Tribunal de Grande Instance, où la représentation par avocat est obligatoire.

Ainsi l’article 751 du Code de Procédure Civile dispose que:

« Les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat ».

Donc au Tribunal de Grande Instance, pas question de se défendre seul, on est obligé de prendre un avocat (sauf pour un référé, là c’est bon).

Ceci étant, vous pouvez décider de vous défendre seul, soit par principe, soit parce que l’affaire n’a pas l’air bien grave, soit encore par ce que vous ne pouvez pas vous offrir l’assistance d’un avocat.

Dès lors, que faire quand on décide de se défendre seul au tribunal?

Il faut rappeler que le juge est là, en principe, pour appliquer la bonne règle de droit aux faits qui lui sont présentés. C’est la « qualification ».

Donc, en principe du moins, si vous expliquez clairement les faits, le juge appliquera le droit.

Vous n’avez donc pas absolument besoin de lui exposer la règle de droit. C’est mieux, soyons clairs, mais au pire, on peut s’en passer.

Donc voici quelques conseils pour préparer son dossier en vue de son audience.

Que faire pour préparer son audience

D’abord, prévoyez votre carte d’identité sur vous. En effet le juge voudra vérifier que vous êtes bien qui vous dites.

Si vous allez au Tribunal pour votre société (dont vous êtes le dirigeant), amenez un Kbis récent.

Ensuite, même si l’affaire est simple, il est préférable de rédiger votre argumentation par écrit.

Je ne conseille pas de forme spéciale, mais d’une façon générale voici ce qu’il faut faire :

  • Exposez très clairement les faits, en phrases courtes de type sujet, verbe, complément.
  • Prouvez-les, au fur et à mesure que vous les exposez, par exemple: « Tel jour j’ai acheté telle fourniture (voir facture de l’entreprise JEVENDSTOUT du 2 janvier 2018 en pièce n°1) »;
  • Une fois les faits clairement exposés, expliquez ensuite votre point de vue, donc ce qui motive votre demande ou votre défense. C’est la partie généralement intitulée « Discussion ».
  • Enfin, une fois que vous avez clairement exposé la situation, explicitez clairement et synthétiquement vos demandes. Dans les conclusions rédigées par un avocat, ou dans un jugement, c’est la partie de l’argumentation figurant sous le titre « Par ces motifs ». Cela signifie, en gros, que « par les motifs précédemment exposés, je demande telle et telle chose ».
  • Donc dans cette dernière partie, dites clairement ce que vous voulez, par exemple:
    • Condamner telle personne à me payer telle somme ;
    • Expulser Untel du logement loué
    • Condamner Untel à faire telle chose sous astreinte de 10 euros par jour de retard…
    • Si vous êtes en défense : Débouter Untel de toutes ses demandes…
  • Enfin, à la toute fin de votre argumentation, ajoutez la liste numérotée des documents sur lesquels vous vous appuyez.

Je vous invite à consulter en fin d’article le modèle succinct que j’ai rédigé.

Il faudra, le jour de l’audience, fournir votre argumentation au juge de même que le dossier de pièces, numérotées et rangées dans l’ordre (sauf à ce que le juge demande, par écrit, à ce que cela soit communiqué avant).

Attention, point essentiel: il faudra avoir communiqué, préalablement à l’audience (quelques jours avant de préférence), votre argumentaire et vos documents à la partie adverse ou à son avocat, afin de respecter le principe du contradictoire.

Sinon vous allez fortement énerver le juge (et l’avocat adverse).

Lors de l’audience

Lors de l’audience, vous allez plaider votre dossier. C’est à dire l’expliquer au juge par oral.

Soyez concis, clair et calme. Parlez au juge, pas à la partie adverse.

Ne vous énervez jamais, ni contre la partie adverse, ni, surtout, contre le juge.

Et une fois l’audience finie, notez bien la date à laquelle la décision sera rendue, cela n’est jamais fait instantanément pendant l’audience.

Enfin, je joins ci-dessous un modèle très succinct pouvant vous guider pour rédiger votre argumentation.

 

Modèle (très, très) succinct de conclusions:

 

Conclusions devant le Tribunal [type de Tribunal] de [VILLE du Tribunal]

 Date de l’audience :

Pour : (vos coordonnées : nom, prénom, date et lieu de naissance, profession, domicile, si vous êtes une société, dénomination sociale, numéro d’immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés, adresse).

 Contre : (les coordonnées de votre ou vos adversaire-s)

 

Plaise au Tribunal

  1. Exposé des faits

Exposé synthétique et clair des faits.

Mentionner systématiquement les documents prouvant les faits exposés. Exemple : « Le 2 janvier 2018, j’ai acquis une tractopelle (voir facture en pièce n°1) ».

  1. Discussion

Expliquer clairement les raisons qui justifient votre argumentation, en relation avec les faits exposés au point précédent. Exemple : « La tractopelle n’a jamais fonctionné, je considère donc qu’elle est affectée d’un vice caché ».

Si vous avez exposé des frais pour vous défendre (« frais irrépétibles »), ne pas oublier d’en demander remboursement à la partie adverse. Donner les justificatifs.

Par ces motifs

Il est demandé au Tribunal de :

Par exemple :

  • Condamner Untel à payer telle somme
  • Rejeter la demande de Untel dirigée contre moi…
  • Condamner Untel à me régler une somme de 500 Euros à titre remboursement de mes frais irrépétibles ;
  • Condamner Untel aux entiers dépens.

 

Bordereau de pièces communiquées: 

  1. Document XX
  2. Document YY

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Où dois-je assigner : la compétence territoriale des tribunaux

Où dois-je assigner : la compétence territoriale des tribunauxLorsqu’on doit assigner un adversaire en justice, le premier réflexe est de déterminer le tribunal compétent.

Il faut d’abord déterminer quel type de tribunal est compétent : en matière civile, par exemple, on devra choisir, selon le type de litige, entre le tribunal d’instance, le tribunal de grande instance, le tribunal de commerce, à moins qu’il s’agisse d’un litige prud’homal, auquel cas c’est le Conseil de Prud’hommes qui est compétent… Sachant que selon le type de tribunal, les procédures seront gérées différemment.

Mais une fois choisi le bon type de tribunal, encore faut-il choisir le bon sur le plan géographique.

C’est la question de la compétence territoriale des tribunaux.

En matière civile, cette question de la compétence territoriale est très précisément définie.

La règle de base est que l’on saisit la juridiction du lieu où demeure le défendeur, ou l’un des défendeurs.

Par exemple, si vous habitez Toulouse et que votre adversaire habite à Bordeaux, vous devez saisir le tribunal de Bordeaux.

Si vous avez plusieurs défendeurs, un à Bordeaux, un à Lyon, un à Lille, vous pouvez choisir entre ces trois lieux. Mais vous ne pouvez pas assigner à Toulouse, le tribunal se déclarerait incompétent territorialement.

A l’exception du cas où votre adversaire n’a pas de domicile connu, auquel cas vous pouvez assigner à Toulouse.  En outre, si vous avez plusieurs adversaires dans diverses villes de France, et que l’un d’entre eux est à Toulouse, c’est bon, là aussi vous pouvez assigner « chez vous ».

Ensuite, arrivent les aménagements à la règle, ça se complique.

Ainsi, la compétence territoriale peut dépendre du type de litige, et le Code de Procédure Civile offre dans certains cas des options de compétence au demandeur.

Par exemple, si le litige porte sur un contrat, vous pouvez assigner devant le tribunal du lieu de la livraison effective de la chose ou de l’exécution de la prestation de service.

Par exemple, toujours si vous habitez à Toulouse, et qu’une entreprise Bordelaise vous livre du vin à domicile, vous pourrez assigner à Toulouse (lieu de la livraison) ou à Bordeaux (domicile du défendeur). Mais supposons que vous décidiez avec cette entreprise qu’elle livrera une adresse à Paris, là, vous avez le choix entre Bordeaux (domicile) et Paris (lieu de livraison).

Pareillement, si votre procès est relatif à une responsabilité délictuelle, vous pouvez choisir entre le lieu du domicile du responsable, le lieu où le fait dommageable a eu lieu, ou celui où le dommage a été subi.

Par exemple, une entreprise lyonnaise emboutit avec son camion de livraison le portail de votre résidence secondaire de Rennes (alors que vous habitez Toulouse). Vous pourrez ainsi assigner à Lyon (domicile) ou à Rennes (lieu où le fait dommageable s’est produit).

Enfin, il y a toute une série de compétences particulières, qui sont encore différentes des règles générales que je viens d’exposer. Par exemple, en matière de litige pour un bail d’habitation, seul le tribunal d’instance (compétence d’attribution) du lieu de l’immeuble loué (compétence territoriale) est compétent, comme je l’exposais dans un précédent billet.

Ainsi, comme on peut le voir, les règles de compétence requièrent un certain doigté pour ne pas se tromper.

 

Les audiences de procédure des tribunaux civils

Audiences de procédureRégulièrement j’ai pu m’apercevoir que le déroulement d’une procédure devant un tribunal civil (par opposition à pénal ou administratif) est souvent incompris. Ceci dit, ce n’est pas surprenant, vu que déjà, devant les juridictions civiles, les choses se déroulent très différemment selon que l’on est devant le Tribunal d’Instance, le Tribunal de Grande Instance ou le Tribunal de Commerce.

J’ai déjà fait un article sur la comparaison des procédures, mais je souhaite aborder la question sous un angle un peu différent ici, à savoir celui des audiences de procédure. En effet, les justiciables ne savent pas, généralement, s’il faut se déplacer à telle ou telle audience, par exemple.

Commençons par le plus simple, le Tribunal d’Instance (TI). Si vous assignez devant ce tribunal, ou y êtes assigné, on vous donnera une date d’audience. Là, c’est facile, c’est la date à laquelle l’affaire sera jugée, sauf à ce qu’il y ait un ou plusieurs renvois. Il faut donc être là (sauf si vous avez pris un avocat).

Donc, tout simplement, toutes les audiences devant le TI sont des audiences de plaidoirie (au moins potentielles) et il n’y a pas d’audiences de procédure.

Devant le TGI (Tribunal de Grande Instance), ça se corse. En effet, le suivi de la procédure, laquelle est entièrement écrite, contrairement au TI, fait l’objet d’audiences de procédure particulières, appelées audience de mise en état, suivies par le juge de la mise en état. Il s’appelle comme cela car c’est le juge qui s’assure que la procédure est, au fur et à mesure, mise en état d’être jugée.

Il faut savoir que c’est le tribunal, une fois l’assignation délivrée et placée, qui donne la première date d’audience, qui n’est donc pas marquée sur l’assignation.

Là, déjà, il est inutile de se déplacer par principe, puisque devant le TGI, vous êtes obligé d’avoir un avocat. Mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’à part la toute dernière audience, où l’affaire se plaide, toutes les autres audiences sont des audiences de procédure, d’étape, où le juge s’assure simplement que les choses se passent bien : les avocats des parties communiquent en temps et en heures leurs conclusions, il peut y avoir des mesures administratives comme la jonction de deux instances… Bref c’est un processus exclusivement technique où en principe les questions de fond du dossier ne sont jamais abordées.

Donc, il est parfaitement inutile de songer à s’y déplacer (et de prendre un jour de congé pour cela comme je l’ai déjà vu). D’ailleurs, à présent, du moins à Paris et en région parisienne, les audiences font l’objet d’une communication dématérialisée par Internet. Traduction : tous les messages  à la juridiction doivent être communiqués au moins 48 heures avant l’audience, et sauf difficultés particulières, les avocats ne se déplacent pas. On peut donc avoir une audience avec un rôle comportant 25 affaires, et un juge seul dans la salle avec son greffier, qui énumère les affaires les unes après les autres. Les avocats ne s’y déplacent que s’il y a un point particulier qui demande une discussion qui ne peut avoir lieu par courrier.

En revanche, en fin de mise en état, une date d’audience de plaidoirie sera fixée : là, cela peut être intéressant de venir assister à l’audience pour voir comment cela se passe. Il faut toutefois savoir que la partie ne sera jamais entendue par le juge, seul son avocat a la parole.

Enfin, c’est encore différent devant le TC (Tribunal de Commerce). Comme devant le TI, une date sera marquée sur l’assignation. Toutefois, cette date n’est pas la date de plaidoirie, mais la date de la première audience de procédure. Ces audiences sont tenues « physiquement » (pas de dématérialisation ici, du moins pour l’instant) et un peu comme devant le TGI, il s’agit pour le tribunal de vérifier que les échanges d’écritures ont bien eu lieu, que les pièces ont été communiquées… En revanche, contrairement au TGI, les mesures d’administration judiciaire (comme une jonction de deux procédures, par exemple) ne se font pas simplement lors d’une audience d’étape : là, un juge va être désigné pour entendre les parties sur la mesure.

Puis on repart dans les audiences de procédure, et une fois que tout est en ordre, on est à nouveau renvoyé devant un juge pour l’audience de plaidoirie.

Concernant les audiences de procédure au TC, la représentation par avocat n’est pas obligatoire. Cependant, ces audiences sont très particulières (il peut y avoir 200 affaires qui passent en deux heures…) et il est souhaitable de prendre un correspondant sur place. Ne serait-ce que parce qu’il y a de fortes chances que le justiciable (voir même l’avocat qui n’est pas habitué) loupe son affaire, faute d’une attention très soutenue de toutes les secondes: les affaires se succèdent très vite, il y en a beaucoup, on ne sait jamais dans quelles catégorie va être placée son affaire donc on ne sait pas à quel moment faire particulièrement attention… Et même si on fait très attention, on peut encore louper l’affaire.

Je précise qu’en la matière, même pour les avocats, l’usage est, plutôt que de passer des heures (facturables) à gérer cela, on confie à un « mandataire » (généralement avocat) spécialisé de cette procédure, qui en suit des dizaines à la fois pour chaque audience, le soin de s’assurer du suivi, et ce pour un tarif forfaitaire qui au final est bien plus intéressant pour le client.

Procédure écrite et procédure orale

2B1623FD-58C9-48BE-996D-CF9DC04C69C6.image_600Devant les tribunaux, la procédures est soit écrite, soit orale ; j’en avais déjà touché quelques mots dans ce billet

Cela dépend des juridictions. La procédure sera orale devant le tribunal d’instance, le juge des référés, le juge de l’exécution, le tribunal de commerce, le conseil des prud’hommes, le juge pénal… En revanche, elle est écrite par exemple devant le Tribunal de Grande Instance, la Cour d’appel, le tribunal administratif…

La différence essentielle entre les deux types de procédures consiste en la façon dont le juge acceptera de prendre en compte les arguments présentés par les parties. 

En procédure écrite, tout doit être porté par écrit. Un argument de droit ou un élément de fait non visé dans les écritures ne sera purement et simplement pas pris en compte par le juge. C’est d’ailleurs ce qui justifie, devant les juridictions civiles, le formalisme des audiences de procédure : il s’agit pour le juge de s’assurer que chaque partie a pu prendre connaissance des arguments et pièces de l’autre, et qu’elle a eu la possibilité d’y répondre par écrit. 

En revanche, en matière de procédure orale, c’est plus souple. Le juge accepte les arguments présentés verbalement, pour peu que le principe du contradictoire soit respecté, c’est-à-dire que chacun ait pu avoir connaissance des arguments des autres et puisse les discuter. Si une partie formule à la barre un nouvel argument ébouriffant, et que l’autre partie a besoin de temps pour y répondre, par exemple en fournissant de documents, le juge soit renverra l’affaire à une prochaine date, soit autorisera, à titre exceptionnel, que des documents lui soient envoyés après la plaidoirie. 

La différence entre ces procédures a également un impact sur le temps passé à traiter le dossier. A dossier égal, chaque micro argument adverse, si l’on veut y répondre, devra donner lieu à de nouvelles conclusions en procédure écrite. En procédure orale, une simple réponse à l’audience peut suffire, ce qui pourra éviter d’avoir à rédiger des conclusions complémentaires. Gare à l’oubli des arguments devant la barre, toutefois… Il peut donc être malgré tout plus prudent de rédiger ses arguments entièrement par écrit afin que le juge ait une trace précise de ce que vous voulez dire. 

Cela est d’autant plus vrai qu’en matière de procédure orale, généralement la représentation par avocat n’est pas obligatoire et que les parties peuvent se défendre elles-mêmes. 

Image par Ttarasiuk’s

Licence Creative Commons

Les règles spéciales dérogent aux règles générales

Les règles spéciales dérogent aux règles généralesJ’aurais pu mettre en titre l’adage latin, « Specialia generalibus derogant », mais là j’avais peur de vous perdre en route. 

« Les règles spéciales dérogent aux règles générales » : qu’est ce que diable cela veut dire, et pourquoi est-ce important ? 

C’est important parce que c’est un principe qui permet de s’en sortir dans la jungle de la législation, et de trouver le bon texte applicable à votre situation. 

Il faut rappeler qu’en droit français, l’idée est de fixer un grand principe général, et de l’adapter aux cas précis (contrairement au droit anglo saxon qui part, traditionnellement, des cas précis pour permettre l’accès à un droit). 

Par exemple, on va fixer comme règle générale que toute faute commise par Primus au détriment de Secundus ouvre droit à indemnisation : Primus devra indemniser Secundus. C’est le mécanisme de la responsabilité délictuelle, qui est aujourd’hui assaisonné à toutes les sauces. Cela est bien pratique, puisqu’il suffit de revenir à la règle de base pour savoir quoi faire. 

C’est donc la « règle générale » du titre. 

Mais parfois, dans certains cas précis, il semble utile au législateur de créer des lois spéciales, adaptées à un problème précis. 

Par exemple, c’est le cas pour les accidents de la route. Avant 1985, on appliquait la responsabilité délictuelle que j’évoquais précédemment. On s’est toutefois aperçu que ce texte n’était pas adapté à la situation particulière, et c’est ainsi qu’on a édicté la loi de 1985. 

C’est donc une « règle spéciale ». 

Autrement dit, même si le texte général sur la responsabilité délictuelle reste en usage, dès qu’il y a accident de la route, on applique la règle spéciale, à savoir la loi de 1985. 

Dès lors, le principe signifiie que lorsqu’une règle spéciale traite d’un sujet particulier, c’est elle qu’il faut appliquer, par préférence (dérogation) à la règle générale. 

Un autre bon exemple réside dans la compétence des tribunaux. 

Par exemple, le tribunal de commerce est compétent pour tous litiges entre commerçant (personnes physiques commerçants ou sociétés commerciales). Supposons l’existence d’un bail commercial entre deux sociétés : en cas de litige, en principe, le tribunal de commerce devrait être compétent. 

Eh bien non. Il existe une disposition dans le Code de commerce qui énonce que tous les litiges concernant un bail commercial seront de la compétence du Tribunal de Grande Instance. Là encore, une règle spéciale déroge à une règle générale. 

Il faut donc être particulièrement vigilant lorsqu’il s’agit de saisir un tribunal, les apparences peuvent être trompeuses.

La procédure devant le Tribunal de Commerce

Comme je l’annonçais dans un précédent billet, voici un bref article relatif à la procédure devant le Tribunal de Commerce. 

L’Assignation devant le Tribunal de Commerce, contrairement à celle devant le Tribunal de Grande Instance, précise une date. 

Toutefois, il ne s’agit pas d’une date à laquelle l’affaire pourra être plaidée. En effet, il s’agit de la date d’une première audience de procédure devant le Tribunal de Commerce. 

En effet, devant cette juridiction, à l’instar du Tribunal de Grande Instance, la procédure connaît d’abord une phase d’échange d’écritures et de pièces, sans pour autant qu’il n’existe officiellement un « mise en état ». 

Ainsi, à la première audience, le dossier sera renvoyé à une nouvelle audience de procédure afin de permettre la communication de ses pièces par le demandeur, et, s’il l’a déjà fait, de permettre au défendeur de répliquer aux arguments exposés dans l’Assignation. Lors de cette audience ultérieure, si tous les arguments ont été échangés, l’affaire pourra être reportée à une nouvelle audience, lors de laquelle le Juge devant statuer sur l’affaire sera désigné. 

Enfin, une fois qu’il sera désigné, l’affaire pourra être plaidée. 

Il s’agit donc d’une procédure quelque peu simplifiée, mais assez proche de la procédure devant le Tribunal de Grande Instance, et qui elle aussi est relativement longue, un délai moyen de 6 semaines s’écoulant entre chaque audience de procédure. 

Il faut toutefois rappeler que devant le Tribunal de Commerce, il existe une procédure rapide dite de « bref délai » évoquée dans ce billet.

L’Assignation à jour fixe

Dans un précédent billet, j’expliquais que devant le Tribunal de Grande Instance, la procédure, relativement longue, se composait notamment d’une phase de « mise en état » constituée de plusieurs audiences de procédure, au cours desquelles le Juge vérifiait que chacun formulait ses arguments. 

Toutefois, parfois, certains dossiers ne se prêtent pas à un tel traitement de longue durée. Certains dossiers ont un caractère d’urgence qui nécessitent qu’une décision soit rendue rapidement. 

Comme je l’expliquais dans des billets précédents, la procédure de référé peut permettre à une partie d’obtenir un paiement relativement rapide

Toutefois ces procédures supposent que certaines conditions soient remplies, et généralement, outre l’urgence, il faut que le dossier présente un caractère certain d’évidence pour pouvoir être jugé. 

Or certains dossiers même urgents sont complexes, et ne présentent donc pas le caractère d’évidence permettant de mettre en oeuvre une procédure de référé. 

Si l’enjeu de ces dossiers est limité (10.000 Euros au maximum) il est possible que l’affaire soit jugée relativement rapidement devant le Tribunal d’Instance (où les délais sont généralement moins longs). 

Mais si l’affaire est complexe et que l’intérêt financier dépasse 10.000 Euros, le Tribunal de Grande Instance est forcément compétent. (Je précise que je n’aborde pas ici les dossiers relevant de juridictions particulières comme le Tribunal Administratif ; quant au Tribunal de Commerce il sera évoqué en fin de billet). 

C’est la raison pour laquelle il existe une procédure particulière devant le Tribunal de Grande Instance, dite de « jour fixe ». Elle consiste à permettre à une partie dont le dossier présente un réel caractère d’urgence d’obtenir une date de plaidoirie fixe (un peu comme devant le Tribunal d’Instance) et de passer outre la mise en état. 

Pour obtenir l’autorisation d’assigner à une date précise, donc « à jour fixe », il faut en demander l’autorisation par voie de requête en exposant les raisons de l’urgence. Si le Juge estime que l’urgence est caractérisée, il donne l’autorisation. 

Ainsi, l’affaire sera jugée à la date précitée (dans un délai de 2 à trois mois, quand même…). 

Cela reste toutefois une façon de procéder assez « sportive ». En effet, un peu comme devant le Tribunal d’Instance, en raison de cette date fixe et de l’absence de mise en état, les arguments de chacun seront souvent échangés dans les quelques jours précédant l’audience, voire la veille. 

Enfin, quelques mots sur le Tribunal de Commerce. La problématique de la longueur de traitement des dossiers devant ce Tribunal est globalement la même que celle devant le Tribunal de Grande Instance, ce qui fera l’objet d’un billet ultérieur. 

Ainsi, il existe une procédure similaire devant le Tribunal de Commerce, dite « à bref délai » qui permet elle aussi de passer outre la phase procédurale est d’être jugé rapidement.

Comment m’assurer que la décision de justice ne sera plus remise en cause?

De façon synthétique, lorsque vous recevez une décision de justice, vous souhaitez savoir si elle pourra être remise en cause par la suite, et à quel moment elle sera définitive. 

L’objet du présent billet n’est pas de présenter un exposé exhaustif de la question, laquelle est relativement large et complexe, mais d’indiquer les grandes lignes. Pour le cas par cas, je recommande que vous vous adressiez à votre avocat (il y a des chances que vous en ayez un si vous venez de recevoir une décision…)

 Sur le principe, la plupart des décisions de justice du premier degré (Tribunal d’Instance, Tribunal de Grande Instance, Conseil des Prud’hommes, Tribunal de Commerce…) peuvent faire l’objet d’un appel. 

 Quel délai pour faire appel ? A partir de quand ? 

En principe, le délai est d’un mois. En matière de référé, en revanche, le délai est de 15 jours.

Il faut savoir que, dans la plupart des cas, le délai court à compter de la notification de la décision. 

Cela signifie qu’à partir du moment où la décision vous est notifiée, vous avez un mois (ou 15 jours) pour faire appel. 

Cela signifie aussi que tant que la décision ne vous est pas notifiée, le délai d’appel ne court pas et que vous pouvez interjeter appel à tout moment. 

Qu’est-ce-que la notification ? 

La notification de la décision est le fait que vous en soyez officiellement averti. 

En général, une notification se fait par voie d’huissier. On parle alors de signification. Le délai court à compter du passage de l’huissier. 

Toutefois, dans certains cas, c’est le Tribunal lui même qui vous notifie (Tribunal Administratif, Conseil des Prud’hommes, par exemple). Le délai d’appel court alors à compter du courrier de notification par le Tribunal. 

On m’a dit que ma décision ne pouvait pas faire l’objet d’un appel, mais d’un pourvoi en cassation. Pourquoi ? 

Tout simplement parce que certaines décisions, compte tenu du faible enjeu financier, ne peuvent faire l’objet d’un appel. Seule la Cour de cassation peut alors se prononcer dans le cadre d’un pourvoi. 

Comment fonctionne un Pourvoi en Cassation ? 

Justement, j’y venais. Un Pourvoi en Cassation est la voie de recours à l’encontre des décisions citées au paragraphe précédent, mais surtout à l’encontre des arrêts de Cour d’Appel. 

Le mécanisme est globalement le même : à compter de la signification (par huissier ou par la juridiction), un délai, de deux mois cette fois, court pour former un pourvoi en cassation. 

Pour plus de détail sur les différents degrés de juridiction, vous pouvez lire ce billet

Que faire, en pratique? 

Cela dépend du point de savoir si la décision vous convient, ou pas. 

Si c’est une bonne décision, vous avez intérêt à la rendre définitive au plus vite, et donc à faire courir le délai d’appel le plus rapidement possible. Sauf si la notification est faite directement par la juridiction, il faut demander à un huissier de procéder à la signification.

Ensuite, on attend un mois (en première instance) ou 15 jours (en référé) ou encore 2 mois (après un appel). 

Si la décision n’est pas contestée, elle est définitive. Dans ce cas, sauf à ce que vous ayez eu le bénéfice de l’exécution provisoire, ce qui vous a permis d’exécuter tout de suite, vous pouvez enfin procéder à l’exécution de la décision (en français : obtenir vos sous). 

En revanche, si la décision est défavorable, bien entendu, il n’est pas opportun de la faire signifier puisque cela a pour effet de hâter son caractère définitif. 

Vous pouvez soit faire appel tout de suite, soit attendre qu’on vous la signifie, et là, faire appel dans le délai, qui doit être indiqué sur l’acte d’huissier. 

Enfin, pour conclure, je rappelle que tout cela n’est pas d’une grande simplicité et que le plus sûr est de demander conseil à votre avocat. Il est là pour ça.

Le délibéré

On m’a demandé récemment s’il était normal qu’en référé, la décision de justice ne soit pas rendue tout de suite. On m’a également demandé pourquoi le délibéré (le temps que met le juge à rendre sa décision) était aussi long.

Il est vrai que parfois le délibéré se compte en mois et que ce temps d’attente peut être angoissant.

Il faut toutefois savoir quelques éléments simples.

Tout d’abord, en référé, il faut savoir qu’il est très, très rare que la décision soit rendue immédiatement, sur le siège, comme on dit.

Cela arrive parfois en matière de référé provision (je l’ai vu plusieurs fois devant le Tribunal de Commerce) ou bien lorsque l’affaire est simplissime et que l’adversaire ne s’oppose pas aux demandes du requérant. Cela peut arriver par exemple en matière d’expertise, lorsque le demandeur sollicite qu’une partie participe désormais à l’expertise, et que cette partie ne s’y oppose pas.

La plupart du temps, toutefois, le juge a besoin d’un temps de réflexion pour prendre sa décision (ce qui est heureux) et indique qu’il rendra ladite décision à une date pouvant aller, en générale, d’une à quatre semaines. Croyez moi, c’est très rapide.

Et pourquoi, tant en référé que pour les autres procédures, le client s’étonne t’il de ne pas recevoir au jour dit du délibéré de nouvelles de son avocat, qui l’appellerait pour lui dire ce qu’il en est ?

Tout simplement parce que au jour dit, la décision, en pratique, n’est pas toujours rendue. Les greffes des tribunaux sont horriblement encombrés, et cela peut prendre beaucoup de temps pour qu’une décision prise par le juge soit tapée et mise en forme, pour ensuit être signée par le juge.

Ensuite, même lorsque la décision a bien été rendue le jour dit, lorsque l’avocat téléphone au greffe, il s’entend poliment mais fermement répondre qu’aucun délibéré n’est dit au téléphone, et qu’il faut nécessairement attendre l’envoi postal du jugement.

Tout simplement.

Alors, chers clients, non, votre avocat ne met pas nécessairement de la mauvaise volonté à vous annoncer le résultat des affaires qu’il traite pour vous.

Simplement, la plupart du temps, quand il ne dit rien… C’est qu’il n’a pas encore la décision et donc n’a encore rien à dire.

Assignation mode d’emploi

Le jour où vous recevrez une assignation, il conviendra de l’examiner soigneusement, car plusieurs éléments vont vous permettre de la décrypter et de comprendre de quoi il s’agit.

Tout d’abord, qu’est ce qu’une assignation?

C’est l’acte introductif d’instance qui, dans une très grande majorité de cas, va débuter un procès. Comme le fait de ne pas se manifester à son procès (je reviendrai là dessus dans un article ultérieur) peut être très lourd de conséquences, il est prudent de prendre soigneusement en considération les termes de l’assignation afin de pouvoir y répondre au mieux.

Voyons successivement les points importants.

Le tribunal 

D’abord, déterminez de quel type de tribunal il s’agit, et où il est situé. Le tribunal doit être marqué dans le titre, qui est généralement rédigé dans le style :

« Assignation devant le Tribunal de Grande Instance de Paris ».

Le lieu du Tribunal permet naturellement de savoir où vous devrez éventuellement vous déplacer. Le type de Tribunal permet notamment de savoir si vous aurez ou non besoin d’un avocat.

Attention, pas de méprise sur ce point. D’une façon générale, il est préférable d’avoir un avocat, ne serait-ce que pour être à armes égales avec votre adversaire, qui, s’il vous adressé une assignation, en a généralement un (il est très rare qu’un particulier rédige une assignation. C’est généralement l’avocat qui le fait).

Mais l’avocat n’est obligatoire que devant certains tribunaux, et notamment le Tribunal de Grande Instance. Aussi, si vous êtes assigné devant le Juge de proximité, le Tribunal d’instance, le Tribunal de Commerce, vous n’avez pas l’obligation de contacter un avocat et pouvez vous défendre seul.

Attention, si vous n’êtes pas commerçant, en principe, vous pouvez refuser d’être jugé par le Tribunal de Commerce, qui est réservé aux commerçants et sociétés commerciales.

Le type d’affaire

Quand je parle de type d’audience, je fais référence à la question de savoir, notamment, si c’est une audience au fond ou en référé.

Normalement, cela devrait figurer dans le titre.

J’ai rédigé plusieurs billets sur le référé, notamment ici et ici, permettant de déterminer la différence entre l’action au fond et l’action en référé.

Pour faire simple, l’action en référé permet d’obtenir des résultats bien spécifiques selon une procédure d’urgence. L’action au fond, pour sa part, est moins rapide, mais permet d’aborder tous les aspects d’une question : en quelque sorte, on va au fond du problème.

Si c’est une assignation au fond, rien de particulier ne sera indiqué. Parfois, le titre sera « Assignation à toutes fins ».

En revanche, si c’est une assignation en référé, un indice ne trompe pas: l’assignation est devant « Monsieur le Président du Tribunal ».

Il convient donc de vérifier si les demandes sont formulées devant le tribunal (= assignation au fond) ou devant son président (= assignation en référé).

Il peut également s’agir d’une action au fond mais à jour fixe. Cela est également marqué sur la première ou la deuxième page de l’assignation. Cela signifie que l’affaire sera jugée selon les règles normales, avec un examen approfondi de toute l’affaire, et non selon les règles du référé mais à une date fixée et notée dans l’assignation.

D’où l’importance de consulter la date.

La date 

Si l’assignation est « au fond », aucune date ne sera mentionnée. Il est simplement indiqué que la personne qui reçoit l’assignation doit dans un délai de quinze jours avoir constitué avocat.

Cela signifie qu’il faut consulter un avocat, qui signalera à l’avocat de la personne qui a émis l’assignation qu’il intervient pour vous défendre.

Pas de panique, le non respect du délai de quinze jours n’entraîne pas de sanction particulière. Mais il est conseillé de ne pas traîner. Il ne faudrait pas que l’affaire se plaide sans vous…

Si l’assignation est en référé, au contraire, une date et une heure sont marquées sur l’assignation. ATTENTION: c’est la date à laquelle l’affaire sera plaidée. C’est une date très importante, aussi, n’attendez pas le dernier moment pour vous manifester.

Enfin, s’il s’agit d’une assignation à jour fixe, il y aura également une date et une heure qui seront indiquées. Là aussi, il s’agit de la date de plaidoirie, et il faudra être prêt pour ce moment là.

Le dispositif 

Le dispositif est la partie de l’assignation qui indique précisément ce qu’on vous demande. Il figure à la fin de l’assignation, sous la mention « Par ces motifs ».

Il est essentiel de le consulter, puisque c’est la partie de l’assignation qui permet de comprendre à quelle sauce le demandeur entend vous manger.

Généralement, il se présentera sous forme de liste, avec des demandes de condamnations chiffrées.

La motivation 

C’est la (généralement) longue partie qui figure sous le titre « Plaise au Tribunal » ou « Plaise à Monsieur le Président » et avant le dispositif, signalé comme je l’indiquais par le titre « Par ces motifs ».

C’est la partie dans laquelle votre adversaire explique pourquoi il pense avoir raison. C’est à cette partie qu’il conviendra de répondre pour démontrer au tribunal qu’il n’y a pas lieu de vous condamner à quoi que ce soit, voire à condamner le demandeur à votre profit.

Dès lors, avec ces quelques éléments, vous devriez être en mesure de comprendre le sens général de l’assignation qui vous a été délivrée, et d’en apprécier le niveau de gravité et d’urgence. Et de consulter votre avocat qui pourra faire une analyse plus approfondie.

Le raisonnement juridique : Première instance, Appel et Cassation (IV)

photo 3Nous touchons à la fin. Après avoir abordé la question du raisonnement juridique tout d’abord iciensuite ici, et enfin là, voici le quatrième billet consacré au sujet. 

Il revient à la distinction opérée dans le premier billet entre les faits et le droit, autrement dit à l’opération de qualification juridique

En effet, le mécanisme de la qualification juridique est illustré par la hiérarchie entre juridictions

Je m’explique. 

Lorsque vous avez un problème que vous voulez voir tranché devant un juge, vous vous présentez devant le Tribunal de Grande Instance, le Tribunal d’Instance, le Tribunal de Commerce ou le Conseil des Prud’hommes (pour demeurer dans les juridictions fréquemment saisies de l’ordre judiciaire). 

Le juge saisi examine les faits qui sont établis, et y applique la règle de droit. 

Si vous n’êtes pas satisfait de la solution (parce que vous avez perdu, ou que vous n’avez pas assez gagné..) vous interjetez appel devant la Cour d’Appel. 

Là, le même débat a lieu, une seconde fois. C’est en effet le droit de tout justiciable de voir son affaire jugée deux fois. On appelle cela le double degré de juridiction

Devant la Cour d’Appel, il faut présenter les mêmes demandes que devant la juridiction de première instance ; sauf exceptions, les demandes nouvelles sont proscrites. En revanche, on peut, à leur soutien, présenter de nouveaux arguments, de nouvelles preuves, de nouveaux faits. 

La similarité entre le juge de première instance et le juge d’appel, c’est que les deux ont le droit de dire si oui ou non, les faits que l’on présente sont prouvés, existent. 

Dans mon exemple de troubles du voisinage, ils ont tous les deux le droit de dire que oui, il est établi que le garage voisin fait du bruit et sent mauvais. 

La situation devient tout autre devant la Cour de Cassation. 

Si on forme un pourvoi devant la Cour de Cassation, c’est logiquement parce que la décision rendue par la Cour d’Appel n’est pas satisfaisante. Mais la façon de juger des magistrats de la Cour de Cassation est toute autre de celle des juges du fond, première instance et appel. 

Eux ne vont pas se préoccuper de savoir s’il existe des bruits ou des odeurs. Ils vont examiner l’arrêt d’appel. Si celui-ci mentionne l’existence de ces bruits et odeurs, ils vont le prendre pour acquis. 

Autrement dit, le juge de la Cour de Cassation n’examine pas la réalité, la présence des faits, mais vérifie ce qu’en a dit le précédent juge. 

Son seul et unique travail est celui de qualification juridique. 

C’est bien la raison pour laquelle la Cour de Cassation est considérée comme une juridiction « suprême », qui construit le droit. 

En effet, son travail est de donner des conséquences juridiques aux faits établis, en accord avec les lois et règlements. Elle vérifie ainsi que compte tenu d’éléments factuels donnés, la bonne conséquence de droit a été déduite par le juge d’appel. 

Par exemple, en matière de trouble de voisinage, elle considèrera ainsi que tel type de trouble, dont l’importance factuelle a été caractérisée par la Cour d’Appel, est un trouble anormal de voisinage… ou non. 

De la sorte la règle est établie. On sait que la Cour de Cassation considère que tel niveau de nuisance sonore est anormal, et que tel autre niveau est normal. Dans un cas, une indemnisation est possible, dans l’autre, non. 

La Cour de Cassation permet ainsi, en quelque sorte, de « ranger » les faits dans des cases juridiques, de façon à permettre de savoir quelle est la conséquence, ou l’absence de conséquence, de tel ou tel fait. 

Aussi, avant de former un pourvoi en cassation à l’encontre de telle ou telle décision d’appel, il convient de procéder à une analyse fine de la décision, pour déterminer si, au-delà des faits, il existe un moyen de dire que la Cour d’Appel n’a pas opéré une qualification juridique adéquate, de sorte que la Cour de Cassation peut, elle, faire cette qualification adéquate. 

Et que se passe t’il une fois que la Cour de Cassation a statué ? Schématiquement, il y a deux possibilités. 

Soit elle considère que la Cour d’Appel a correctement appliqué le droit aux faits qui lui étaient présentés, et elle rejette le pourvoi. Fin de l’histoire. 

Soit au contraire elle considère que la Cour d’Appel n’a pas correctement appliqué le droit, et dit ainsi dans le corps de sa décision la bonne façon de faire. 

Dans un tel cas de figure, la Cour de Cassation ne juge pas l’affaire. 

Elle invite une autre Cour d’Appel à le faire, en suivant ses directives. On dit qu’elle renvoie l’affaire devant la Cour d’Appel, cette dernière étant ainsi appelée la Cour d’Appel de renvoi. 

Dans un tel cas, l’affaire est de nouveau jugée devant une autre Cour d’Appel que celle qui a justifié le pourvoi, et cette autre cour a tout intérêt à respecter l’interprétation de la règle de droit donnée par la Cour de Cassation (même si certaines s’entêtent à juger autrement. Cela peut soit agacer la Cour de Cassation, soit l’inciter à modifier sa jurisprudence…) 

Et voilà comment la règle juridique de la qualification est traduite, dans la réalité, par l’existence de divers niveaux de juridiction, le tout dernier contrôlant la bonne application du droit. 

 

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